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Pourquoi «Avengers: L'ère d'Ultron» ressemble (parfois) à du Shakespeare (PHOTOS/VIDÉO)

Pourquoi «Avengers: L'ère d'Ultron» ressemble (parfois) à du Shakespeare
Marvel

Ce n'est pas un oxymore. Avengers: l'ère d'Ultron est le film le plus "shakespearien" que vous aurez l'occasion de voir en salles. Et si le deuxième volet de la franchise, sorti mercredi 22 avril, puise son inspiration dans l'œuvre de William Shakespeare, ce n'est pas le fruit du hasard. Son réalisateur, Joss Whedon, n'a jamais caché son admiration pour le dramaturge britannique, se chargeant même d'une adaptation cinématographique de la pièce Beaucoup de bruit pour rien entre les deux blockbusters promis à Marvel.

Comme les spectateurs pourront le constater, cet Avengers: l'ère d'Ultron possède un peu de l'ADN du poète -ADN qui aurait suivi un régime drastiquement protéiné. Au delà de la dimension tragique des péripéties, plusieurs éléments peuvent ainsi être lus comme des références à Shakespeare: l'intrigue qui rend hommage à la prophétie auto-réalisatrice de Macbeth, le caractère de certains personnages aussi torturés qu'un prince du Danemark ou l'utilisation d'un langage particulier.

"Après 'hitchcockien', c’est sans doute le mot le plus galvaudé" reconnaissait Joss Whedon à propos de l'adjectif "shakespearien" dans un entretien à Télérama. "C’est ridicule d’employer son nom à tort et à travers, mais il est incontestablement le père de la langue anglaise dramatique moderne."

L'intrigue

Créateur des séries Firefly, Buffy contre les vampires et son spin-off Angel, Joss Whedon avait pour habitude d'inviter une partie du casting chez lui pour de longues lectures d'Hamlet ou Othello. Le New York Times souligne que ces répétitions ont beaucoup influencé le cinéaste dans sa manière d'articuler son récit.

Extrait de Beaucoup de bruit pour rien:

L'intrigue même d'Avengers: l'ère d'Ultron repose sur une prophétie auto-réalisatrice baptisée "oracle de Macbeth" par l'écrivain hongrois Frigyes Karinthy en référence à la rencontre, dans la pièce, entre le général écossais et trois sorcières qui l'accueillent en lui donnant successivement trois titres différents: celui de thane de Glamis, de thane de Cawdor et de futur roi. Cette prophétie entraînera Macbeth dans la folie.

"Ces prédictions qui, volontairement ou inconsciemment provoquent ce qu’elles prédisent: ce ne sont donc pas des prédictions à proprement parler, mais des suggestions conscientes ou inconscientes, qui s’immiscent auprès de notre volonté sous le déguisement du stimulus le plus efficace chatouillant notre désir le plus avide, la prescience, afin de l’influencer, d’y implanter subrepticement des éléments de volonté étrangers, de la mettre au service d’une volonté étrangère", raconte Karinthy.

Les trois sorcières/oracles du Macbeth d'Orson Welles

C'est exactement ce qui arrive à Tony Stark/Iron Man, alors en mission avec les Avengers en Sokovie où ils tentent de dézinguer tous les sbires envoyés par l'HYDRA. Dans une vision déclenchée par la Sorcière rouge, Stark est témoin de la mort de ses collègues de travail. Hulk, Thor, Hawkeye et la Veuve noire sont tombés au champ d'honneur et Captain America, dans un dernier souffle, lui reproche de n'avoir rien fait pour les aider. Hanté par ces images, le milliardaire ne se fait pas prier pour relancer alors un programme de maintien de la paix jusque-là suspendu. Le nom de ce programme? Ultron.

Les personnages

"L'œuvre de Shakespeare est devenue la mythologie du XXIe siècle. Quand on fait allusion à Hamlet, on pense mélancolie, introspection, folie, inceste, indécision et inhibition. Othello évoque la jalousie et le manque d'assurance; Macbeth, lui, la peur et l'ambition; Le Roi Lear, la bêtise, la sénilité et le regret.", racontent James R. Keller et Leslie Stratyner, auteurs d'Almost Shakespeare: reinventing his works for cinema and television.

En matière de tragédie humaine, les super-héros, qu'ils viennent du sérail DC Comics ou Marvel, ont traversé tous les états décrits ci-dessus, notamment grâce au travail remarquable de certains scénaristes ou auteurs de bandes dessinées. Ils n'ont pas été épargnés au cinéma où Zack Snyder avec Watchmen et Christopher Nolan avec la trilogie The Dark Knight ont abordé des thèmes particulièrement "shakespearien" vers lesquels tend ce deuxième volet des Avengers.

Encore une fois, c'est la figure du méchant, Ultron, robot humanoïde dont la voix est assurée par l'acteur James Spader, qui tire la couverture vers lui. Entre grondement et désinvolture, fredonnant une chanson ou éructant face à son "père", Tony Stark, il marche dans les pas de Tom Hiddleston, qui incarnait Loki, menace de l'opus précédent, et décrivait ses inspirations comme "issues de la scène".

"Toutes mes références viennent de Shakespeare. Il y a une version de Loki qui ressemble au Prince Hal (Henri IV). Un enfant qui lutte contre l'autorité de son père. J'ai aussi beaucoup emprunté à Cassius dans Jules César et Iago (Othello) pour ses talents de stratège et son tact."

Le langage

"Shakespeare n'écrit pas de littérature, mais du langage en mouvement, sans faire de hiérarchie entre les cultures populaire et savante", raconte David Bobee, directeur du Centre dramatique national de Haute-Normandie dans les colonnes de Téléramadans un article intitulé Shakespeare et les séries.

Ce langage et cette écriture, Joss Whedon la connaît et la maîtrise. Docteur ès séries télé, il est parvenu à fédérer et consolider une base de fans autour de ses séries devenues cultes (Firefly, Buffy contre les vampires). "J’ai toujours aimé la musicalité et la cadence de la langue élisabéthaine. Shakespeare savait aussi faire d’un univers fantastique quelque chose de quotidien, et du quotidien un monde fantastique", explique le réalisateur toujours à Télérama.

Le film tente de faire la part belle à cette idée de divertissement populaire de qualité, Joss Whedon ajoutant aux scènes d'action spectaculaires quelques saillies humoristiques qui, si elles ne sont pas aussi subtiles que celles lues dans Hamlet, permettent d'ancrer ses héros dans l'univers pop.

"J’adore Shakespeare, et j’adore les comics de Marvel. Je ne veux pas que les gens pensent que je fais d’une part des produits commerciaux et d’autre part des films prétendus intellectuels. C’est le même job: divertir les gens. Si ce n’est pas divertissant, ce n’est pas de l’art", conclut-il.

Bande-annonce:

Découvrez quelques images du film ci-dessous:

Avengers: l'ère d'Ultron

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