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Un tampon ou une coupe menstruelle? Pourquoi tant de jeunes femmes se posent la question

Pourquoi tant de jeunes femmes reconsidèrent les tampons
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Alex Friedman et Jordana Kier étudiaient ensemble à l'université Dartmouth aux États-Unis quand une découverte peu ordinaire les a rapprochées: elles trouvaient qu’acheter des tampons était non seulement pénible mais aussi compliqué. "Impossible de comprendre de quoi étaient faits les tampons qu’on trouvait sur les rayonnages", raconte Alex Friedman. Elle fait remarquer que les tampons traditionnels contiennent des additifs chimiques et d’autres colorants.

Peu satisfaisantes de la gamme de choix qui leur était offerte, les deux filles ont pris les choses en main. "On a décidé de créer notre propre marque (…), de fabriquer le type de produit qu’on aurait envie d’utiliser." Lola, leur société d’e-commerce par abonnement, propose des tampons 100% coton, hypoallergéniques, biodégradables et garantis sans bisphénol A. Et elles ne sont pas les seules: l’entreprise The Honest Company propose une gamme de produits parmi lesquels figurent des tampons et des serviettes bios, tandis qu’une autre start-up, Cora, s’est montée en 2014. Ces entreprises sont là pour répondre à une demande accrue d’information sur la composition des produits d’hygiène menstruelle.

Selon la gynécologue Taraneh Shirazian, du centre médical Langone de l’université de New York, le succès que remportent les produits bio, écologiques et sans plastique, dont des systèmes à usage multiple tels que les coupes menstruelles Diva Cup et Lily Cup, traduit de grands changements dans les besoins et les désirs des consommatrices. Rien de surprenant, dit-elle, vu l’importance que les jeunes accordent aux conséquences de leurs habitudes de consommation, depuis l’origine de leurs aliments jusqu’aux conséquences éthiques de la fast-fashion, à l’inverse des générations précédentes, davantage focalisées sur ce qui était le plus pratique.

"Il y a trente à quarante ans, les femmes se sont battues pour pouvoir disposer de nombreux produits faciles d’usage, pratiques et jetables", explique Taraneh Shirazian. Pour ce qui est des produits hygiéniques et d’autres préoccupations, telles que les questions de contraception, la tendance "semble à présent s’orienter vers des produits plus écologiques, naturels et sans hormones".

En effet, l’usage de plus en plus fréquent de méthodes contraceptives non hormonales, comme le stérilet et même – ce qui est bien plus inquiétant – la méthode du retrait, montre bien un désir de se passer des produits chimiques. Selon notre spécialiste, le diaphragme est également de retour (la toute première nouveauté dans ce domaine depuis les années 1960 a d’ailleurs été commercialisée cette année).

Ce même désir modifie à présent l’offre de produits hygiéniques.Julia Wells, 28 ans, coach de vie, vient d’adopter la marque Lola et affirme avoir un peu honte de ne s’être pas posée plus tôt la question de la composition des tampons, alors qu’elle prenait soin depuis longtemps de ne manger que des aliments de qualité et d’utiliser des produits de santé et d’hygiène naturels. "Je m’y suis surtout mise [aux tampons bios] parce que ça me rassure de savoir que j’utilise un produit naturel", déclare-t-elle.

La tendance gagne le grand public

Les produits hygiéniques bios existent depuis longtemps sur le marché mais, en règle générale, ils figuraient plus souvent sur les rayonnages des magasins bios que dans la petite pharmacie du coin. La marque Natracare, par exemple, propose tampons sans plastique en coton bio et des serviettes biodégradables depuis 25 ans. Quant à la coupe menstruelle réutilisable Keeper Cup, elle existe depuis 1987. Mais la gamme de choix est désormais de plus en plus vaste et accessible, en ligne ou dans les magasins traditionnels.

La société Seventh Generation vient ainsi de se lancer sur le marché des tampons bios, et la communauté des utilisatrices de coupes menstruelles, encore réduite mais en pleine expansion, donne de la voix. "La Lily Cup a levé plus de 200 000 $ sur Kickstarter, alors que l’objectif était plutôt de 25 000 $", ajoute la gynécologue. Selon les utilisatrices, les coupes menstruelles sont idéales pour les femmes qui n’aiment pas mettre des serviettes ou des tampons.

Angela Vitello, 25 ans, utilise la Diva Cup depuis environ quatre ans. "À l’origine, c’était parce que je trouvais intéressant qu’elles présentent moins de risques de SCT", nous dit-elle (le syndrome du choc toxique est un ensemble d’infections bactériennes potentiellement fatales, souvent liées à l’utilisation de tampons super-absorbants). Elle n’était pas non plus très emballée par l’idée d’insérer un morceau de coton blanchi chimiquement dans son corps.

Faut-il se méfier des tampons traditionnels?

En avril, Carolyn Maloney, représentante de l’Etat de New York au Congrès américain, a laissé entendre qu’on pouvait trouver dans les tampons de dangereux produits chimiques tels que la dioxine, ce qui pouvait s’avérer inquiétant pour la santé des femmes (Carolyn Maloney n’est pas médecin). Elle a aussi déclaré que la FDA, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, n’exerçait pas un contrôle suffisamment rigoureux sur les tampons et autres produits hygiéniques, de type coupe menstruelle.

Carolyn Maloney et ses alliés ont également rappelé que les recherches effectuées sur d’éventuels effets secondaires étaient peu nombreuses, et qu’il n’existait aucune étude sur l’usage à long terme des tampons fabriqués actuellement. Mais il s’avère que ces déclarations reflètent plus le scepticisme des consommatrices que l’opinion des experts.

Selon le docteur Alyssa Dweck, gynécologue obstétricienne et co-auteur de l’ouvrage "V Is for Vagina", il n’y a pas de raison de s’inquiéter. "Les tampons les plus courants sont tout à fait inoffensifs", explique-t-elle avant d’ajouter que "certaines femmes sont simplement incommodées par les tampons parfumés et certaines combinaisons d’autres ingrédients". Au cas où vous vous poseriez la question, oui, les tampons parfumés existent bien…

Le SCT reste malgré tout un problème, et Mme Dweck rappelle les précautions à prendre, comme ne jamais garder le même tampon plus de huit heures, et choisir le format le plus adapté à son flux. Pour ce qui est de la dioxine, substance polluante, la FDA en a bel et bien réglementé l’usage pour les tampons. Selon l’Organisation mondiale de la santé, il y a plus de risques de trouver de la dioxine dans la nourriture que dans les produits hygiéniques: "90% de l’exposition humaine passe par l’alimentation, surtout la consommation de viande et de produits laitiers, de poisson et de fruits de mer", explique un rapport de l’OMS.

Avant la création de Lola, les deux fondatrices ont fait une étude de marché, et constaté que les femmes avaient envie de pouvoir parler ouvertement de problèmes tels que les règles et la santé génésique. Les deux étudiantes espèrent y contribuer. "On veut faire en sorte que les femmes soient plus à l’aise pour parler de leurs règles, et se sentent plus libres et plus fortes dans leurs choix et leurs habitudes de consommation", expliquent-elles encore.

"Avoir ses règles, c’est normal, ça fait partie de la fécondité. Je pense qu’il faut mettre l’accent là-dessus", approuve Mlle Dweck. "Il faudrait quasiment considérer ça comme une marque de santé et de fertilité, plutôt que comme quelque chose de sale."

Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour Fast for Word.

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