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Neuf pays, dont le Canada, qui refusent de laisser le volant à Uber

Neuf pays, dont le Canada, qui refusent de laisser le volant à Uber
A user scans for an available vehicle using the Uber Technologies Inc.'s app on an Apple Inc. iPhone 6 smartphone in this arranged photograph in London, U.K., on Thursday, May 14, 2015. Data obtained by Bloomberg from Transport for London, the transit authority, show black-taxi license applications are down 20 percent so far this year, with the blame being laid squarely at Uber Technologies Inc.'s door. Photographer: Simon Dawson/Bloomberg via Getty Images
Bloomberg via Getty Images
A user scans for an available vehicle using the Uber Technologies Inc.'s app on an Apple Inc. iPhone 6 smartphone in this arranged photograph in London, U.K., on Thursday, May 14, 2015. Data obtained by Bloomberg from Transport for London, the transit authority, show black-taxi license applications are down 20 percent so far this year, with the blame being laid squarely at Uber Technologies Inc.'s door. Photographer: Simon Dawson/Bloomberg via Getty Images

Uber sent le soufre. Valorisée en Bourse à 50 milliards de dollars, l’entreprise se déploie partout aux États-Unis et à l’étranger, suscitant l’agacement des autorités et la colère des taxis.

Ci-dessous, neuf correspondants du Huffington Post rendent compte de l’onde de choc qu’Uber provoque dans leur pays, et des difficultés que gouvernements, prestataires concurrents et taxis causent à l’entreprise.

ALLEMAGNE

Uber a beaucoup de mal à s’imposer sur le marché allemand.

Arguant du fait qu’UberPop contrevenait à la loi car ses chauffeurs n’ont pas de licence de transport de passagers, un tribunal régional a interdit à l’entreprise de proposer ce service sans ladite licence, et infligé des amendes pour toute infraction à la réglementation. De leur côté, les taxis ont manifesté à plusieurs reprises.

Comme en France, Uber a donc dû suspendre UberPop. L’entreprise a rouvert le service en mai sous le nom d’UberX en promettant que ses voitures et ses chauffeurs se conformeraient désormais aux règles en vigueur.

Mais les chauffeurs de taxi en doutent et leur syndicat a déclaré qu’il serait vigilant sur le respect de cet engagement.

Uber reproche de son côté aux tribunaux allemands d’imposer à sa plate-forme numérique des lois “datant des années 1950”. L’entreprise a porté l’affaire devant la Commission européenne qui instruit actuellement sa plainte.

-- Tobias Fülbeck, journaliste au Huffington Post allemand.

BRÉSIL

Disponible depuis l’an dernier dans quatre métropoles (Rio de Janeiro, Sao Paulo, Belo Horizonte et Brasilia), ce service qui enfreint le monopole du transport individuel des taxis a connu une croissance fulgurante au premier semestre 2015 grâce à sa facilité d’utilisation. Les passagers privilégient Uber pour sa sécurité, la diversité des moyens de paiement (cartes de crédit) et ses promotions.

Fortement syndiqués, les taxis ont multiplié les manifestations. Ils réclament que les propriétaires des voitures et les chauffeurs soient soumis aux mêmes taxes qu’eux. Ces rassemblements sont parfois violents. À Belo Horizonte, les taxis s’en sont pris aux chauffeurs d’Uber. À Rio, où une manifestation monstre a eu lieu fin juillet, les menaces sont devenues monnaie courante. À l’aéroport de Brasilia, la capitale, ils ont agressé un homme qu’ils avaient pris par erreur pour un client d’Uber.

Les syndicats de taxis étant très puissants, leur lobbying est efficace. À Sao Paulo et Brasilia, les élus ont déjà adopté plusieurs textes visant à interdire Uber. Le maire de Sao Paulo doit encore décider de les appliquer ou non. Le gouverneur de Brasilia a rejeté l’interdiction d’Uber, mais son veto ne légalise pas pour autant le service. À Rio et à Belo Horizonte, Uber fonctionne encore sans contraintes juridiques. Mais on s’attend à ce que les conseils municipaux se montrent aussi stricts que dans les autres villes.

-- Diego Iraheta, rédacteur en chef du Huffington Post brésilien.

CANADA

Uber est une réussite commerciale au Canada. Le prestataire s’est imposé à Toronto, Montréal et dans plusieurs autres villes. Mais il provoque des conflits partout où ses services sont disponibles.

Si les utilisateurs de l’application saluent la baisse des prix des transports qu’elle a entraînée, les taxis, eux, se disent en crise. À Toronto, certains se plaignent qu’UberX a récupéré la moitié de leur clientèle grâce à ses prix relativement moins élevés. Le fait que les chauffeurs du prestataire ne déclarent pas leurs revenus et ne paient pas d’impôts inquiète également les municipalités. D’où une alliance objective entre les taxis et plusieurs villes pour mettre un terme aux activités de l’entreprise.

Préférant porter le problème devant les tribunaux, les municipalités canadiennes n’ont pas cherché tout de suite à modifier les textes. Cette année, Toronto et Montréal ont ainsi poursuivi les chauffeurs d’UberX pour violation de la loi qui conditionne le transport commercial de passagers à la détention d’une licence professionnelle.

Les taxis n’ont pas été en reste. En juillet, ils ont lancé une procédure en nom collectif contre Uber dans la province de l’Ontario. Ils réclament 400 millions de dollars d’indemnités en raison de la baisse de leur chiffre d’affaires, et l’interdiction définitive du service.

Il est cependant probable qu’Uber sera autorisée à poursuivre ses activités, sans que l’on sache encore à quelles conditions. Le maire de Toronto, John Tory, a exprimé son soutien à l’entreprise (ce qui n’est pas le cas de la majorité du conseil municipal), et les villes se mettent lentement à l’étude des changements possibles.

-- Daniel Tencer, rédacteur économique du Huffington Post canadien.

CHINE

Le défi d’Uber en Chine est immense, en raison de l’implantation solide des taxis, des concurrents locaux et du flou juridique lié à son activité. Uber, comme son rival chinois Didi Kuaidi, a subi les manifestations de taxis et les interventions sporadiques des forces de l’ordre qui ont infligé des amendes à leurs chauffeurs et organisé des descentes dans quelques villes. Les conflits avec la police sont tels qu’Uber a menacé de pénaliser les chauffeurs qui se rendraient sur les lieux d’une altercation.

La société a conquis les clients dans de nombreuses villes grâce à des courses largement subventionnées. Elle a même fait l’objet d’une chanson de rap qui a mis le feu aux réseaux sociaux avant d’être censurée. Mais en dépit d’énormes investissements, il n’est pas dit que l’entreprise soit un jour autorisée à exercer.

Quoi qu’il en soit, Uber a transformé à jamais le métier des taxis officiels.

-- Matt Sheehan, correspondant en Chine du Huffington Post.

CORÉE DU SUD

Uber a nettement relevé la barre pour les taxis. Selon un consensus largement partagé dans les grandes villes, leur qualité de service laissait à désirer. L’arrivée de l’opérateur américain n’y a pas changé grand-chose, mais les clients sont devenus beaucoup plus exigeants!

C’est qu’avec le lancement d’Uber Black, en 2013, les Coréens ont découvert une prestation à laquelle la plupart n’avaient pas vraiment accès. L’entreprise a mis les grands moyens pour populariser le service: baisse du prix des courses, doublement des points de recommandation, promotions, publicités vantant les avantages d’Uber par rapport aux taxis haut de gamme existants. Puis elle a lancé UberX et Uber Taxi.

L’arrivée d’Uber a déclenché une concurrence très vive entre des services de voiturage à la demande qui n’existaient pas vraiment jusque-là. Plusieurs start-ups ont lancé avec succès des services similaires. Puis Daum Kakao, le deuxième groupe internet de Corée, a développé son propre service, Kakao Taxi (plus proche du traditionnel radio-taxi, il n’a pas grand chose à voir avec UberX).

Comme dans le reste du monde, Uber suscite la controverse. Les sociétés de taxis se sont mises en grève en novembre 2014, obligeant le gouvernement à réagir. UberX est hors la loi dans la mesure où les chauffeurs sans licence n’ont pas le droit d’exercer avec leur propre voiture. Passant outre, Uber a tout de même lancé ce service avant d’en annoncer la suspension en mars dernier.

La société a critiqué le gouvernement suite à l’interdiction prononcée, reprochant à l’autorité de régulation d’être dépassée. Mais la pression monte car le Pdg d’Uber a été accusé en décembre 2014 d’avoir enfreint la réglementation des transports locaux.

-- Wan Heo, rédacteur au Huffington Post coréen.

ESPAGNE

L’impact d’Uber en Espagne est encore limité du fait de son implantation récente dans le pays.

L’entreprise a d’abord ouvert à Barcelone (Catalogne) en mai 2014 où elle a rencontré un certain succès auprès des usagers. Mais elle a suscité une forte opposition de la part des taxis. La controverse est repartie en septembre avec l’extension du service à Madrid. L’irritation croissante des chauffeurs professionnels s’est traduite par une grève qui a affecté les deux villes. Les taxis ont exigé l’arrêt des activités d’Uber. Ils accusaient l’entreprise de concurrence déloyale dans la mesure où elle exerçait sans la licence très onéreuse qu’ils sont dans l’obligation d’acheter pour pouvoir travailler.

Dans ce climat tendu, un tribunal de Madrid a ordonné fin 2014 la fermeture des services de l’entreprise et leur interdiction sur tout le territoire, à titre conservatoire. Un juge de Barcelone a ensuite saisi la Cour de justice européenne pour qu’elle détermine si le service d’Uber représente ou non une concurrence déloyale envers les taxis. Uber n’a pas encore repris ses activités en Espagne.

La Cour de justice européenne décidera l’an prochain si l’entreprise est une société de transports ou de “services liés à la société de l’information”. Un jugement en ce sens accorderait à Uber la protection de certaines lois européennes. Dans l’alternative, elle devrait se conformer à la réglementation nationale, plus restrictive en termes de licence, d’assurance et de sécurité.

Depuis l’interdiction, l’entreprise s’est réinventée en tirant avantage de son vaste réseau de chauffeurs. Elle a conclu un partenariat avec un certain nombre de restaurants et lancé UberEats, un service ultra-rapide de livraison de repas.

-- Rodrigo Carretero, rédacteur au Huffington Post espagnol.

ÉTATS-UNIS

Uber connaît une croissance fulgurante depuis son lancement il y a quatre à San Francisco, sa ville d’origine. Ses services sont désormais disponibles dans 170 municipalités. Sa valorisation en Bourse, qui dépasse les 50 milliards de dollars, a été plus rapide que celle de Facebook, et elle bouleverse le marché traditionnel des taxis partout où elle se trouve.

En dépit de son succès, Uber a provoqué des conflits dans tout le pays.

À Los Angeles et San Francisco, elle est poursuivie pour vérification des antécédents judiciaires de ses chauffeurs. À Portland (Oregon), elle est accusée de travailler dans l’illégalité et à Cambridge (Massachusetts) elle a entraîné des manifestations de taxis début août.

En juillet, après plusieurs mois de tension à New York, l’entreprise a conclu une trêve avec le maire, Bill de Blasio. La municipalité a renoncé à sa proposition de limiter le nombre de véhicules Uber et accepté de mener une étude sur la contribution éventuelle d’Uber et des autres services de voiturage aux embouteillages. Indépendamment de la colère des taxis qui ont manifesté devant l’hôtel de ville, certains New Yorkais reprochent à Uber de ne pas en faire assez pour les handicapés. D’autres, en revanche, remarquent que l’entreprise dessert mieux les quartiers excentrés.

Uber défend aussi sa politique d’emploi de chauffeurs indépendants plutôt que de salariés (les indépendants ne bénéficient pas des avantages et protections sociales des salariés à plein temps), même si un juge de Californie a récemment donné raison à une conductrice en imputant à Uber ses coûts de prise en charge des passagers.

Pendant ce temps, l’entreprise poursuit son expansion.

-- Jenny Che, responsable adjointe de la rubrique économique du Huffington Post américain.

INDE

Un VTC de New Delhi affiche la carte de la ville sur un smartphone fourni par Uber, le 31 juillet.

Uber a grandement facilité les déplacements dans les villes indiennes. Les taxis traditionnels étaient mal organisés et peu fiables. Insuffisamment nombreux pour répondre à la demande, ils arrivaient souvent en retard. Le service proposé par Uber permet d’appeler une voiture au dernier moment et pour des trajets plus courts, souvent refusés par les taxis. Il est aussi moins cher que tous les autres prestataires.

Uber a entraîné l’apparition d’applications indiennes d’appel de voitures, telle Ola, à présent disponible dans une centaine de villes, contre seize pour Uber. Ces applications ont changé la vie de citadins, aujourd’hui très nombreux à utiliser des smartphones.

Après qu’une femme a accusé de viol un chauffeur d’Uber à Delhi, la municipalité a interdit le prestataire américain et les applications similaires. Elle a également pris des dispositions imposant à Uber l’obtention d’une licence de radio-taxi, ce qui oblige entre autres l’entreprise à être propriétaire des voitures et à leur prévoir des places de parking. Uber en a fait la demande mais celle-ci a été rejetée. Elle poursuit cependant son activité à Delhi, son concurrent, Ola, ayant obtenu un jugement en faveur de ce type d’applications. Mais elle doit toujours obtenir une licence pour faire lever l’interdiction...

-- Anirvan Ghosh, rédacteur économique du Huffington Post indien.

JAPON

Uber a ouvert à Tokyo en novembre 2013. L’entreprise a eu d’énormes difficultés à pénétrer le marché japonais, notamment à cause des 50 000 taxis qui circulent déjà en ville (quatre fois plus qu’à New York), soit 20% de la flotte du pays. L’exacerbation de la concurrence des opérateurs de taxis n’a rien arrangé.

Cette année, la plus grande société de taxis du pays, Nihon Kotsu, a contre-attaqué en nouant un partenariat avec Line, une société de messagerie instantanée sur smartphone. Ce nouveau service d’appel de voitures, Line Taxi, est une extension de l’application de Nihon Kotsu.

En janvier 2014, la Tokyo Hire-Taxi Association avait déjà réagi en lançant une application qui permet aux clients de faire appel à quelque 6 500 taxis des quartiers centraux de la capitale. Rakuten, le géant du commerce en ligne, a aussi mis un pied sur le marché du covoiturage en rachetant 11,9% du capital de Lyft en mars dernier.

A la même époque, le ministère du Transport a ordonné à Uber de suspendre son projet d’implantation à Fukuoka car celui-ci contrevenait aux lois interdisant le transport de passagers sans licence.

-- Kosuke Takahashi, rédacteur en chef du Huffington Post japonais.

Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Julie Flanère pour Fast for Word.

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