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Le débat sur l'indépendance de la Catalogne expliqué par le foot

Le débat sur l'indépendance de la Catalogne expliqué par le foot
REUTERS

Ce vendredi 11 septembre, des milliers de militants et sympathisants indépendantistes sont attendus dans les rues de Barcelone pour la Diada, la fête de la Catalogne. Ils n'appartiennent pas tous à la même formation politique, n'ont pas tous les mêmes ambitions ni la même idéologie, mais veulent tous grosso-modo la même chose: voir la Catalogne prendre ses distances avec l'Espagne.

Alors que la perspective de voir une victoire des indépendantistes aux élections régionales du 27 septembre devient de plus en plus crédible (de 70 à 74 sièges selon El Mundo alors que la majorité absolue est à 68), le débat prend tellement d'ampleur qu'il déborde sur d'autres secteurs de la société.

Et pour cause, le chef du gouvernement régional, l'indépendantiste Artur Mas, qui brigue sa reconduction au pouvoir, estime en effet que 68 sièges lui suffiront pour mettre en marche un processus de sécession qui aboutirait en dix-huit mois à une déclaration unilatérale d'indépendance. De quoi effectivement faire des remous de l'autre côté des Pyrénées où cette question n'a jamais été aussi brûlante. Tellement brûlante qu'elle s'est invitée ces derniers jours sur les terrains de soccer.

Dernière polémique en date, la sortie de l'actuel entraîneur du Bayern Munich, Pep Guardiola. Catalan et ex-entraîneur du Barça, ce dernier s'est engagé dans la campagne du côté des indépendantistes. Une position qui l'a emmené à croiser le fer à distance avec le ministre de l'Intérieur espagnol et qui rappelle que le football ibérique a toujours été parasité par ce clivage politique.

Pep Guardiola et "Convergència y Esquerra"

Le technicien catalan ne s'est pas engagé à moitié dans cette campagne. Il figure en effet sur la liste indépendantiste "Convergència y Esquerra" (Convergence démocratique de Catalogne) et met donc sa notoriété au service de la cause sécessionniste. "Si quelqu'un est gêné par ma participation à ce processus c'est son problème", a-t-il déclaré, interrogé mardi 8 septembre par Guanyarem, plateforme pro-indépendantiste.

pep guardiola

Une implication polémique qui lui a attiré les foudres de Madrid à l'image des critiques exprimées par le ministre de l'Intérieur espagnol, Jorge Fernandez Diaz. Ce dernier, également Catalan, n'a pas hésité à tacler publiquement Pep Guardiola. "Certains qui ont joué et triomphé avec la sélection nationale, nous voyons aujourd’hui qu’ils ne le faisaient pas par intérêt patriotique, mais par intérêt financier, parce que leur dieu est celui de l’argent", a critiqué le ministre de l'Intérieur.

Réponse de l'intéressé : "s'il avait existé un État catalan, j'aurais joué avec la sélection catalane. Mais à cette époque, ce n'était pas envisageable", a déclaré l'ancien footballeur. Et il faut dire que son soutien pèse. Avec 14 titres remportés avec le FC Barcelone, l'entraîneur est une légende vivante en Catalogne. Engagé dès 2012 en faveur de l'indépendance de la région rappelle Le Monde, "Pep" a depuis multiplié les messages de soutien et les gestes symboliques. Ce vendredi, il est d'ailleurs très probable qu'il soit aperçu dans les rues de Barcelone, n'ayant récemment jamais hésité à quitter Munich une journée pour défendre sa cause.

"Affaire Piqué"

gerard pique

Une autre polémique agite autant le monde du football que les cercles médiatiques et politiques espagnols. À tel point que les médias locaux l'ont baptisé "l'affaire Piqué". Comme son nom l'indique, celle-ci concerne le défenseur du Barça, Gerard Piqué, également cadre historique de la "Roja", la sélection espagnole. Malgré les nombreux titres qu'il a glanés avec la sélection, le joueur s'est fait copieusement siffler lors du dernier match opposant l'équipe nationale espagnole à la Slovaquie (victoire 2-0).

Le match s'est déroulé à Oviedo, ville acquise au Real Madrid. Mais outre une querelle de chapelle comme on pourrait le voir en France entre Paris et Marseille, Gerard Piqué a essuyé une bronca d'un autre type. En cause, son engagement en faveur de l'indépendance de la Catalogne. L’an dernier, ce dernier avait, par exemple, participé à la manifestation massive en faveur du droit à l’autodétermination. Voici comment il justifiait son engagement en 2014.

"J'étais présent pour profiter d'un jour important pour l'ambiance festive. On ne peut pas douter de moi. Cela fait 11 ans que je joue pour la sélection. On ne peut pas douter de mon engagement, j'ai toujours tout donné. Me sentir catalan, être en faveur de la consultation parce que c'est démocratique est une autre chose. Les gens doivent avoir le droit de pouvoir voter", expliquait alors le défenseur.

Depuis, la situation est telle que la fédération espagnole en est venue à délocaliser le match contre l'Angleterre prévu pour le 14 novembre. Et pour cause, initialement prévue à Santiago Barnabeu, temple du Real Madrid et symbole de la monarchie et du centralisme espagnol, la rencontre s'annonçait particulièrement agitée pour le défenseur "blaugrana". Au final, le match se jouera à Alicante.

Mais la polémique ne s'est pas calmée pour autant. Plusieurs cadres de la "Roja" sont en effet montés au créneau pour sauver le soldat Piqué. "S’il porte ce maillot, c'est qu'il a envie d'être là", a assuré le capitaine de l'équipe (et très madrilène) Iker Casillas. Même son de cloche du côté du sélectionneur, Vincent Del Bosque, qui a souligné son "comportement exemplaire lors de ses 70 matches, en plus des trente qu’il a joués avec les catégories inférieures".

Cependant, le défenseur de Barcelone a jugé bon jeudi 10 septembre de remettre une pièce dans la machine. Revendiquant son "anti-Madridisme", le joueur "souhaite toujours que tout aille mal pour le Real" et explique que les sifflets "sont une douce musique à [ses] oreilles". "Dès que je porte le maillot de la sélection, ce que je veux faire encore longtemps, je donne le maximum. Et cela, même si j'ai soutenu le référendum concernant de l'indépendance catalane. Je n'ai pas à m'excuser de quoi que ce soit", a-t-il conclu. Mais il n'y a pas que la sélection qui, dans le football espagnol, exacerbe le débat sur l'indépendantisme catalan.

Quand Basques et Catalans sifflent l'hymne espagnol

Samedi 30 mai, Barcelone, stade du Camp Nou. Le Barça accueille l'Athletic Bilbao pour la finale de la coupe d'Espagne, aussi appelée "coupe du Roi". Avant le match, l'hymne espagnol retentit dans le stade, mais la "Marcha Real" peine à se faire entendre sous les sifflets des Catalans d'une part, et des supporteurs Basques d'autre part. Le tout, sous les yeux du roi Felipe VI qui est en tribune. Encore une fois, football et politique se mêlent. "Le gouvernement condamne les attaques contre les symboles qui représentent l'ensemble des Espagnols, la démocratie qui les protège et le vivre ensemble", a sitôt condamné le gouvernement de Mariano Rajoy.

"Profiter d'une rencontre de football pour mettre en scène une protestation de caractère politique est un manque de respect pour ce sport, pour l'ensemble des supporteurs et pour tous les Espagnols". Un temps évoquée, la sanction financière des deux clubs sera finalement écartée par la Ligue et le pouvoir central, histoire de ne pas jeter d'huile sur le feu.

Quoiqu'il en soit, cet énième exemple montre que le football est un peu plus qu'un simple sport en Espagne, dans la mesure où joueurs et supporteurs participent, bon gré mal gré, à l'ingérence de la politique dans ce sport. Et en ce jour de "Diada", nul doute que de nombreux manifestants porteront les couleurs du FC Barcelone. En revanche, il n'est pas dit que Gerard Piqué ait très envie de s'y montrer cette année. Quoique...

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