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Gestion de la crise des migrants : les conservateurs vivement critiqués (VIDÉOS)

Gestion de la crise des migrants : les conservateurs vivement critiqués (VIDÉOS)

Le refus allégué du Canada d'accueillir la famille Kurdi quelques semaines avant que trois de ses membres ne trouvent la mort en mer Méditerranée braque les projecteurs sur le rôle qu'a joué le gouvernement Harper dans cette crise des migrants. Pendant que le ministre de l'Immigration, Chris Alexander, cherche à gérer la crise, Justin Trudeau et Thomas Mulcair attaquent Stephen Harper, qui répondra aux questions des journalistes un peu plus tard.

Le député néo-démocrate de Port Moody-Coquitlam, Fin Donnelly, a expliqué à CBC jeudi matin que la tante du jeune bambin retrouvé mort sur une plage de Turquie, et dont la photo a fait le tour du monde, avait voulu parrainer ses deux frères et leur famille pour qu'ils viennent au Canada. Il soutient avoir remis une lettre à ce sujet au ministre Alexander, et n'en avoir plus jamais entendu parler. Selon le National Post, la demande de parrainage a été rejetée en juin dernier.

Les deux neveux de Fatima Kudi, Aylan et Gulip, âgés respectivement de 3 et 5 ans, ainsi que leur mère, Reham, se sont finalement noyés en tentant de gagner l'île de Kos, en Grèce. Le père de cette famille originaire de Kobani, Abdullah, a réussi à gagner la rive vivant. « La famille est dévastée », a commenté le député Donnelly, en invitant le gouvernement à accueillir davantage de réfugiés syriens.

Jeudi matin, le ministre Alexander a interrompu ses activités de campagne à titre de candidat conservateur dans la circonscription d'Ajax, en Ontario, pour rentrer à Ottawa et s'occuper de ce dossier. « Je rencontre des responsables à la fois pour vérifier les faits dans le dossier de la famille Kurdi et pour recevoir une mise à jour sur la crise des migrants », a-t-il déclaré dans un bref communiqué, où il ne manque pas de vanter l'approche du Canada en matière d'immigration.

Mercredi soir, le ministre Alexander a critiqué les médias pour ne pas avoir mis cette crise « en manchette, là où elle devrait être ». « Je suis intéressé de savoir pourquoi c'est le premier débat que nous ayons eu là-dessus à Power and Politics », a lancé M. Alexander à l'animatrice Rosemary Barton, qui a immédiatement répliqué qu'elle l'avait déjà interviewé à ce sujet, à titre de ministre.

La compassion, « vous en avez ou vous n'en avez pas », dit Trudeau

En point de presse jeudi matin à Brossard, le chef libéral Justin Trudeau n'a pas attendu que les journalistes lui posent des questions pour aborder le sujet. Aussitôt son annonce sur le pont Champlain faite, il s'est attaqué longuement à l'attitude du gouvernement Harper dans le dossier des migrants. Il a d'ailleurs réagi de manière lapidaire à la décision de M. Alexander de « suspendre » sa campagne pour gérer cette crise.

« On ne découvre pas soudainement la compassion pendant une campagne électorale. Vous en avez ou vous n'en avez pas. » — Justin Trudeau, chef du Parti libéral

« Ce gouvernement a ignoré les plaidoyers des organisations non gouvernementales, des partis d'opposition et de la communauté internationale, qui croient tous que le Canada devrait en faire plus », a accusé le chef libéral, après avoir réitéré que son parti favorise l'accueil de 25 000 réfugiés syriens supplémentaires, comme il le fait depuis le printemps dernier.

« Ce qu'on a vu pendant 10 ans, sous M. Harper, c'est un gouvernement qui s'éloigne des valeurs auxquels nous tenons si [chèrement] en tant que Canadiens, Québécois : l'ouverture, le respect, l'intégrité », a poursuivi M. Trudeau. Il importe, dit-il, « de comprendre que l'immigration et l'ouverture est une façon non seulement d'aider les gens en détresse, mais de bâtir des communautés, des sociétés, une économie plus forte ».

« M. Harper est encore pris dans une idéologie qui préfère miser sur la peur de l'autre que de comprendre qu'on a bâti un pays fort en acceptant, en accueillant et en respectant l'autre. [...] Je suis désolé qu'on en soit venu à ce point-ci dans [notre] histoire. »

Mercredi, le chef conservateur Stephen Harper a affirmé que la réinstallation de réfugiés à elle seule ne pouvait résoudre le problème des migrants en Europe. Il soutenait qu'il fallait aussi attaquer le problème en fournissant de l'aide humanitaire, et en luttant contre le groupe armé État islamique. Les offensives de ce mouvement djihadiste en Syrie et en Irak ont contribué à alimenter ce phénomène, déjà bien présent en Méditerranée.

Des images « insoutenables » pour Mulcair

À Toronto, le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a soutenu lors d'un point de presse que « M. Alexander aura certainement beaucoup de réponses à donner », tout en tentant de demeurer au-dessus de la mêlée, en soutenant qu'il est « trop facile de jouer le jeu du blâme à ce stade-ci, on n'est plus là ». M. Mulcair croit que le Canada pourrait accueillir 10 000 réfugiés dès maintenant.

« Soyons généreux, soyons ouverts, comme nous l'avons été avec les boat people » provenant du Vietnam, a dit M. Mulcair. Selon lui, les photos du jeune Aylan Kurdi « définissent une époque », comme la photo d'une jeune Vietnamienne gravement brûlée par du gaz napalm, tentant de fuir le long d'une route, avait marqué les esprits lors de la guerre du Vietnam. « Comme père, comme grand-père, je trouve ça insoutenable. »

« Nous pouvons faire plus, nous pouvons faire beaucoup plus », a-t-il encore dit.

Thomas Mulcair a souligné que les réfugiés qui fuient des pays en guerre, comme la Syrie et l'Irak, tombent souvent dans un « piège bureaucratique ». Quittant leur domicile sans papier, a-t-il expliqué, ils ne peuvent être considérés comme des réfugiés en vertu des règles des Nations unies, ce qui nuit à leur réinstallation dans un pays tiers.

Le Bloc québécois propose une trêve

Le Bloc québécois propose aux autres partis de faire une « trêve électorale ». « Plutôt que de jeter le blâme sur les uns ou les autres, il me semble que nous devrions tous parler d'une même voix. Il ne s'agit pas d'une question partisane ou électorale, il s'agit d'un impératif humanitaire. Ce que nous proposons, c'est que le Canada ouvre immédiatement ses portes à au moins 10 000 réfugiés. Pas en 2018, dès maintenant », a lancé dans un communiqué le candidat du parti dans Québec, Charles Mordret.

« L'intervention militaire contre l'État islamique est nécessaire, mais cela ne nous dispense pas de nous occuper de la question des réfugiés », a ajouté le chef du Bloc, Gilles Duceppe. « Il faut faire notre part sans attendre, en offrant un appui logistique et en ouvrant nos portes aux réfugiés immédiatement. C'est un devoir humanitaire. »

Le chef conservateur Stephen Harper, qui se trouve jeudi à Surrey, en Colombie-Britannique, a prévenu hier qu'il y a une limite à ce que le Canada peut faire sans s'attaquer au groupe armé État islamique. « Nous avons déjà accepté de réinstaller 20 000 réfugiés irakiens et quelques milliers de réfugiés syriens et nous prévoyons en faire plus », a-t-il affirmé mercredi lorsqu'un journaliste lui a demandé si le Canada a la responsabilité morale d'en faire davantage.

« Mais, vous savez, [...] bien que nous en faisons davantage, nous ne pouvons pas perdre de vue que la réinstallation des réfugiés ne peut à elle seule résoudre ce problème, nulle part au monde », a-t-il ajouté. « Il n'y aura pas de solution aussi longtemps qu'il y a des organisations comme le soi-disant État islamique, qui crée littéralement des millions de réfugiés et menace de massacrer des gens partout dans le monde », a-t-il ajouté.

Pour voir ce graphique sur la croissance du nombre de réfugiés syriens dans le monde, cliquez ici.