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CRITIQUE - «Les trois mousquetaires»: pour le talent des artistes (PHOTOS)

«Les trois mousquetaires»: pour le talent des artistes
TNM - Yves Renaud

C’est pour le talent des comédiens, ces Philippe Thibault-Denis, Éric Bruneau, Guillaume Cyr, Benoît McGinnis, Julie LeBreton, Mani Soleymanlou et autres, qu’il vaut la peine d’aller applaudir Les trois mousquetaires du Théâtre du Nouveau Monde (TNM) et Juste pour rire. La pièce s’annonce déjà, aux yeux de certains, comme l’incontournable culturel de l’été 2015.

Si vous avez eu écho du concert d’éloges, du flot dithyrambique qui a suivi la première médiatique de lundi dernier, et que vous vous assoyez dans votre siège du TNM en espérant assister à un événement théâtral grandiose et sans égal, vous pourriez être déçus. On a affaire ici à une très bonne production, bien rodée et, comme on le disait plus haut, bien jouée, mais cette mouture des Trois mousquetaires de l’auteur Pierre-Yves Lemieux et du metteur en scène Serge Denoncourt est loin d’être parfaite.

Les trois mousquetaires au TNM

Fréquentes ruptures de ton et balade constante entre le grand drame et le burlesque, unique structure de décor – grande plateforme de planches de bois à deux étages munie de plusieurs escaliers et d’ouvertures ovales pivotantes - qui impressionne au premier abord, mais dont l’attrait perd du lustre à mesure que l’histoire avance, un départ lent et presque lassant, il est compréhensible d’avoir du mal à se laisser happer par la trame tirée du roman d’Alexandre Dumas, remaniée par Pierre-Yves Lemieux, celle du jeune Gascon D’Artagnan qui arrive à Paris, devient mousquetaire et se retrouve au cœur d’un conflit impliquant le Cardinal de Richelieu et la perfide Milady de Winter, contre la Reine Anne D’Autriche et le Duc de Buckingham.

Par contre, soyons honnêtes et soulignons que la réponse du public est très enthousiaste. Encore quelques jours après le fameux tapis rouge, le parterre était en liesse. Mais on a du mal à croire que des spectateurs habitués de fréquenter les planches puissent être profondément et sincèrement secoués par cette adaptation des Trois mousquetaires, agréable, mais somme toute un peu banale, au final.

Et c’est probablement parce qu’elle s’attache à ces D’Artagnan (Thibault-Denis), Athos (Bruneau), Porthos ( Cyr), Aramis (McGinnis) et même cette cruelle Milady de Winter (LeBreton) que l’assistance est aussi chaleureuse et généreuse de ses réactions positives.

L’an dernier, le TNM et Juste pour rire, aussi sous la férule de Serge Denoncourt, s’associaient pour nous offrir un Cyrano de Bergerac plus grand que nature, bouleversant de beauté et d’émotion, enlevant et captivant. À nos yeux, c’est là que Les trois mousquetaires échouent. Cette nouvelle relecture n’a pas l’éclat du Cyrano de 2014. Elle n’est pas aussi envoûtante que l’était la précédente œuvre, pas aussi intense, pas aussi émouvante. Une impression de statisme et, parfois même, de froideur, se dégage de cette fresque, que les plus sévères oublieront rapidement.

Blessure et cruauté

Or, pour revenir aux interprètes, ceux-ci sont visiblement imprégnés de l’atmosphère des Trois mousquetaires et, si l’ensemble détonne parfois, ce n’est probablement pas de leur faute, mais davantage celle des grandes directions, souvent hasardeuses d’un regard extérieur, assignées à la pièce. Évidemment, le jeune Philippe Thibault-Denis brille – son accent gascon irrite un peu au début, mais l’oreille s’y fait – mais, à notre avis, c’est Guillaume Cyr qui est la véritable révélation de toute l’affaire. L’acteur est d’un naturel fou et, si son penchant comique contraste souvent avec l’aspect tragique et romantique de l’intrigue, lui, il est drôle pour vrai.

Autre nom à mentionner : Mani Soleymanlou, qui incarne un formidable Planchet, le valet victime des événements qui ajoute une touche rafraichissante, mais jamais forcée, aux scènes où il apparaît.

En homme blessé («Amusez-vous avec les femmes, mais ne les aimez point», lance-t-il à son jeune frère d’armes), Éric Bruneau, alias Athos, est évidemment irréprochable avec sa belle gueule, sa prestance, sa lueur à la fois dure et sensible dans l’œil. Benoît McGinnis est plus discret, mais lui aussi a l’aura qu’il faut pour rendre justice à son personnage. Quant à Julie LeBreton, elle est souveraine dans la peau de la méchante Milady. Sa beauté et sa grâce font à elles seules le travail, mais la comédienne insuffle à son alter ego une sournoiserie et une soif de pouvoir uniques. Saluons en outre Luc Bourgeois (le Cardinal de Richelieu) et Bénédicte Décary (la Reine Anne D’Autriche), qui se démarquent également.

Il faut aussi applaudir le boulot du maître d’armes Jean-Pierre Fournier, qui a chorégraphié les difficiles séquences de duels à l’épée, de même que les costumes flamboyants créés par François Barbeau. Il est rare que des épopées à aussi grand déploiement embrasent les salles québécoises et, en ce sens, les têtes d’affiche et artisans des Trois mousquetaires méritent quelques fleurs, même si leurs tableaux souffrent de certains défauts.

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