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Législatives Royaume-Uni 2015: sept clés pour tout comprendre (VIDÉO)

Ned Simons, journaliste au Huffington Post UK, nous explique les choses à savoir sur les élections britanniques qui ont lieu aujourd'hui.

Ned Simons, journaliste au Huffington Post UK, nous explique les choses à savoir sur les élections britanniques qui ont lieu aujourd'hui.

Ces législatives sont les plus imprévisibles de ces dernières décennies. À deux jours de la fin de la campagne électorale, le parti conservateur de David Cameron et le parti travailliste d’Ed Miliband étaient au coude à coude dans les sondages autour de 33% chacun. En clair, personne ne peut prédire qui des deux sera le prochain Premier ministre britannique. Et quiconque prétend avoir une certitude est sans doute un menteur.

Le décor étant posé, voici les sept points à retenir pour comprendre l'enjeu de la campagne et de la soirée électorale de jeudi.

1. Il n’y aura que des perdants

Traditionnellement, le «vainqueur » des élections générales britanniques est le parti, travailliste ou conservateur, qui s’assure la majorité absolue, soit 326 des 650 sièges à la Chambre des Communes. Mais si on se fie aux sondages d’opinion, aucune formation n’y parviendra cette année. Malgré leurs déclarations peu convaincantes sur la possibilité de remporter une majorité, David Cameron et Ed Miliband se traînent tous les deux péniblement vers la ligne d’arrivée et tout indique qu’ils seront loin de ces fameux 50%.

Pourquoi? Tout simplement parce que le scrutin de 2015 n’est pas un simple affrontement bipartisan entre les travaillistes et les conservateurs. Il s’agit plutôt d’un méli-mélo d’affrontements locaux, qui impliquent également les libéraux-démocrates, associés aux conservateurs dans l'actuel coalition au pouvoir, le UKIP (UK Independence Party, populiste), les Verts et, peut-être plus important, le Scottish National Party (SNP, Ecosse, indépendantiste).

La complexité de la bataille est telle que les sondages de sortie des bureaux de vote, habituellement extrêmement fiables, et qui seront publiés jeudi à 22 heures, pourraient être erronés.

On le comprend : à l'issue de cette élection, il ne devrait pas y avoir de parlement avec une majorité claire. L’homme qui deviendra Premier ministre devra conclure un accord avec un ou plusieurs petits partis pour gonfler les rangs des députés qui le suivront sur les votes importants.

Pour David Cameron, la voie la plus évidente pour un deuxième mandat est celle d’un second gouvernement de coalition avec les libéraux démocrates de Nick Clegg. Ed Miliband, à l’inverse, semble résolu à rejeter un accord de coalition. Il pencherait plutôt pour prendre la tête d’un gouvernement travailliste minoritaire, soutenu au coup par coup selon les votes par le SNP de Nicola Sturgeon.

2. Le SNP balaie les travaillistes écossais

On l'a vu, le scrutin est serré. Très serré. Et ce notamment à cause de l’Ecosse. Sur les 650 sièges de la Chambre des communes, 59 sont dédiés à des représentants écossais. Le parti travailliste d'Ecosse en détient actuellement 41. Mais le référendum sur l’indépendance écossaise de l’an dernier a transformé le paysage politique au nord de la frontière anglaise. Alors que le SNP a échoué dans sa tentative de sécession, il est en passe de transformer cette défaite en un formidable raz de marée le 7 mai prochain. Un sondage laisse même suggérer que le SNP pourrait remporter la totalité des circonscriptions écossaises. Cette éventualité a été désignée comme l’"ajockalypse" du parti travailliste (jeu de mots entre ‘apocalypse’ et «jock», surnom que les Anglais donnent aux Ecossais).

Sans un contingent notable de députés en provenance de son fief écossais, on voit mal comment le parti travailliste pourrait remporter une majorité. Un proche de Miliband concède que celui-ci l’aurait "facilement" emporté, sans l’effondrement de son parti en Ecosse. Mais comme le confiait une autre figure du parti travailliste, de nombreux élus écossais du parti, endormis par plusieurs mandats sans opposition locale, sont devenus "foutrement paresseux".

3. Ukip a scindé l’électorat de centre-droit

Jusqu’à ce que le SNP chamboule la donne politique en Ecosse, c’est Ukip (United Kingdom Independence Party) de Nigel Farage qui faisait figure d'épouvantail à l'approche des élections générales de 2015. Mais cette fois, ce sont les «Tories» qui sont visés : avec son programme populiste, l’autoproclamée "Armée du peuple" rebelle, qui veut faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne, a sérieusement compromis les chances de Cameron de remporter ces élections.

Le parti, qui doit encore suspendre certains de ses candidats pour propos racistes, homophobes et sexistes, a notamment remporté les élections européennes en 2014. Mais malgré ce premier succès, Ukip ne devrait pas obtenir plus de quelques élus. La véritable nuisance que représente cette formation pour les conservateurs réside ailleurs : en divisant l’électorat de centre-droit dans certaines circonscriptions, Ukip ouvre la voie à des candidats libéraux démocrates ou travaillistes.

Une preuve que Ukip fait peur aux conservateurs? Le ton de leur campagne électorale et la manière dont David Cameron a gouverné au cours des deux dernières années ont essentiellement visé à reconquérir les électeurs mécontents des orientations trop progressistes du gouvernement, notamment en matière de loi sur le mariage des personnes de même sexe.

4. Un centre comprimé : les Lib Dems

Les libéraux démocrates de Nick Clegg ont longtemps été la troisième force politique britannique. Le parti a pour la première fois accédé au pouvoir en 2010, en tant que composante de la coalition dirigée par les conservateurs. A l'époque, le leader des Lib Dems a même été plus populaire que Winston Churchill. C’était la "Cleggmania".

La chute n’en est que plus douloureuse. Les cinq dernières années ont été rudes pour les Lib Dems. Désorientée par la décision des dirigeants de rejoindre les conservateurs, la base du parti, majoritairement à gauche, a fini par déserter pour rejoindre le parti travailliste. En clair, ces législatives s'annoncent difficiles : en privé, les députés libéraux démocrates s’accordent à dire que conserver 30 de leurs 57 sièges représenterait un très bon résultat pour la formation. Une source interne qualifie même les résultats des sondages commandés par le parti dans certaines circonscriptions de "terrifiants".

Comment Nick Clegg gère-t-il sa campagne face à ce désastre annoncé? Il n'a de cesse de répéter à ses électeurs que son parti représente le centre « raisonnable » : il sera, affirme-t-il, le «cœur» d’un gouvernement conservateur trop dur ou le "cerveau" d’une administration travailliste économiquement inculte. A l’ère du multipartisme, c’est une approche sensée. Mais le danger pour Nick Clegg, c'est que plus personne ne prête attention à ce qu’il dit...

Quoi qu'il en soit, à l’issue de ces élections, les libéraux démocrates pourraient se retrouver complètement éjectés du pouvoir et relégués au quatrième rang des formations politiques, derrière le SNP. Ou bien de retour au sein d'une coalition gouvernementale. Ou encore les deux en même temps.

5. Nuits blanches jusqu’en juin

Les résultats de chaque circonscription commenceront à tomber aux premières heures de vendredi et continueront tout au long de la journée. Mais si ni les travaillistes, ni les conservateurs ne remportent une majorité, comme on peut s’y attendre, il pourrait s’écouler un mois avant la formation du prochain gouvernement.

En 2010, dans le contexte de la crise financière qui frappait l’Europe, conservateurs et Lib Dems n’ont mis que cinq jours à négocier un accord de coalition. Mais cette fois-ci, ce ne sera pas si simple ou si rapide. Même si Cameron et Clegg ont la volonté, si les chiffres le leur permettent, d’élaborer un deuxième accord, leurs députés exigeront d’avoir leur mot à dire dans le processus. La fois précédente, les élus conservateurs n’ont pas eu la possibilité d’approuver formellement l’accord de coalition. Cette fois-ci, ils veulent donner leur avis. De la même manière, les Lib Dems, éreintés par cinq années au pouvoir avec les Tories, ne seront pas aussi prompts à resigner.

En tant que Premier ministre sortant, David Cameron peut revendiquer le premier le droit de former un gouvernement. Ed Miliband pourrait attendre plusieurs jours si ce n’est plusieurs semaines avant d’avoir la possibilité de rejeter la tentative de Cameron de rester à Downing Street.

6. Les moments à ne pas manquer lors de la soirée électorale

En 1997, le symbole du raz de marée victorieux de Tony Blair fut l’image du Secrétaire d'Etat à la défense, le conservateur Michael Portillo, perdant son siège au profit d’un travailliste. La chute électorale d’une figure éminente d’un parti est depuis lors qualifiée de "moment Portillo". La soirée de jeudi pourrait être le théâtre de plusieurs scènes de ce type, plusieurs figures de premier plan de tous les partis en lice se trouvant sur l’échafaud.

Et la victime la plus éminente de cette soirée « couperet » pourrait bien être Nick Clegg. Le leader Lib Dem devait théoriquement compter sur une belle majorité dans sa circonscription de Sheffield. Mais les sondages indiquent qu’il ne devance son challenger travailliste que d’une courte tête. Une défaite du dirigeant des Lib Dems constituerait pour eux une humiliation. Le parti risque également de perdre son deuxième ministre le plus important, le Secrétaire au Trésor Danny Alexander, face à la poussée du SNP en Ecosse.

Ukip lui aussi a un problème. Nigel Farage siège actuellement comme député au Parlement européen, mais pas encore comme membre du parlement britannique. Et malgré sa grosse notoriété sur le plan national et le soutien notable du Ukip dans toute l’Angleterre, il pourrait très bien perdre son combat pour être élu dans la circonscription de South Thanet, sur la côte du Kent. Un tel échec lui coûterait son poste à la tête du parti.

7. Une campagne vraiment absurde

Cette campagne a sans doute été l'une des mieux cadrées de ces dernières décennies. Les leaders des différents partis, soucieux d’éviter tout dérapage, se sont essentiellement cantonnés à des discours et à des meetings politiques à bonne distance de l’électorat. Mais toute cette mise en scène n’a pas empêché la campagne de virer à l’absurde.

Le parti travailliste a peint un bus en rose pour plaire aux femmes. Ed Miliband a littéralement gravé ses promesses électorales, comme Moïse, sur un énorme bloc de pierre. De son côté, David Cameron a menacé d’utiliser le jiu-jitsu contre Nigel Farage lors d’un débat télévisé et a oublié quelle équipe de foot il supportait. Le directeur de campagne des Lib Dems a prononcé cinq fois de suite le mot "salauds" lors d’un direct à la télé. Du côté des médias, ce n'est pas glorieux, non plus : le quotidien populaire The Sun, espérant sans doute que personne ne s’en rendrait compte, a apporté son soutien aux conservateurs en Angleterre et au SNP en Ecosse... Et la chaîne Youtube de Russell Brand a fait la une de la couverture des élections pendant deux jours.

Bref, c’est le bazar.

Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post UK, a été traduit de l’anglais par Mathieu Bouquet.

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