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Une «chasse aux sorcières» lancée contre les clubs compassion?

Une «chasse aux sorcières» lancée contre les clubs compassion?
Hands pruning marijuana crop.
Steve Cicero via Getty Images
Hands pruning marijuana crop.

Treize dispensaires proposant du cannabis médical ont récemment reçu un avertissement de Santé Canada. Intitulée «Lettre d’avertissement concernant la vente illégale de cannabis et sa publicité», la missive a été reçue le 9 septembre par des organismes de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan.

Santé Canada y rappelle que «la publicité pour la vente de marijuana est contraire au règlement sur les stupéfiants et à la loi sur les aliments et drogues». L’institution accuse les clubs compassion «d’encourager les Canadiens à adopter un comportement qui pourrait aussi les exposer à des poursuites pénales». Santé Canada leur demande donc de cesser leur activité dans les 30 jours.

L’institution définit comme étant une publicité «la représentation, par tout moyen, d’un médicament ou d’un stupéfiant en vue d’en promouvoir directement ou indirectement la vente […]. Il est interdit de faire, auprès du grand public, la publicité […] d’une drogue […] ou d’un instrument à titre de traitement ou de mesure préventive d’une maladie».

Aux journalistes, on justifie l’action de manière plus précise: «Le ministère de la Santé a pris des mesures pour surveiller de manière proactive toutes les formes de publicité et de promotion de la marijuana. Ces 13 lettres ont été envoyées à des organisations qui font de la publicité illégale de vente de marijuana. Elles exigent que toutes les activités de publicité cessent.» Passé ce délai, «si le non-respect de cette demande est constaté, le ministère pourra renvoyer l’affaire aux organismes d'application de la loi pour une action appropriée», peut-on lire dans la lettre d’information. La peine maximale s’élèvera à 5 000 000 $ ou deux ans de prison, ou les deux.

Aucun établissement québécois n’aurait reçu l’une de ces lettres pour le moment, mais les clubs compassion de la province témoignent de leur crainte et parlent d’une «chasse aux sorcières». Un avis partagé par leurs collègues de Vancouver. Jamie Shaw, la porte-parole du BC Compassion Club Society de Vancouver, trouve le «timing suspect, avec les élections qui s’en viennent» et «espère que ça n’ira pas aussi loin que le sous-entendent ces lettres». Elle se questionne surtout sur le sens des mots employés par Santé Canada : «Nous sommes présents sur internet mais nous ne faisons pas de publicité. Les gens entendent parler de nous via le bouche à oreilles ou de temps en temps par les médecins. Nous avons demandé à Santé Canada des précisions, mais pour l’instant, nous n’avons pas de réponse», explique Jamie Shaw.

Au Québec, les dispensaires anticipent, au cas où: «Je ne veux pas fermer, mais nous n’allons pas jeter de l’huile sur le feu. Pour le moment, nous allons voir ce que nous conseillent nos avocats. Nous ne voulons pas abandonner nos patients, ils comptent sur nous», explique-t-on dans un dispensaire qui a souhaité garder l’anonymat. La devanture de ce club ne laisse d’ailleurs rien deviner de ses activités. Pas de grosses feuilles de marijuana ni même de plants dans la salle d’attente. «Mais on va continuer à rester discret. Je pense que si les établissements d’Ontario ou du Québec n’ont pas encore reçu cette lettre, c’est surtout parce que le cas de la Colombie-Britannique est différent. À mon sens, c’est un jeu de pouvoir entre le gouvernement fédéral et provincial.»

En effet, à Vancouver notamment, la Ville a adopté de nouvelles règles régissant le commerce de pot médical. Elles obligent les cliniques qui proposent du cannabis thérapeutique à payer une redevance de 30 000$ et leur interdisent entre autre, de s’installer à moins de 300 mètres d’une école ou encore de centres communautaires. Des règles largement dénoncées par Ottawa, pour qui ces dispensaires restent illégaux. La ministre de la Santé Rona Ambrose avait d’ailleurs largement critiqué ce nouveau règlement.

«Ils s’attaquent entre autres au BC Compassion Club Society de Vancouver, l’un des dispensaires les plus reconnu du pays depuis des années. Ce n’est pas très sage de la part du gouvernement, c’est presque de l’acharnement», affirme un représentant d’un autre centre compassion qui a aussi tenu à rester anonyme. Malgré les menaces de Santé Canada, David Brown, journaliste au blog Lift, relativise. «Je pense que c’est surtout du bluff de la part du gouvernement fédéral», soutient-il. Ailleurs aussi, on penche pour cette théorie. «Je ne suis pas sûr qu’ils vont mettre leurs menaces à exécution, mais nous restons prudents », indique un gérant de club compassion. «Personne ne sait exactement quelles seront les répercussions, mais je ne pense pas que c’est une lettre qui va arrêter les clubs compassion de Colombie-Britannique. Pour les autres provinces, je ne souhaite pas m’avancer », conclut un autre représentant de dispensaire.

Pourtant, Jarry Martin, directeur du club de Whitewood en Saskatchewan, se montre inquiet. Il a confié au Globe & Mail qu’il ne savait pas s’il était prêt à continuer son activité malgré le fait qu’il n’a jamais eu de problèmes avec la GRC. Le 21 septembre, les différents clubs compassion seront fixés sur leur sort, date que leur a donnée Santé Canada pour être en règle.

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