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Charlie hebdo: six mois après l'attentat, le journal se prépare à tourner la page

Six mois après l'attentat, Charlie Hebdo s'apprête à tourner la page
AFP

Comme le journal qu'il dirige, il espère en avoir fini avec sa rééducation. Mais comme Charlie Hebdo, Riss sait qu'il devra toujours vivre avec le souvenir du 7 janvier 2015. "Ça tire tout le temps, comme si j'avais des crampes. Pour dessiner, il faut parfois que je fasse des pauses. C'est ça qui est chiant, on aimerait s'en débarrasser définitivement et, en fait, on ne pourra jamais. Y'aura toujours un truc qui nous le rappellera", explique le successeur de Charb.

Ce triste mercredi, la rédaction du magazine satirique est décimée par les frères Kouachi : huit personnes sont tuées en pleine conférence de rédaction (dont cinq dessinateurs) et quatre autres, dont le nouveau patron sont grièvement blessées. Six mois jour pour jour après cet attentat, l'hebdomadaire s'apprête à sortir d'un terrible semestre qui aura mis la solidarité de ses journalistes à très rude épreuve.

"Je me demande chaque semaine comment on arrive à faire le journal, mais on y arrive. C'est un journal toujours transitoire, qui n'est pas encore refondé", estime Laurent Léger, un autre "survivant" membre d'un collectif qui, en avril, avait réclamé une nouvelle organisation du journal. Celle-ci est désormais sur les rails. Une illustration de la volonté de tourner autant que possible cette dramatique page.

Juillet: Une nouvelle organisation de la direction

C'est peut-être le sujet qui a le plus divisé l'équipe de Charlie Hebdo. Comment gérer l'énorme afflux financier de solidarité (4,3 millions d'euros) qui a suivi les attentats de janvier et la répartition de l'actionnariat. Mi-avril, un collectif s'est créé pour réclamer un grand changement à la tête d'un magazine dont qui est détenu aujourd'hui à 40% par les proches de Charb, à 40% par Riss et à 20% par le directeur financier Eric Portheault.

Après la disparition de Charb, la question de la récupération de ses parts s'est posée. Certains comme Laurent Léger et Zineb el Rhazaoui ont consulté des experts avec la volonté de faire de Charlie une société anonyme dont les salariés seraient actionnaires sur le modèle du Canard Enchaîné.

Alors qu'il suit le dossier de très près, le gouvernement souhaite pour sa part que Charlie devienne, pour le symbole, la première entreprise solidaire de presse. Ce dispositif créé fin 2014 prévoit "que 70 % des résultats soient destinés à l'autofinancement pour permettre à l'entreprise de se développer", confie Christophe Thévenet, avocat du journal.

La direction s'est engagée en ce sens, et la mesure qui a permis de décrisper la rédaction devrait être effective dans les prochains jours. "On a repris une discussion plutôt saine, ça progresse pas mal", explique Laurent Léger au sujet de la nouvelle répartition de l'actionnariat. Riss a en effet promis que "d'autres salariés mais pas tous entreront au capital". "On est dans un moment de guet", analyse auprès du Nouvel Obs Jean-Baptiste Thoret qui s'occupe des chroniques ciné. Un calendrier précis doit être présenté très prochainement, de même qu'une négociation sur les salaires.

A la rentrée: Une nouvelle maquette et un format numérique

Alors qu'il n'était distribué qu'à quelques milliers d'exemplaires en 2014, Charlie Hebdo est désormais un titre bien vendu de la presse française. Au-delà du tirage historique du premier numéro post-attentat qui s'est écoulé à plus de 8 millions d'exemplaires, ce sont 120 000 exemplaires qui se vendent désormais chaque semaine, auxquels il faut ajouter 220 000 abonnements.

Mais il manque toujours une corde à l'arc de Charlie : depuis les attentats, la version numérique du titre a disparu. "On va la remettre sur le net, les tablettes, les téléphones. C'est important maintenant que les jeunes découvrent les choses sur le net", confie Riss. Cela s'accompagnera d'un toilettage de la maquette de l'hebdomadaire.

Avec qui pour le faire? Il y a quelque semaines, Luz à qui l'on doit la couverture du numéro des survivants a claqué la porte de Charlie Hebdo. Cible d'une procédure de licenciement avortée, la journaliste Zineb El Rhazoui a affirmé que d'autres départs se profilent au sein d'une équipe à cran et traumatisée. "Il faut du sang neuf", lance-t-elle même si recruter des dessinateurs de presse n'est pas simple car le titre peut faire peur.

Octobre: Un nouveau buncker dans le sud-est parisien

Depuis six mois c'est dans les locaux de Libération que chaque semaine et sous très haute sécurité se construisent les numéros de Charlie Hebdo. Comme après l'incendie de ses locaux, en 2011, l'hebdomadaire a trouvé refuge dans ceux du quotidien. Mais plus pour très longtemps. Dans le courant de l'automne, la nouvelle équipe devrait prendre possession d'un bâtiment flambant-neuf du XIIIème arrondissement de la capitale. Dans Le Nouvel Obs, certains semblent regretter "un cocon où ils se sentaient moins isolé".

L'endroit s'annonce tout autant voire encore plus sécurisé; réalisé avec des conseillers de la police, il devrait contenir une "panic room", sorte de pièce blindée avec un système de sas. "Ça fait du bien de changer de locaux. Même si on est très bien à Libé, c'est lié à l'événement. On a envie d'être dans notre bordel à nous. On ne gardera rien du tout. Juste les archives. Il faut qu'il n'y ait aucune trace", insiste Riss comme s'il voulait écrire sur une nouvelle page blanche.

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