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Festival international de jazz de Montréal : s'abandonner au Wayne Shorter Quartet (VIDÉO/PHOTOS)

FIJM: s'abandonner au Wayne Shorter quartet
David Kirouac

Monument de la musique contemporaine, directeur musical et compositeur prolifique, le saxophoniste Wayne Shorter a marqué et marque encore la scène jazz depuis la fin des années 1950. Soliste au style énergique, « coloriste », grand visionnaire, il a influencé le travail d’artistes du monde entier. À 81 ans, il a prouvé mardi soir, à la Maison symphonique, qu’il est toujours très allumé. Tel un grand explorateur, il a peut-être fait ce que l’on attend de mieux de ces géants du jazz. Flanqué de trois redoutables coéquipiers, il a joué en toute liberté.

Wayne Shorter a collaboré à une quantité innombrable de compositions en plus de diriger de multiples projets. On pense notamment à l’incontournable quintette de Miles Davis dans les années 1960, à Art Blakey, mais aussi à la formation Weather Report. Bien des musiciens manifestent le plus grand des respects pour son œuvre, à commencer par les hommes qui l’accompagnaient sur scène (du moins, on l’espère !), dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal : le pianiste Danilo Pérez, le contrebassiste John Patitucci et Brian Blade, batteur que l’on avait pu voir à l’œuvre l’an dernier au même événement (avec un autre explorateur aguerri, Daniel Lanois). En fait, ce sont tous des habitués du Montreal JazzFest.

La traversée

Les quatre musiciens arrivent sur les planches dans le calme le plus complet. Sans intervention parlée, Wayne Shorter a envoyé quelques sifflements en gage d’échange avec le public. Il est déjà lancé. De toute façon, les vrais dialogues viendront au cours des quelque 75 minutes suivantes… Interprétation posée en ouverture de bal. Contrebasse avec archet, batterie caressée doucement et lignes de piano, disons…inquiètes. Le dialogue prend vie. C’est enrobant, planant et un brin saccadé. Puis tout s’accélère afin de produire une sorte de magnifique ambiance pour film noir des années ’50.

Plus loin, Shorter siffle de nouveau pour accompagner un semblant de mélodie au piano. C’est irrégulier, mais les arrangements sont assez doux. Depuis un moment, le contrebassiste a délaissé l’archet pour pincer les cordes de son instrument. Les atmosphères créées sont tantôt hypnotiques, tantôt cérébrales. Parfois romantique, parfois essoufflant, le jeu du pianiste n’en est pas moins époustouflant. Après une dizaine de minutes de jeu, un fracas de cymbales, puis tout s’arrête. Premier vrai silence. Une pose. Fin du premier dialogue.

On continuera ainsi pendant plus d’une heure. Le matériel est spontané et très varié d’une proposition à l’autre.

Souvent, c’est Danilo Pérez qui donne le ton. Quant à Blade, il ajoute de la texture partout, tel un magicien. Avec une aisance remarquable, il contraste et ajuste son geste selon les atmosphères et les envolées de ses complices. Baguettes, balais, doigts, tout est mis à profit de belle façon. Et tout semble si facile. Avec le sourire en plus. De son côté, John Patitucci est peut-être moins flamboyant, mais il est tout aussi présent. C’est l’homme des fondations. Shorter, lui, souffle son jazz habilement, comme si tout était une affaire de rien, en alternant entre le saxo ténor et soprano. La mission : s’adapter à ces trois musiciens tellement soudés… Au final, sa tranquillité est aussi épatante que sa maîtrise de l’instrument (quoiqu’il aura passé bien du temps à « gosser » l’embout de son saxophone soprano !?!).

De toute façon, ce spectateur d’improvisation avait déjà été annoncé par Wayne Shorter. On croit parfois reconnaître un titre, mais à quoi bon se torturer à les noter ? Tout est tellement transformé. Un univers de totale liberté dans lequel on s’aventure sans jamais trop connaître la destination. Sorte d’abandon difficile pour certains (quelques dizaines de spectateurs abandonneront le navire durant la traversée) et expérience musicale jouissive pour d’autres, cette performance sort de toute évidence de l’ordinaire. Ces équilibristes du jazz, toujours en mouvement, offrent ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Durant le spectacle, ils sont beaux à voir s’écouter, s’observer, s’évaluer et s’adapter aux autres, à chaque instant.

Un privilège de les accompagner dans ce voyage exploratoire unique, de surcroît dans un si beau lieu.

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Calum Graham

Festival de Jazz - 30 juin 2015

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