Avez-vous les moyens d'aller devant les tribunaux? Ce n'est pas donné à tout le monde, et Chantal Savoie en sait quelque chose.
Un texte de Marie-Claude Pednault
En décembre 2011, Chantal Savoie entre dans une station-service d'Esso. Elle ne voit pas l'employé de la station qui nettoie le plancher. Au moment de sortir, elle glisse sur le sol humide et chute lourdement. Son épaule droite est tellement amochée qu'on doit lui insérer une vis.
À cause de cette blessure, impossible de travailler, et ce, pendant plusieurs mois. Cette perte de salaire fragilise les finances de la famille, qui est contrainte à la faillite. Sans compter sa qualité de vie qui en a pris un coup. Certains gestes du quotidien la font souffrir, et elle a de la difficulté à prodiguer les soins quotidiens à sa fille handicapée.
Elle est convaincue qu'Esso a commis une faute. Elle est formelle : rien n'indiquait que le plancher était mouillé. Nous avons contacté l'employé, qui affirme qu'il y avait bel et bien un cône, mais pas à l'endroit où Chantal Savoie est tombée.
Mme Savoie considère que la compagnie pétrolière doit payer. Dès 2011, Chantal Savoie envoie une première mise en demeure. Un expert en sinistre de la compagnie Crawford prend son dossier en main. Mais les choses traînent en longueur.
Un dédommagement dérisoire
L'avocat Jean Blaquière connaît bien le domaine des assurances et les intervenants qui travaillent sur ces dossiers.
« La moyenne des experts en sinistres ont, dans le cadre du travail qu'ils font, manifestement peu d'empathie pour la situation de la victime. »
— Me Jean Blaquière
Deux ans et demi et quatre mises en demeure plus tard, Chantal Savoie reçoit l'offre finale de l'expert en sinistres.
« Il m'a dit : "On a une offre à vous faire, Mme Savoie. On est prêt à vous donner 3000 $". »
— Chantal Savoie
Les 3000 $ offerts ne suffisent pas à réparer tous les préjudices subis par Chantal Savoie. Indignée par cette offre, elle refuse de se déclarer vaincue. Elle est prête à aller en cour pour défendre son droit.
Mais une citoyenne a-t-elle vraiment les moyens d'aller au tribunal quand on découvre que le coût moyen d'un procès de deux jours est de plus de 31 000 $?
« On est allés voir une avocate. Moi, je me disais, peut-être 6000 $ ou 7000 $ pour les frais d'avocat. Et là, on lui a conté l'histoire et elle nous a dit : "Il y a un minimum de 19 000 $ pour apporter cette cause-là en cour". »
— Chantal Savoie
Ne disposant pas d'une telle somme d'argent, les portes du palais de justice se referment devant elle. Et elle n'est pas la seule à abandonner l'idée d'aller au tribunal. En 30 ans, la clientèle des cours de justice civiles du Québec a diminué des deux tiers.
