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Échanges musclés et enjeux variés au débat des chefs (VIDÉO)

Échanges musclés au débat des chefs (VIDÉO)

Après deux débats en anglais, les électeurs pouvaient entendre pour la première fois ce soir les chefs de partis s'affronter en français, en ce 54e jour de la campagne électorale. Il s'agissait aussi de la première et de la seule fois de la campagne où cinq partis sont représentés sur un même plateau.

Gouvernement et services aux citoyens

C'est la question du niqab qui a suscité les échanges les plus animés du premier segment, consacré aux services donnés aux citoyens par le gouvernement.

« Si un homme ne peut pas dire à une femme comment s'habiller, l'État ne devrait pas dire une femme comment ne pas s'habiller », a lancé le chef libéral, Justin Trudeau, qui s'est posé en défenseur des droits des minorités.

Il a accusé le chef bloquiste, Gilles Duceppe, et son adversaire conservateur, Stephen Harper, de « jouer sur la peur et la division ».

« On ne divise pas », a rétorqué M. Duceppe, faisant valoir qu'il était ici question de l'égalité entre les hommes et les femmes. « L'Assemblée nationale est unanime » sur ce sujet, a-t-il lancé, ajoutant que 90 % de la population québécoise s'opposait au port du niqab dans les services publics.

Il a affirmé que le premier projet de loi que déposerait son parti proposerait serait d'interdire le port du niqab non seulement lors de la prestation de serment aux cérémonies de citoyenneté mais aussi lors du vote et dans les services publics.

« On ne devrait pas cacher son identité quand on se joint à la famille canadienne », a pour sa part déclaré le chef conservateur, Stephen Harper. « Je ne vais jamais dire à ma jeune fille qu'une femme devrait se cacher le visage parce qu'elle est une femme ».

Le néo-démocrate, Thomas Mulcair, a réitéré qu'une femme dont le visage était couvert devait dévoiler avant l'assermentation, accusant le chef conservateur de se livrer à des « jeux politiques » et d'utiliser cette question comme « arme de distraction massive ». « Stephen Harper tente de cacher son bilan derrière la question du niqab », a-t-il dit, dénonçant les compressions de son gouvernement.

Il s'agit d'un « faux débat » lancé en pleine campagne électorale, a renchéri la chef du Parti vert, Elizabeth May. « Quel est l'impact du niqab sur l'économie, sur les changements climatiques? », a t-elle demandé, y voyant une récupération politique pour distraire des vrais défis auquel est confronté le Canada. Si on veut vraiment défendre les droits des femmes, il faut alors mettre sur pied une enquête sur les femmes autochtones assassinées et disparues, a-t-elle lancé.

Il a aussi été question de l'aide médicale à mourir.

À de nombreuses reprises au cours de ce segment, Justin Trudeau a évité les questions, parlant plutôt de son plan économique.

Économie

Les investissements en infrastructures et le fardeau fiscal des entreprises ont dominé la portion économique du débat.

Le chef libéral Justin Trudeau a évidemment mis de l'avant sa promesse d'injecter des dizaines de milliards de dollars supplémentaires dans un plan d'infrastructures. « M. Trudeau est en train de revenir sur de vieilles formules », a répliqué le chef néo-démocrate Thomas Mulcair.

Le chef du NPD a soutenu que son adversaire libéral voulait imposer une dette aux générations futures, en promettant trois années de déficit, tandis qu'il dit prôner des programmes sociaux « pérennes, soutenables et durables ».

« Un nouveau métro n'est pas une dette, M. Mulcair », a répliqué M. Trudeau, affirmant que les bas taux d'intérêt actuels et le ratio dette/PIB avantageux faisaient de la période actuelle le moment idéal pour investir.

Thomas Mulcair a soutenu que son plan en infrastructures était à long terme et pourrait rapporter notamment 8,7 milliards en 20 ans à Montréal. « Les gens sont pris dans le trafic aujourd'hui, pas dans cinq mandats », a lancé Justin Trudeau.

Le chef conservateur Stephen Harper a réaffirmé que le plan des conservateurs en infrastructures était le plus ambitieux de l'histoire, affirmant qu'il avait fait 15 fois plus d'investissements que dans la dernière année du gouvernement libéral précédent.

Le chef bloquiste Gilles Duceppe propose la création d'une société d'infrastructures qui ferait en sorte que l'argent emprunté serait transféré sur la dette et amorti sur 30 ans. La chef du Parti vert, Elizabeth May, a estimé pour sa part que le gouvernement imposait actuellement un « fardeau impossible » pour les municipalités.

Sur le fardeau fiscal des entreprises, Stephen Harper a continué de présenter son approche, basée sur des taxes et des impôts bas, comme la meilleure. M. Harper a accusé son adversaire néo-démocrate de vouloir imposer un fardeau 10 fois plus important aux entreprises, notamment en gardant les cotisations à l'assurance-emploi au même niveau.

Thomas Mulcair a répliqué avec sa promesse de réduire le taux d'imposition des PME de 11 % à 9 %, tout en augmentant celui des grandes entreprises de 15 % à 17 %. Justin Trudeau est intervenu pour dire que cela toucherait des entreprises comme RONA ou Jean Coutu, ce qui aurait des répercussions sur nombre d'employés.

Gouvernance

Comme lors du premier débat, uniquement en anglais, les leaders politiques ont abordé l'enjeu de la souveraineté du Québec, mais cette fois-ci en présence du chef qui défend cette option.

Gilles Duceppe a estimé que le Canada accepterait une question claire comme : « Voulez-vous que le Québec devienne un pays indépendant? ». « Je ne vois pas comment le Canada pourrait refuser de négocier », a-t-il soutenu.

Il a en outre accusé Thomas Mulcair d'avoir fait campagne au sein d'un camp qui n'avait pas respecté les limites de dépenses lors du référendum de 1995.

Critiquant le NPD pour vouloir accepter une éventuelle séparation du Québec avec 50 % des voix plus un, Justin Trudeau a prétendu que la Cour suprême avait jugé qu'un seul vote ne suffirait pas « pour déchirer en deux » le Canada. « C'est faux », l'a corrigé M. Mulcair, rappelant que le plus haut tribunal du pays n'avait pas précisé de pourcentage précis.

« Il faut être clair en démocratie : celui qui gagne gagne ». Répétant qu'il s'était « battu pour garder le Canada uni », il a dit respecter la démocratie. « Je n'accepte pas que ce qui vaut pour l'Écosse et l'Angleterre » ne s'applique pas ici, a-t-il dit.

« Les Québécois sont clairs : ils ne veulent pas d'autres référendums », a pour sa part déclaré M. Harper. Le « vrai débat » qui les intéresse, a-t-il ajouté, concerne l'économie, les valeurs canadiennes, la sécurité et les impôts bas.

Par ailleurs, en dépit de l'opposition de certaines provinces à l'abolition du Sénat, dont le Québec et l'Ontario, Thomas Mulcair a soutenu qu'une telle option était faisable, même s'il faudait pour ce faire entamer des discussions constitutionnelles. Il a soutenu qu'il avait oeuvré à mettre en place des commissions scolaires linguistiques plutôt que confessionnelles au Québec, même si à l'époque plusieurs croyaient cela impossible.

« On est pris avec la Constitution et les reliques de 1867 », a martelé Thomas Mulcair, déplorant que des sénateurs non élus puissent défaire des lois. Il a rappelé que le Sénat avait renversé une loi sur les changements climatiques dûment adoptée par la Chambre des communes, proposée par le défunt chef du NPD, Jack Layton.

Elizabeth May a renchéri, affirmant qu'il s'agissait du « plus grand scandale » et que les sénateurs l'avaient rejeté à cause des « ordre » donnés par Stephen Harper, qui « refuse d'agir contre les gaz à effet de serre ».

Celle-ci préconise un Sénat élu par vote proportionnel. La priorité, a-elle cependant ajouté, est de réduire le pouvoir émanant du bureau du premier ministre.

Justin Trudeau a de son côté estimé que le Canada n'avait pas besoin de « négociations interminables », réitérant que son parti avait écarté les sénateurs libéraux du caucus de sa formation et qu'il fallait plutôt enlever la partisanerie. Il a également reproché à Stephen Harper d'avoir nommé 59 sénateurs même s'il avait promis de n'en nommer aucun.

Stephen Harper a fait valoir qu'il n'y avait pas de consensus ni sur une éventuelle réforme du Sénat ni sur son abolition, ajoutant que le débat sur la Constitution était « passé date »

Gilles Duceppe a rappelé que l'abolition du Sénat nécessiterait l'unanimité des provinces et que des négociations constitutionnelles devraient aussi traiter des demandes du Québec et des Première Nations. « Le jour où le Québec sera indépendant, il n'y aura plus de Sénat et il n'y aura plus de monarchie non plus », a-t-il lancé.

Environnement

Le sujet du développement des ressources naturelles s'est imposé dans la portion environnementale du débat.

Thomas Mulcair a reproché à Stephen Harper d'avoir réduit les exigences environnementales pour les projets, l'accusant de laisser « les compagnies ferroviaires s'inspecter elles-mêmes » et mentionnant au passage les rappels de viande avariée qu'il a attribués aux compressions à l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Le chef conservateur a souligné l'importance économique des projets d'exportation de pétrole, qui « créent des emplois des deux côtés de la frontière », ajoutant que le NPD avait un réflexe protectionniste en s'opposant au projet Keystone XL.

M. Harper a fait réagir tant Gilles Duceppe qu'Elizabeth May en affirmant que le projet Énergie Est, notamment, visait à remplacer le pétrole étranger par du pétrole canadien, alors qu'il vise l'exportation.

M. Duceppe a réclamé que tout projet de transport passant par le Québec soit soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale et du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Mme May a souligné qu'un tel sentiment était partagé par la Colombie-Britannique, où des projets de pipelines font l'objet d'une forte opposition populaire.

« On ne peut pas amener les ressources aux marchés si on n'est pas en train de s'occuper de l'environnement », a ajouté Justin Trudeau, qui promet de travailler en partenariat avec les Premières Nations dans le dossier énergétique.

Place du Canada dans le monde

Les chefs ont aussi croisé le fer sur la participation militaire du Canada à l'intervention contre le groupe armé État islamique.

Le chef libéral a estimé que le Canada devait jouer un rôle militaire, mais pas en étant à l'avant-scène. Selon lui, les Forces armées canadiennes doivent se contenter d'un rôle de formations des armées locales. La présence occidentale cause généralement « autant de trouble que ça en règle », a-t-il soutenu.

Le chef conservateur a vanté la pertinence de cette mission, soutenant que l'EI utilisait la Syrie et l'Irak « comme base contre le monde et le Canada » et qu'il constituait une « menace à notre pays ».

Elizabeth May a jugé que les bombardements contre l'EI étaient « inutiles », soulignant que le régime de Bachar Al-Assad tuait huit fois plus de personnes que l'ÉI.

Pour Thomas Mulcair, opposé à la participation militaire canadienne, il faut faire en sorte d'empêcher l'argent et les armes de s'y rendre. Il a en outre déploré que le projet de loi antiterroriste C-51 ne propose rien pour prévenir la radicalisation.

Les rivaux de Stephen Harper l'ont en outre accusé de ne pas accorder suffisamment d'importance à l'aide humanitaire.

Stephen Harper, chef du Parti conservateur du Canada

Les chefs en campagne, élections fédérales 2015

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