La mise sur pied d'une agence, en 2002, pour centraliser la vente du sirop d'érable ne fait pas que des heureux. Une poignée d'acériculteurs résistent encore et toujours à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, qui a été jusqu'à déployer des gardiens de sécurité dans quelques cabanes à sucre pour saisir la production d'opposants à la mise en marché collective.
Un reportage d'Émilie Dubreuil
Comment en arrive-t-on là?
Au début des années 2000, le marché du sirop d'érable s'est effondré, ce qui a forcé Québec à injecter plus de 40 millions de dollars pour sauver la mise aux producteurs.
Afin d'éviter que la situation ne se reproduise, la Fédération a décidé, en assemblée générale, d'opter pour la création d'une agence de vente. Si bien que depuis 2002, les producteurs doivent envoyer leur production à cette agence qui l'entrepose et la vend.
Depuis, les producteurs ne peuvent vendre eux-mêmes, à leur cabane, qu'un quota déterminé par la Fédération.
Ce système fait l'affaire de la très vaste majorité des producteurs, plus de 7000 au Québec. Mais une minorité résiste.
En quelques années, la Fédération a fait saisir des centaines de milliers de livres de sirop.
Une soixantaine de litiges sont devant les tribunaux.
Ce qu'ils reprochent à la Fédération
Certains producteurs dont les entreprises fonctionnaient bien avant la création de l'agence, ayant développé leur marché, ne comprennent pas pourquoi ils devraient maintenant ne plus être maîtres chez eux. D'autres reprochent à la Fédération de prélever 12 ¢ la livre de sirop pour financer une agence qui leur paraît inutile.
Enfin, beaucoup de producteurs sont mécontents que la Fédération se permette de conserver dans ses coffres une partie du profit de la vente de leur sirop (soit plus ou moins 20 %) en cas de mauvaise récolte, bien qu'elle la leur redonne ultérieurement. Pour certains, le sirop n'est pas la principale source de revenus, et ce montant est conçu comme une épargne. Pour d'autres, cet argent représente, justement, le profit nécessaire pour en vivre.
Une approche très lucrative pour tous, se défend la Fédération
À la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, on est convaincu que cette agence de vente a fait de petits miracles.
Alors qu'au début des années 2000, le marché du sirop d'érable était estimé à 75 millions, il est aujourd'hui de 300 millions de dollars. Le prix du sirop a aussi triplé. Alors que les producteurs le vendaient 1 $ la livre en 2000, ils le vendent aujourd'hui 2,75 $ la livre.
Cette augmentation sensible du prix du sirop a attiré de nouveaux joueurs dans le marché. Si bien que depuis quelques années, le Québec, qui est le plus gros producteur au monde, perd des parts de marché au profit des Américains, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick.
« On est victime de notre succès. Vous comprenez qu'à une piastre la livre, les autres, ils n'étaient pas fous, ils n'en faisaient pas. Maintenant qu'il est à 2,75 $ la livre, on a perdu des parts de marché, mais nos volumes vendus et l'argent qu'on verse dans la poche des producteurs n'ont jamais baissé. Année après année, on vend 10 % de plus de sirop », fait valoir Paul Rouillard, vice-président de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec.
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