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Zoofest : Roman Frayssinet présente son premier spectacle solo

Ce finissant de l'École qui lance déjà son one-man-show
Courtoisie Zoofest

Roman est grand, très grand. Un peu plus de 6 pieds pour être exact. Mais assis à cette chaise dans le fond du café Kahwa rue Mont-Royal, il passe inaperçu derrière sa barbe timidement fournie. Et il écrit. Sans arrêt. Qu’est-ce qu’il écrit? Des blagues, et ce, avec un but précis: faire un jour rire tous les gens qui peuvent comprendre sa langue, le français. Portrait d’un jeune humoriste ambitieux qui a choisi le Québec pour réaliser son rêve qui prendra officiellement son envol cet été lors du festival Zoofest.

Roman Frayssinet a vu le jour dans la banlieue sud de Paris en 1994. Une chance incroyable qu’il a eue, admet-il. Car à 15 minutes de la capitale, il a baigné entre la finesse de celle-ci et la détresse absolue de sa banlieue, entre une ville où se côtoient un puits d’histoires, de culture et de savoir hallucinant et une banlieue noyée dans la grande misère.

«J’avais d’un côté des personnes qui étaient dans des situations très difficiles socialement, mais de l’autre côté, ça faisait ressortir une solidarité incroyable, se remémore-t-il. Des personnes qui humainement ont des très grosses valeurs. Et il y avait Paris, avec sa richesse, le beau, mais humainement des valeurs avec lesquelles je n’étais vraiment pas en accord.»

Et donc, il oscillait un peu là-dedans. Aujourd’hui, ce sont des armes avec lesquelles il joue. Cela l’a aidé à se construire, même s’il n’en fait pour autant pas un thème récurrent dans ses spectacles. Mais c’est là, comme il dit.

Issu de la classe moyenne, Roman dit n’avoir jamais manqué de rien. Ni d’amour de ses parents – elle fonctionnaire et lui PDG d’une entreprise – ni de curiosité. Le déclic, il se fait donc à l’âge de 12 ans lorsque Roman, frêle et timide, contrairement à son frère qui est «beau, drôle et sportif», découvre Gad Elmaleh et son spectacle L’autre c’est moi. C’est le coup de foudre: il regarde le spectacle plus de 100 fois.

«Et là, tout ce qui se fait en humour francophone, je le consomme, raconte le jeune homme de 21 ans. Que ce soit ma génération ou pas. Que j’aime ou j’aime pas. Je le regarde du début à la fin. Pierre Desproges, Raymond Devos. Même l’humour québécois. Je n’étais jamais allé au Québec et j’allais chercher de l’humour québécois francophone. Je me souviens, le premier spectacle québécois que j’ai vu de ma vie, c’est Maxim Martin.»

Dans cette quête, Roman, 15 ans, va voir tous les spectacles d’humour possible. Il découvre un petit théâtre à Longjumeau où tous les gros noms y passent. Un soir, dans cette même salle, alors qu’il s’apprête à assister à un spectacle d’Élie Semoun, il entend une voix au loin, se souvient-il. Une voix qui lui est familière, comme celle d’un oncle qu’il n’a pas vu depuis longtemps. C’est Gad.

Roman est allé lui parler. «Je suis allé voir ton spectacle, j’ai vraiment beaucoup aimé, lui dira-t-il. Bon, maintenant que l’on se connaît bien, la prochaine fois, tu pourras m’inviter!»

Gad s’esclaffe de rire, aussitôt. Roman n’en revient pas. Il est fier de lui, trop fier, c’est peu dire. Rire poli ou non, blague marrante ou pas, il s’en contrefiche, il vient quand même de faire rire son idole. C’est l’un des moments les plus incroyables de sa vie, admet-il avec beaucoup de recul.

«Chaque fois je leur dis de t’inviter, mais ils t’oublient!» répondra du tac au tac la grande star française de l'humour. Ce soir-là, Roman n’aura rien écouté du spectacle d’Élie Semoun, encore sur un nuage.

Pendant ce temps, le père de Roman voit son fils évoluer. C’est à ce moment qu’il décide de l’envoyer au Québec, à Montréal, pour qu’il soit bénévole dans le plus grand festival d’humour francophone au monde, le Festival Juste pour rire. Pendant tout le mois de juillet, on lui dit d’être prêt à travailler à 10 heures, mais Roman est au poste tous les matins à 8 heures. Pas question pour lui de manquer une seule seconde de son immersion dans ce monde qui le fascine. Il apporte les cafés, porte les bouteilles d’eau, nettoie même une loge un soir et assiste à des répétitions. Bref, il est heureux comme un gamin.

De retour en France, c’est à Paris que Roman fait sa première scène. Le public apprécie. C’est parti, il veut être humoriste et rien d’autre et pour cela, il faut qu’il se construise seul et qu’il quitte le nid familial. «C’est ça l’école si tu veux être humoriste, dit-il. C’est la vie en général. C’est la curiosité devant absolument tout. Et pour ça, je me suis dit qu’il fallait que je m’en aille.»

Roman finit par immigrer à Montréal en 2012 et s’inscrit à l’Université de Montréal en écriture de scénario - un prétexte pour venir s’installer ici. Il sera plus souvent assis dans les cafés que dans la salle de classe. Pire encore, il n’ira à aucune séance de cours en deuxième partie de l’année et ne se présentera à aucun examen. Pour autant, il veut rester au Québec, mais son visa pourrait expirer plus tôt que prévu.

«Quand tu as 20 ans, tu n’as pas le droit de t’ennuyer. Je considère que c’est grave. Fais des choses. Stimule-toi. Construis-toi. Tu ne peux pas t’ennuyer à 20 ans, surtout pas dans un cours. Donc je me dis que je n’y vais pas.»

- Roman Frayssinet

C’est là qu’il entend parler de l’École de l’humour. Même s’il est convaincu que l’humour ne s’apprend pas, il tente sa chance. À l’audition, un des profs, Luc Boily, le prévient, personne ne rira. Faux. Première blague, Roman fait l’unanimité. Le stage, quelques semaines plus tard, ne fera que confirmer son admission à la grande école où sont passés les Martin Matte et Louis-José Houde.

«Je vois l’apprentissage comme une démarche personnelle. Tu n’apprends pas quelque chose à quelqu’un. Tu soumets quelques choses à quelqu’un et la personne décide de l’apprendre. C’est une volonté de grandir. Et l’École est magique pour ça.»

- Roman Frayssinet

Roman entame actuellement un début de carrière en tant que finissant de l’École. Plus mûr, entre des rencontres marquantes, un encadrement et une rigueur, il dit avoir grandi. «À l’École, ce ne sont pas des professeurs que tu rencontres. Ce sont des personnes qui sont passionnées par ce qu’elles font, qui viennent te parler de leur amour et leur vision de la discipline », résume-t-il.

Un été chargé

En plus de s’arrêter au Zoofest cet été avec la cuvée 2015 de l’École pour présenter le spectacle des finissants, Roman présentera Migraine, un spectacle d’une heure qu’il a écrit seul – un accomplissement plutôt rare pour un finissant de l’École. «Il faut prendre des risques. C’est ça qui fait avancer le tout. Il y a trop de talent pour se permettre de ne pas en prendre. Je vais être capable, je vais le faire.»

Et pourquoi Migraine? «Il y a le côté cérébral de mon spectacle, mais aussi le prolongement de la web série que j’ai sortie moi-même avec l’équipe de Fishnet TV. Ce qui me fait le plus rire dans la vie, c’est remettre en question les choses. Faire ressortir les choses que l’on admet dans la vie de tous les jours comme si c’était normal, et que moi je trouve saisissantes.»

«La base de l’humour que j’essaie de faire, poursuit-il, c’est l’émerveillement devant la complexité et la profondeur du monde qui nous entoure». Il précise : «Par exemple, le fait que quand tu te blesses, on se régénère tout seul. Moi je trouve que c’est quelque chose qu’on ne prend pas suffisamment le temps d’apprécier! C’est assez hallucinant!»

Grand fan de stand-up, Roman ne veut pas se cacher derrière un quatrième mur avec Migraine. Il souhaite parler au public, droit dans les yeux. Six soirs plutôt qu’un. «Je suis là et ils sont là. Je dis quelque chose, tu veux me dire quelque chose, je vais te répondre. Pis on va en parler. C’est ça l’humour que j’ai envie de faire. Tu as une question, lève la main, je vais y répondre.»

Après quoi, une fois le Zoofest terminé, l’heure sera au bilan. Pas avant. Et dans cinq ans, où se voit-il? «Peut-être un one-man-show, dans l’idéal », sourit-il. Et la France? «Chaque chose en son temps! Je suis extrêmement jeune. Mais dans un avenir proche, je veux faire rire tous les gens qui peuvent comprendre le français.»

Quand même pas mal pour un jeune humoriste qui sera, dès cet automne, à la barre de l’animation d’une soirée d’humour prestigieuse à Montréal. Et ce n’est qu’un début.

Roman fait également partie de la Comédie des trottoirs, un spectacle de sketchs qu’il a présenté avec des collègues de l’École plutôt cette année. Quatre dates sont prévues à la programmation de Zoofest.

Migraine sera présenté du 26 au 31 juillet et le 1er août au Théâtre Sainte-Catherine.

Pour plus d’informations: Zoofest.com

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