Le salaire minimum au Québec sera augmenté de 20 cents le 1er mai prochain pour passer à 10,55 $ l'heure. Une hausse relativement bien accueillie mais qui ne change pas la réalité des milliers de travailleurs qui restent sous le seuil de la pauvreté même avec un emploi à temps plein. Pour s'en sortir, ces travailleurs auraient besoin d'une hausse bien plus substantielle.
Un texte de Michel Marsolais
En annonçant la prochaine hausse du salaire minimum, le ministre du Travail du Québec, Sam Hamad, estimait que cette hausse encourageait les gens à sortir de la pauvreté en allant sur le marché du travail.
Le hic, c'est que les plus mal nantis de la province sont déjà à plus de 60 % sur le marché du travail!
N'en déplaise au ministre, ce n'est pas avec 20 cents l'heure de plus que les centaines de milliers de travailleurs au salaire minimum du Québec pourront sortir de la pauvreté, estiment les organisations de défense des travailleurs à faible revenu.
« C'est des peanuts qu'on met dans les poches des travailleuses et travailleurs », déplore Mélanie Gauvin, porte-parole du Front de défense des non-syndiqués.
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Pour Carole Yerochewski, de l'Université de Montréal, ces travailleurs sont enfermés dans un cul-de-sac dont ils ne peuvent sortir.
« En travaillant 40 heures par semaine au salaire minimum, on ne sort pas de la pauvreté. Il faudrait que le salaire minimum passe à un taux de 11.70 $ pour y arriver », affirme la sociologue qui vient de publier un ouvrage sur le sujet.
Mais les employés au salaire minimum, en majorité des femmes, travaillent rarement 40 heures par semaine, à moins de cumuler plusieurs emplois. La moyenne de ces emplois, généralement précaires, tourne davantage entre 25 et 35 heures par semaine. Il faut donc ajuster le salaire en conséquence.
« Si on y va sur une base de 35 heures par semaine, une personne devrait gagner 13.37 $ pour se sortir de la pauvreté », précise Mélanie Gauvin.
Les chercheurs de l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) vont plus loin et proposeront cette semaine un nouveau barème : le « salaire viable » qui se situerait autour de 14.50 $.
« Actuellement avec un salaire minimum à 10.55 $ on est environ à 4 $ d'écart avec un seuil de viabilité. Le salaire minimum actuellement, on peut survivre sans plus. L'idée d'un salaire viable c'est de dégager une marge de manoeuvre pour que les gens puissent faire des choix. »
— Philippe Hurteau, chercheur à l'IRIS
Cette marge de manoeuvre pourrait permettre aux travailleurs au bas de l'échelle de souffler, de suivre des formations et d'accéder à de meilleurs emplois.
L'IRIS dévoilera les détails de son nouvel indicateur mardi prochain. Un « salaire viable » serait une notion modulable qui pourrait varier selon les régions.
Réaction du Conseil du patronat
Le Conseil du patronat juge raisonnable la nouvelle hausse de 20 cents, mais la perte de compétitivité est souvent évoquée dès qu'il est question de hausser les salaires.
« Il n'y a aucune étude qui prouve cela. Partout où on a augmenté le salaire minimum d'une manière substantielle, significative, on n'a pas assisté à des pertes d'emplois, on a même assisté à des créations d'emplois. »
— Carole Yerochewski, sociologue
Ainsi, en Australie, où le salaire minimum est de 16.88 $ l'heure, on affiche un taux de chômage plus bas qu'au Canada.
La nouvelle réalité du marché du travail ne laisse toutefois pas place à beaucoup d'optimisme. La plupart des nouveaux emplois créés récemment au Canada sont des postes précaires ou à temps partiel.
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