Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Santé: les médecins spécialistes dénoncent le projet de loi « matraque » de Gaétan Barrette

Les médecins spécialistes dénoncent le projet de loi 20
Radio-Canada

Pour la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), « rien ne justifie l'adoption du projet de loi 20 et l'approche méprisante qu'il préconise envers les médecins ». En d'autres mots, la FMSQ réclame du ministre de la Santé qu'il renonce à son « projet de loi matraque ».

Entre la présidente de la FMSQ, Diane Francoeur, et Gaétan Barrette - incidemment ex-président de cette même Fédération - l'hostilité est à couper au couteau. Et ce n'est pas le projet de loi 20 qui va les rapprocher.

Pour les 10 000 médecins spécialistes du Québec, représentés mardi devant la Commission de la santé et des services sociaux par Diane Francoeur, ce projet de loi « n'apportera aucun bénéfice aux patients en matière d'accessibilité aux soins de santé spécialisés ».

Diane Francoeur reproche à Gaétan Barrette de renier le processus de négociation et d'adopter une approche coercitive. La présidente de la FMSQ affirme que les 13 et 27 novembre dernier, sa Fédération était animée d'un esprit de collaboration lorsqu'elle avait entamé la discussion avec les instances du ministère. Mais les médecins spécialistes ignoraient alors que le ministre Barrette allait déposer le projet de loi 20, pas plus tard que le 28 novembre, devant l'Assemblée nationale.

« Les dés étaient joués à l'avance », écrit la FMSQ dans son mémoire.

« Le ministre de la Santé, de concert avec son gouvernement, a choisi de mettre les médecins, comme la population, devant le fait accompli. »

— Extrait du mémoire de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

Dans son mémoire, la FMSQ affirme en fait que la consultation sur le projet de loi « risque fort de s'avérer inutile ».

Rappelons qu'avec le projet de loi 20, le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec entend favoriser l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée, tout en modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

Des échanges acrimonieux

« Je comprends, du ton de vos commentaires, que vous allez être en élection jeudi », a déclaré le ministre Barrette à la Dre Francoeur sitôt qu'elle eut terminé la présentation du mémoire de sa fédération.

S'en est suivi un échange aigre-doux, Diane Francoeur rappelant au ministre qu'elle venait d'être élue pour deux ans à la tête de la FMSQ, et le ministre Barrette lui rappelant à son tour qu'elle ne l'était qu'officieusement, le scrutin en bonne et due forme étant prévu jeudi. Sur ce, Amir Khadir a reproché au ministre « de prêter des intentions à Mme Francoeur » et a réclamé de ce dernier « qu'il retire ses propos ».

Devant la tournure que prenaient les échanges, il a fallu l'intervention du président de l'Assemblée pour ramener un brin de civilité.

Mais le ton était donné. Tant et si bien qu'après la présentation de la FMSQ devant la Commission, le Conseil pour la protection des malades (CPM) a publié un communiqué dans lequel il demande « aux parties de se calmer ». Le CPM affirme avoir saisi la Commission des relations de travail afin que cette dernière rappelle aux parties « leurs obligations légales en matière de services publics de soins de santé ».

« De fausses prémisses »

Selon Diane Francoeur, Gaétan Barrette s'appuie sur « de fausses prémisses », contestant qu'il y ait une baisse de productivité des médecins ou encore que les mesures pour les inciter à offrir plus de services n'ont pas fonctionné. Entre autres exemples, elle cite que :

au cours des dix dernières années, le nombre de médecins spécialistes a augmenté de plus de 30 % dans les régions éloignées et de 33 % dans les régions périphériques;

l'augmentation du nombre d'interventions chirurgicales a connu une augmentation de 33 % entre 2006 et 2013;

des centaines de millions de patients de plus ont eu accès à un médecin spécialiste en 2013-2014 par rapport à 2005-2006.

« Le ministre devrait honnêtement reconnaître que le projet de loi 20 ne se justifie aucunement par les supposées failles de l'approche incitative, mais repose strictement sur sa volonté d'imposer ses vues avec une approche punitive. »

— Extrait du mémoire de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

La FMSQ soutient que, lorsque les médecins disposent des ressources appropriées, leur productivité augmente. Diane Francoeur cite même, à cet effet, qu'en 2013, Gaétan Barrette lui-même, alors à la tête de la FMSQ, avait affirmé que les médecins étaient tenus « en laisse » et qu'il serait possible d'avoir « beaucoup moins d'attente [pour les soins de santé] si nous disposions des ressources appropriées ».

Des pouvoirs excessifs et dangereux

Les médecins spécialistes affirment par ailleurs qu'avec le projet de loi 10, maintenant devenu loi, le ministre Barrette s'arroge des pouvoirs « excessifs et dangereux ». Et la FMSQ de rappeler la crise qui a ébranlé le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM).

Rappelons que le directeur général du CHUM, Jacques Turgeon, avait démissionné avec fracas de ses fonctions, suivi par quatre autres membres du conseil d'administration, dénonçant « de l'ingérence » et de « l'abus de pouvoir » de la part de Gaétan Barrette.

Mardi, le ministre a déclaré d'un ton ferme qu'en dépit de cet épisode, il ferait part à l'avenir de la même détermination et que M. Turgeon lui-même le lui demandait. Jacques Turgeon a accepté de reprendre ses fonctions après discussions avec le premier ministre Couillard et le ministre Barrette. « Disons que le sens de l'autocritique n'est pas développé chez lui », a commenté Françoise David de Québec solidaire au sujet du ministre de la Santé.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.