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Le Bloc québécois a toujours été en crise existentielle, raconte l'historienne Martine Tremblay (ENTREVUE/VIDÉO)

Le Bloc québécois a toujours été en crise existentielle (ENTREVUE/VIDÉO)

Depuis le jour de sa création, le 25 juillet 1990, le Bloc québécois traverse une crise existentielle. Même les souverainistes les plus convaincus se sont posé la question de sa pertinence de façon lancinante année après année, rappelle l’historienne Martine Tremblay. Qu’est-ce que l’histoire du Bloc, relatée dans un nouveau livre, peut nous apprendre du futur? Entrevue.

«On a cette tendance à annoncer à tout bout de champs la mort de certains partis et de certains hommes politiques. On le fait avec le Bloc, on l’a déjà fait avec d’autres», affirme l’auteure Martine Tremblay, qui lance la semaine prochaine une brique de 600 mots sur l’histoire du Bloc québécois intitulé «La Rébellion tranquille».

Dans son essai, l’historienne rappelle que depuis le jour 1 du parti fondé par Lucien Bouchard (auquel s'est allié à l'époque Jean Lapierre, rappelons-le!), les bloquistes «sont obligés de défendre la pertinence» de leur présence à Ottawa. Mme Tremblay, qui a été chef de cabinet de René Lévesque, se remémore d’ailleurs que le fondateur du Parti québécois n’a jamais voulu d’une telle entité politique.

Le livre n’a pas pour fonction de convaincre de la pertinence ou non du parti. «Ça, je vais laisser les électeurs le décider!» dit-elle en riant. L’historienne a fouillé dans les archives et a mené des dizaines d’entrevues avec des politiciens et «des gens de l’ombre» afin de concocter un essai qui raconte l’incroyable «domination» que le parti d’opposition a réussi à exercer pendant autant d’années, avant de connaître une véritable douche froide en 2011.

Prévoir l’imprévisible

Ce qui adviendra du Bloc québécois aux prochaines élections, Mme Tremblay l’ignore. Une chose est certaine: les campagnes électorales sont devenues de plus en plus imprévisibles, et la multiplication de sondages n'aide en rien. «Il y a 20-30 ans, se souvient-elle, les sondages de début de campagne instauraient la tendance, et ça restait sensiblement pareil jusqu’au jour du scrutin».

Elle rappelle qu’aux élections fédérales de 2006 et 2008, le Bloc était déclassé dans les sondages et a finalement connu une remontée à la toute fin. En 2011, elle l’admet, il y a eu une «réelle rupture» : le vote souverainiste s’est fractionné, et des électeurs fidèles au Bloc depuis 20 ans lui ont tourné le dos, optant en masse pour le Nouveau parti démocratique. «Ce qui s’est passé, c’est du jamais vu en 30 ans! Est-ce que ce phénomène va perdurer, c’est impossible à savoir à ce stade», commente-t-elle.

La sympathie des Québécois pour le chef néodémocrate Jack Layton a décuplé par l’observation de son combat contre une maladie grave, souligne l’auteure, et le tout était combiné à l’usure du Bloc, qui peinait à se renouveler en martelant le même message.

«Le second violon» de l’orchestre péquiste

La conclusion du livre de Martin Tremblay ne peut être plus explicite: «En 2011, le Bloc paraît être allé au bout de sa logique […] Le Bloc a fini par perdre sa légitimité, tout simplement parce que le PQ n’est jamais arrivé, depuis Lucien Bouchard, à réintroduire la question nationale dans la dynamique politique du Québec.» Un peu plus loin, elle en ajoute en décrivant le Bloc comme l’«éternel second violon d’un orchestre en manque de partitions».

Si le moteur du parti de Gilles Duceppe s’est mis à tourner à vide», comme elle l’écrit, c’est directement lié au «creux du mouvement souverainiste» des années 2000. «Même s’il ne peut être tenu responsable de ce creux, le Bloc dépend tellement de la force et de la faiblesse du Parti québécois qu’il a fini par en sentir les effets», analyse-t-elle.

Il faudra un autre Lucien Bouchard ou Gilles Duceppe

L’arrivée de Pierre Karl Péladeau aidera peut-être à la popularité du Parti québécois, dit Martine Tremblay. Mais le Bloc québécois, s’il veut perdurer au-delà de Gilles Duceppe, doit trouver un leader fort. Car la popularité et la durée du Bloc, elle est directement liée à l’histoire de deux hommes : Lucien Bouchard et Gilles Duceppe. L’immense popularité de M. Bouchard a puissamment contribué à donner au Bloc des assises solides sur l’ensemble du territoire québécois, souligne l’historienne, et Gilles Duceppe s’est révélé être très charismatique à son tour.

Elle rappelle que cet enracinement du parti, Lucien Bouchard ne l’a ni cherché ni voulu. «Lui-même n’a jamais eu l’intention de rester à Ottawa plus longtemps que ne devaient éventuellement l’exiger les conséquences immédiates d’un OUI».

Vingt ans plus tard, la «crise existentielle» du Bloc n’est pas du tout anormale, conclut l’auteure, elle est naturelle.

Duceppe et Péladeau pédalent ensemble (29 juillet 2015)

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