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Festival de jazz 2015: Rabih Abou-Khalil, ce petit géant de l'Orient (VIDÉO/PHOTOS)

Festival de jazz: Rabih Abou-Khalil, ce petit géant de l'Orient

Le compositeur et joueur d’oud Rabih Abou-Khalil est un des plus grands jazzmen du Moyen-Orient. Inclassable musicien qui emprunte autant de l’Est que de l’Ouest, l’humaniste libanais de 57 ans était au Monument-National dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal, vendredi soir.

Accompagné de ses fidèles musiciens (le chanteur et saxophoniste Gavino Murgia, l’accordéoniste Luciano Biondini ainsi que le brillant batteur Jarrod Cagwin), Abou-Khalil a proposé plusieurs morceaux de son plus récent album enregistré en 2012, qui s’appelle Hungry People. Soulignons que le tubiste Michel Godard, qui n’est plus de la formation, était absent de la scène.

En gage de décor, cinq grands tissus évoquant des colonnes de pierre étaient suspendus de haut en bas de la scène. Pour le reste, des projecteurs habillaient les musiciens de différentes couleurs selon les ambiances.

Même si les morceaux du disque Hungry People étaient à l’honneur, on a pu entendre quelques pièces provenant d’autres albums. C’est le cas de L’histoire d’un parapluie - composition tirée du disque Morton’s Foot (2003) -, livrée dans les quinze premières minutes de la représentation.

« C’est l’histoire d’un Norvégien qui s’est trompé de direction, a expliqué Abou-Khalil avec beaucoup d’humour. Il s’est finalement perdu dans le désert d’Arabie Saoudite. Totalement étranger à ce genre de climat, il a rapidement séché dans le sable, laissant pour seule preuve de sa mort, un parapluie. Ce parapluie est devenu le plus grand symbole de la présence norvégienne dans ce pays ! » De toute évidence, le oudiste aime toujours à raconter des histoires en blaguant.

Ici, comme dans plusieurs autres morceaux d’ailleurs, Gavino Murgia a poussé ses graves sons de gorge rythmés qui accompagnaient les arrangements. L’effet est original et convaincant. Ça ressemble à un mélange de mantras orientaux et de didgeridoo. Impossible toutefois de savoir si sa voix était modulée par un appareil pouvant servir à altérer la voix d’origine.

Juste après, le Libanais a envoyé la très belle balade amoureuse titrée Si tu me quittes, provenant de son plus récent disque. Comme il a fait lors de plusieurs interventions, il ne s’est pas fait prier pour lancer cette pointe d’humour : « J’ai écrit ça pour une femme que j’aime. Si tu me quittes, il faut que je m’en trouve une autre et c’est beaucoup de travail ! » Présentée avec grande délicatesse, cette pièce était empreinte d’émotion, comme plusieurs autres compositions de son œuvre. Une émotivité naturellement amplifiée par le oud, cet instrument à cordes très répandu dans les pays arabes et dans plusieurs autres territoires de l’Orient.

Du neuf

Au cours de ce spectacle qui a duré une centaine de minutes, Rabih Abou-Khalil a également offert trois nouveaux morceaux composés récemment : « Ils sont joués pour la première fois sur scène (annonciateurs d’un nouvel album ?). « C’est tout neuf, juste pour le Festival de jazz », a-t-il souligné. Nous avons pu constater assez rapidement que ces compositions étaient bien fraiches, puisque Rabih Abou-Khalil et son accordéoniste avaient les yeux rivés au sol, où étaient disposées les partitions. Nous leur avons assez facilement pardonné… D’autant plus que ces pièces étaient un cadeau offert aux festivaliers.

Le premier Eating […] In My Dreams, a mis en valeur le superbe travail du batteur. Ensuite, le quatuor a proposé une pièce (toujours instrumentale, bien sûr) très dynamique où l’improvisation et l’expérimentation étaient de mise. Équilibre débalancé et cacophonique au résultat néanmoins mélodique. Fou et inspiré. Les spectateurs ont adoré.

Dans la dernière partie du concert, Abou-Khalil a cru bon jouer de nouveau Dreams of A Dying City (album Arabian Waltz sorti en 1995), « vieux morceau écrit pendant la guerre civile au Liban ». Prestation prenante et, une fois de plus, remplie d’émotion.

Malgré le tragique et la lenteur de certaines pièces, l’artiste a su livrer un concert bien équilibré avec plein de passages lumineux et énergiques. Souvent, le spectateur a même pu se surprendre à taper du pied ou sautiller sur son siège. La pièce Banker’s Banquet en est un bel exemple. Avec le vigoureux solo du batteur et le mordant des autres musiciens (oud, saxophone et accordéon), la débilité du capitalisme sauvage est finalement passée comme une sorte de clin d’œil à la folie des grandeurs.

Du petit géant ce Rabih Abou-Khalil.

Beirut

Festival de Jazz - 26 juin 2015

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