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L'embourgeoisement, un problème pour les commerçants à Montréal (VIDÉO)

Des commerçants chassés par l'embourgeoisement (VIDÉO)

C'est la spirale économique classique : un quartier est en demande, il s'embourgeoise, les valeurs foncières augmentent et les loyers commerciaux explosent. Les hausses de loyer dans le secteur commercial devraient-elles être réglementées par un organisme comme la Régie du logement?

Un texte de Jean-Sébastien Cloutier

En soi, il n'y a rien de mal à voir de nouveaux secteurs de la ville être recherchés, fréquentés et aimés. Bien au contraire. Sauf que l'envers de la médaille existe et ce sont les petits commerçants qui la vivent. À Montréal, les rues Saint-Viateur et Notre-Dame Ouest sont parmi les dernières touchées.

Ouvert en 2011 sur Notre-Dame, le Café Saint-Henri, aujourd'hui réputé, a été l'un des premiers commerces « nouvelle vague » à s'installer dans Saint-Henri . Paradoxalement, son propriétaire est aujourd'hui victime de la hausse des valeurs foncières qu'il a contribué à enclencher. Il déménagera son atelier de torréfaction l'an prochain parce que son loyer a explosé.

« Je payais environ 1900 $-1950 $ par mois et le nouveau montant qui m'est demandé, que j'ai commencé à payer pour la prochaine année, c'est plus près de 5500 $ par mois [...] parce que mon bail était dû à être renouvelé selon le prix du marché »

Jean-François Leduc, propriétaire de Saint-Henri micro-torréfacteur

Contrairement aux baux résidentiels, les augmentations de loyer dans le secteur commercial ne sont pas réglementées, mais plutôt dictées par le marché.

Ce nouveau loyer, dit Jean-François Leduc, serait d'ailleurs basé sur celui que paie le nouveau Tim Hortons juste à côté. Tôt ou tard, selon lui, bien des petits commerçants risquent de devoir quitter Saint-Henri ou fermer.

« On n'a pas besoin de regarder très loin : Saint-Laurent est rempli de locaux trop chers vides à louer, Saint-Denis est rempli de locaux vides trop chers à louer. Ce serait déplorable de voir que tout le progrès qu'on a fait en faisant venir de jeunes entrepreneurs, des petites entreprises indépendantes ici, se vide en aussi peu de temps que 5 à 10 ans », souligne M. Leduc.

Richard Ryan est conseiller municipal dans le Mile-End pour Projet Montréal. Cette année, plusieurs commerçants de la désormais branchée rue Saint-Viateur lui ont fait part de leurs inquiétudes.

« Les gens sont contents parce qu'il y a comme un embourgeoisement, il y a comme une richesse de nouveaux commerces. Mais c'est juste l'étape qui précède les grands investisseurs fonciers et ça peut être dangereux justement pour la fin d'un quartier, la fin de cette diversité. »

Richard Ryan, conseiller municipal, district Mile-End

Un investisseur immobilier a récemment acheté plusieurs bâtiments commerciaux de la rue Saint-Viateur. Et ceux dont le bail se termine ont eu de mauvaises surprises. La Boutique Le Nid de la Cigogne, par exemple, va bientôt déménager sur une rue voisine. Après avoir demandé le double du loyer, le nouveau propriétaire a finalement consenti à louer son local au même prix, mais pour deux ans seulement. Nahani Grenier et sa copropriétaire ont refusé.

« Deux ans dans un commerce, ce n'est pas long que ton bail est fini [et là] on retombe avec une augmentation de 1000 $, 2000 $, 3000 $. Ils font ce qu'ils veulent! On est fâchées, déçues et anxieuses. Ce qui ressort de ça, à travers l'expérience que j'ai vécue, c'est le manque de lois pour protéger les petits commerçants », déplore-t-elle.

De biais par rapport au Nid de la Cigogne se trouve maintenant le salon Coiffure Mile-End, de Magali Messager. Le commerce y a récemment déménagé, après cinq années passées dans un local plus à l'est de la rue. L'immeuble où il se trouvait a été vendu et le nouveau propriétaire souhaite agrandir. La rumeur veut qu'un Starbucks s'y installe.

« Je trouve que c'est beau des petits commerces [...] C'est vrai que c'est comme un village ici et on n'a pas intérêt à voir des Subway, des McDonalds et des Starbucks arriver. C'est ça qui risque d'arriver parce que les loyers sont devenus tellement hauts que des gens comme moi ne peuvent pas payer des loyers si hauts. »

Magali Messager, propriétaire du salon Coiffure Mile-End

Richard Ryan pense que la Ville et le gouvernement du Québec devraient songer à réglementer les hausses de loyers commerciaux et peut-être obliger les propriétaires d'immeubles vacants à louer leurs locaux moins chers. La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) n'est pas d'accord.

« C'est un jeu d'offre et de demande [...] d'avoir une Régie des loyers commerciaux, par exemple, ce serait vraiment d'intervenir dans un secteur où franchement la législation n'a pas à faire. Bien sûr, il peut y avoir des baux qui se négocient à la hausse, mais il y a aussi des périodes où les baux se négocient à la baisse », explique le directeur des affaires publiques de la CORPIQ, Hans Brouillette.

Il se dit conscient que les temps peuvent être plus difficiles pour certains petits commerçants, mais il renvoie la balle aux élus municipaux qui, selon lui, n'en font pas assez. « Est-ce que la Ville préfère que l'argent des gens soit dépensé dans les parcomètres plutôt que dans les petits commerces? », se demande-t-il.

Puis, il rappelle les éternels chantiers routiers qui nuisent à la circulation et les taxes d'affaires élevées que paient les propriétaires d'immeubles.

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