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«La trahison bleue»: une ex-conseillère de l'ONU dénonce Stephen Harper

Protection de l'eau: Harper réprimandé
Couverture du rapport du Conseil des Canadiens

Une ancienne conseillère principale de l'Assemblée générale des Nations unies sur les enjeux de l'eau critique vivement le bilan du gouvernement fédéral dans le domaine. Maude Barlow expose, exemples à l'appui, comment les conservateurs ont petit à petit réduit la protection de l'eau douce canadienne au profit de l'industrie de l'énergie.

Un texte de Thomas Gerbet

« L'eau douce? Stephen Harper s'en lave les mains », lance Maude Barlow en entrevue téléphonique. L'ex-conseillère de l'ONU n'est pas tendre dans son rapport baptisé « La trahison bleue » : « On a plus d'eau au Canada que dans la plupart des pays, mais nous n'en prenons pas soin ».

Dans son rapport, elle détaille les « attaques systématiques » contre les institutions, les personnes et les lois qui protègent l'eau douce canadienne. Les recherches sur les lacs expérimentaux et les Grands lacs ont été abandonnées ou réduites par le fédéral, et des scientifiques muselés ou mis à pied.

La loi sur la protection des eaux navigables est devenue la Loi sur la protection de la navigation. « 99 % de nos lacs et nos rivières ne sont plus protégés par le fédéral », s'insurge-t-elle. Par ailleurs, la loi canadienne sur l'évaluation environnementale exige moins d'évaluation pour moins de projets comme la traversée des rivières par les pipelines. La loi sur les pêches a aussi été révisée pour protéger moins de poissons.

« Le gouvernement Harper a sacrifié l'eau des Canadiens dans le but de promouvoir son projet de faire du pays une superpuissance énergétique »

Maude Barlow, auteure du rapport

L'industrie canadienne, particulièrement celle de l'énergie (pétrole), est responsable de la vaste majorité de la consommation d'eau au Canada (84 %). Pour produire un baril de pétrole des sables bitumineux, il faut environ trois barils d'eau. Les représentants du secteur ont spécifiquement demandé au gouvernement de changer les lois.

Dans une lettre adressée en décembre 2011 (voir reproduction plus bas), un regroupement d'industriels du secteur de l'énergie demandait « des ajustements à quelques parties de la législation [...] pour faire avancer le développement économique et la performance environnementale ». Les lois sur l'eau modifiées dans les mois suivants faisaient partie de la liste.

Maude Barlow est à l'origine de la reconnaissance par l'ONU de l'eau comme un droit humain. En 2010, des pays comme la Chine, la Russie ou le Brésil avaient voté en faveur de cette reconnaissance, mais pas le Canada, qui s'était abstenu.

Dans son rapport, l'actuelle présidente nationale du Conseil des Canadiens s'efforce de casser le mythe de l'abondance de l'eau douce au Canada. Selon la croyance populaire, le pays dispose de 20 % des réserves d'eau douce de la planète, mais en réalité seuls 6 % sont utilisables. « Sinon, il faudrait vider tous les lacs et les rivières », explique Maude Barlow. Et c'est encore moins (2,5 %), si l'on ne considère que la partie habitée du Canada.

« Le Canada n'est pas immunisé contre la crise de l'eau qui frappe la planète »

Maude Barlow, auteure du rapport

Quelle est la consommation d'eau au Canada ?

Les données les plus récentes de Statistiques Canada (2005) font état d'une consommation annuelle de 42 000 milliards de litres d'eau douce, soit 3,5 fois le volume d'eau du lac Saint-Jean, et 14 % sont utilisés par le réseau public d'alimentation, pour les résidences, surtout, tandis que 86 % ont été prélevés directement de l'environnement par l'utilisateur final (les industries, surtout).

Critiques des gouvernements précédents et de l'opposition

Le gouvernement canadien n'est pas le premier à nuire à l'eau douce. « Les gouvernements précédents ont été négligents, mais lui [le gouvernement Harper], c'est intentionnel », affirme Maude Barlow. Quant aux partis d'opposition, « ils ont été très discrets sur ce dossier » leur reproche-t-elle.

« Les gouvernements successifs ont perpétué le mythe de l'abondance et ont permis de graves détériorations de nos lacs, de nos rivières et de nos eaux souterraines »

— Extrait du rapport de Maude Barlow

« Un pays qui a tant d'eau a une responsabilité particulièrement d'en prendre soin », conclut Maude Barlow. Avec la crise mondiale de l'eau douce, « il y a des gens d'ailleurs qui vont venir ici comme des réfugiés de l'eau », prévient-elle.

Un rapport de l'ONU met en garde contre une pénurie mondiale dans 15 ans

Un rapport de l'ONU publié dans les derniers jours met en garde contre une pénurie d'eau à l'échelle mondiale de l'ordre de 40 % d'ici 15 ans. Le rapport mentionne que les États feront face à une crise internationale s'ils ne changent pas profondément leur façon d'utiliser la ressource. Le niveau de plusieurs nappes phréatiques est déjà inquiétant et les sécheresses, en hausse, alors que dans le même temps, la population mondiale augmente.

Le document onusien prévoit que la demande planétaire en eau augmentera de 55 % d'ici 35 ans, tandis que les réserves, elles, diminueront. Dans de pareilles circonstances, les récoltes pourraient s'amoindrir, les écosystèmes risqueraient de se dérégler, certaines industries seraient en danger de s'effondrer, des maladies et le taux de pauvreté pourraient augmenter, et il est possible que les conflits concernant l'eau enregistrent une recrudescence.

Avec Associated Press

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