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À quoi s'attendre de «Jurassic World»? (CRITIQUE)

À quoi s'attendre de «Jurassic World»? (CRITIQUE)
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L'excentrique personnage créateur du "Park", John Hammond, avait rêvé d'un endroit rempli de dinosaures et de groupes scolaires. Malgré trois volets cinématographiques sur les développements de son idée saugrenue, trois films soulignant avec insistance (et à propos) le péril que représente l'instinct de survie des dinosaures pour les humains qui les côtoient, Jurassic World a ouvert ses portes dans un quatrième épisode qui sort en salles ce vendredi 12 juin au Québec. Et ce dernier film souffre de la comparaison avec les deux premiers volets de la saga (et même avec le troisième qui ne volait déjà pas haut).

Les premiers dialogues de Jurassic World ne sont pas tendres avec les clients du parc. Plutôt que de se délecter des attractions proposées -le repas du mosasaure digne d'un Marineland XXL ou les excursions à dos de bébé tricératops-, les visiteurs en demandent toujours plus au point de pousser les équipes à inventer de nouvelles espèces de dinosaure pour que les chiffres de fréquentation ne chutent pas.

Bande-annonce:

Une question de rentabilité. Voilà comment le réalisateur Colin Trevorrow, explique l'existence de l'lndominus Rex, monstre hybride, génétiquement modifié comme tous les dinosaures du parc, pure création de l'équipe scientifique menée par le Dr.Wu avec l'aval de la directrice administrative du parc Claire Dearing (Bryce Dallas Howard).

L'Indominus doit "donner des cauchemars aux parents"? La créature va surtout profiter de l'apathie de ses maîtres pour s'échapper de son enclos et semer la terreur. Les espoirs de mettre fin à cette menace reptilienne se portent alors sur Owen Grady (Chris Pratt), ancien de la Navy embauché comme consultant sécurité et, accessoirement, dompteur de vélociraptors.

Les images de synthèse n'ont toujours pas le pouvoir de séduction des animatroniques conçus par Stan Winston pour Jurassic Park. Si le parc d'attraction réserve un lot varié de dinosaures, rares sont les surprises. Aucun troupeau de mini-compsognathus à se mettre sous la dent, même l'Indominus apparaît assez fade comparé aux Kaijus imaginés par Guillermo del Toro dans Pacific Rim.

Les scientifiques du parc ont pourtant bien bossé, corrigeant un des rares défaut du Tyrannosaure Rex, la taille de ses bras qui l'empêche par exemple de se saisir d'aliments (humains) au sol. L'Indominus Rex n'a plus ce problème et l'équipe d'intervention l'apprendra à ses dépens. Son génome a même été boosté avec de l'ADN de seiche et de grenouille tropicale lui permettant notamment de jouer quelques tours aux humains partis à sa poursuite.

Il faut dire que la promotion du blockbuster n'était pas partie sur les meilleurs bases. En avril dernier, Joss Whedon, réalisateur d'Avengers, tweettait un commentaire vénéneux (depuis supprimé). Un extrait du film mettant aux prises Chris Pratt et Bryce Dallas Howard lui rappelait "le sexisme des années 1970". Un ton suranné qu'on retrouve à plusieurs reprises dans les dialogues comme si Trevorrow n'avait aucune empathie pour ses personnages.

"Ce qu’il a dit sur le film ne m’a pas embêté et, pour être franc, je ne suis pas totalement en désaccord avec lui. Je me demande pourquoi Universal a choisi de montrer cet extrait-là. C'est un élément sorti du contexte d’un film qui possède une logique interne. On part de personnages clichés, presque caricaturaux, qui se déconstruisent au fur et à mesure que l’histoire progresse", avait répondu dans une étrange défense le réalisateur au site Bad Taste.

Si Omar Sy surnage en acolyte de Chris Pratt, c'est Vincent D'Onofrio dans le rôle d'Hoskins, qui vole la vedette au reste du casting. Son idée? Transformer rapidement le programme de dressage de vélociraptor en arme de guerre. Hoskins, qui assure que "les espèces disparues n'ont pas de droits", rêve d'envoyer les reptiles combattre aux côtés des GIs dans les grottes en Afghanistan inaccessibles par drones.

Colin Trevorrow, auteur du remarqué Safety Not Guaranteed mais novice en matière de blockbuster, a donc raté son deuxième rendez-vous avec Hollywood. Jurassic World aura probablement les épaules pour éviter un échec commercial à la John Carter, retentissant flop Disney de 2012, mais il expose de manière assez crue les limites d'un système qui ne peut pas uniquement se reposer sur la nostalgie des franchises.

Jurassic Park sortait effectivement en 1993 et le chemin parcouru depuis donne surtout raison à Simon Reynolds, critique musical et auteur d'un essai baptisé Rétromania, qui décrivait notamment la culture populaire comme "devenue obsédée par le rétro et avide de commémorations". Ses conclusions sur l'industrie de la musique ont un écho particulièrement criant au cinéma cette semaine.

Jurassic World sera d'ailleurs le seul "coup d'éclat" de ce genre de Trevorrow qui, échaudé, ne rempilera pas pour une suite. Son film peut être lu comme une métaphore du marché et l'Indominus Rex une critique plutôt réussie des dérives de certains studios. "Vous voulez absolument des dinosaures plus rapides, plus puissants et avec plus de dents pour faire plaisir au public? Vous n'avez rien compris", semble dire le cinéaste. Et le destin de la créature lui donne plutôt raison.

Découvrez quelques images du film ci-dessous:

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