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Abandon des avions F-35: la promesse de Justin Trudeau tournée en dérision

Abandon des F-35 : la promesse de Trudeau tournée en dérision
AT SEA - AUGUST 28: Joint Strike Fighter F-35 Lightning II on the deck of USS Wasp on August 28, 2013 at sea off the coast of Virginia. (Photo by Simon M Bruty/Any Chance Productions/Getty Images)
Simon Bruty via Getty Images
AT SEA - AUGUST 28: Joint Strike Fighter F-35 Lightning II on the deck of USS Wasp on August 28, 2013 at sea off the coast of Virginia. (Photo by Simon M Bruty/Any Chance Productions/Getty Images)

Les adversaires du chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, ont ridiculisé, lundi, sa proposition visant à commander des avions chasseurs moins chers que les F-35 pour réinvestir les sommes économisées dans la marine, remettant en question ses compétences de gestionnaire.

Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf

Le chef libéral a promis dimanche qu'un gouvernement libéral lancerait un appel d'offres pour remplacer les CF-18 actuels, excluant du processus le constructeur des F-35, Lockheed Martin, retenu par les conservateurs.

L'acquisition de ces appareils - pour lesquels aucun contrat n'a dans les faits été attribué - a fait l'objet de vives critiques, en raison de l'explosion des coûts et des critiques liées à leur performance.

Dénonçant la position « incompréhensible » des libéraux, le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, a rappelé que le Canada avait participé au projet international de développement des F-35. « Les libéraux vivent dans un monde imaginaire s'ils croient qu'on peut abandonner [ce projet] sans perdre de contrats », a-t-il affirmé.

Ce faisant, « [Justin Trudeau] annonce la perte des contrats dans le secteur aérospatial de Montréal », a soutenu M. Harper. « Il ne donne rien à l'industrie de construction navale, il ne fait que mettre en péril notre industrie aérospatiale », a-t-il ajouté.

« Ça indique - quand il parle des déficits, quand il parle du secteur manufacturier, quand il parle de l'approvisionnement militaire - qu'il ne comprend pas vraiment l'économie canadienne. »

— Stephen Harper, chef du Parti conservateur

Reconnaissant la nécessité de remplacer les CF-18, le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, a pour sa part indiqué qu'il lancerait lui aussi un appel d'offres s'il était élu. Critiquant son rival libéral pour vouloir d'emblée écarter les F-35, il a du même souffle dénoncé l'absence d'un processus d'appel d'offres transparent par le gouvernement sortant.

Thomas Mulcair a accusé ses rivaux de commettre « la même erreur » en voulant tous les deux déterminer à l'avance le résultat.

« On ne décide pas d'avance que c'est seulement cette compagnie-là et cet avion-là [qui seront retenus], pas plus qu'on décide d'avance d'exclure une compagnie et un avion. »

— Thomas Mulcair, chef du NPD

« Une bonne administration publique consiste à prendre des décisions basées sur des faits. Stephen Harper réécrit les faits en fonction des décisions, ce n'est pas une bonne façon d'arriver à de bons résultats », a-t-il lancé.

« L'obligation incombe au gouvernement de définir nos besoins, de faire un appel d'offres, et le plus bas soumissionnaire conforme obtient le contrat, c'est comme ça qu'on dépense l'argent du public », a-t-il martelé. Accusant les conservateurs d'avoir déjà trop perdu de temps, il a promis d'agir rapidement pour obtenir de nouveaux chasseurs.

Le chef néo-démocrate, opposé à la mission militaire en Irak et en Syrie contre le groupe armé État islamique, a estimé que le Canada avait tout de même besoin de chasseurs pour patrouiller les côtes du pays et pour participer à d'éventuelles missions menées sous l'égide des Nations unies.

Trudeau persiste et signe

Interrogé sur son annonce de la veille, le chef libéral a répété que des chasseurs construits par Boeing, Griffon ou Eurofighter coûteraient beaucoup moins cher que les F-35, dont les dépassements de coûts prévus ont défrayé les manchettes au cours des dernières années.

En 2012, l'achat de 65 F-35 a été mis sur la glace par les conservateurs, dans la foulée d'un rapport accablant du vérificateur général. Celui-ci reprochait au gouvernement Harper d'avoir sous-évalué les coûts de ces appareils et d'avoir pris sa décision sans effectuer les recherches suffisantes.

L'enveloppe prévue en 2010 par les conservateurs pour l'achat et l'entretien de ces appareils était d'environ 25 milliards de dollars. Un rapport du ministère de la Défense de décembre 2014 estimait plutôt ces coûts à 45,8 milliards de dollars.

En avril 2014, le Centre canadien des politiques alternatives estimait que l'ensemble des coûts de la flotte des F-35 pourrait même dépasser 90 milliards de dollars.

Justin Trudeau a répété qu'il serait préférable d'investir « les dizaines de milliards » que le Canada pourrait épargner dans la marine canadienne.

Le chef libéral a ajouté que de nombreux rapports avaient démontré que le F-35 ne répondait pas aux besoins du pays en matière de défense, c'est-à-dire de « défendre l'espace aérien de l'Amérique du Nord et du Canada ».

Le mois dernier, le National Security Network, un groupe de réflexion américain spécialisé dans les affaires étrangères, affirmait encore que les controversés F-35 pourraient ne pas s'avérer aussi performants que les avions chasseurs en circulation à l'heure actuelle, dont les CF-18 canadiens.

Justin Trudeau a par ailleurs souligné que le Canada n'aurait pas à payer de pénalités au fabricant des F-35, puisqu'aucun contrat n'a été signé.

« Le gouvernement libéral s'est engagé, il y a une dizaine d'années, dans le processus de développement international du F-35 et il a obtenu des emplois en retour [...] sans aucune obligation d'acheter », a-t-il rappelé.

Il y a quelques années, les conservateurs ont annoncé qu'ils comptaient renoncer à la Politique du gouvernement fédéral sur les retombées industrielles et régionales (RIR) en portant leur choix sur Lockheed Martin. En vertu de cette politique, le Canada, lors de l'attribution de contrats militaires à des firmes étrangères, exige habituellement qu'elles investissent l'équivalent de la valeur du contrat au Canada au cours des 20 années suivantes.

Les conservateurs s'étaient dits certains que les entreprises canadiennes en aérospatiale obtiendraient leur part du gâteau em .

Le Canada fait partie, avec huit autres pays, dont les États-Unis, d'un programme lié à la conception, la fabrication et l'entretien des F-35, ce qui facilite sa participation à la chaîne d'approvisionnement. À l'automne 2014, Industrie Canada indiquait qu'une trentaine d'entreprises avaient alors obtenu des contrats d'une valeur totale de 637 millions de dollars américains.

Les chantiers maritimes fonctionnent à plein régime, soutient Harper

Tournant en dérision la volonté libérale de consacrer les économies réalisées aux chantiers maritimes canadiens, le chef conservateur a par ailleurs soutenu qu'ils avaient déjà « du travail par dessus la tête », grâce aux contrats de la Marine royale canadienne, attribués en 2011.

Rappelons que c'est Halifax Shipyard, du groupe Irving, en Nouvelle-Écosse, qui a obtenu le contrat de 25 milliards de dollars pour la construction de vaisseaux de combats. Vancouver Shipyards, du groupe Seaspan, basé en Colombie-Britannique, a de son côté remporté le contrat naval de 8 milliards attribués pour la mise à l'eau d'un nouveau brise-glace et de navires de ravitaillement pour la Garde côtière.

Les Chantiers Davie de Lévis, au Québec, ont pour leur part été écartés.

Il y a deux ans, le vérificateur général du Canada a jugé qu'Ottawa devrait soit revoir à la baisse le nombre de navires militaires commandés, soit réduire leur fonctionnalité parce qu'il avait mal évalué leurs coûts. Un reportage de Radio-Canada diffusé quelques mois plus tôt en venait aux mêmes conclusions.

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