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«Richard III» au TNM: inégal (PHOTOS)

«Richard III» au TNM: inégal (PHOTOS)
Yves Renaud

Œuvre pilier de la saison culturelle, première incursion dans l’univers de Shakespeare pour Brigitte Haentjens et phénomène théâtral, de par son imposante distribution composée de 20 acteurs de renom, Richard III affrontait un lot d’attentes au TNM. Force est d’admettre que le sombre personnage a vu son histoire à moitié transformée en farce.

Affirmons d’abord que Sébastien Ricard (Richard III) est impérial à chacune de ses apparitions. Bossu, le corps disloqué, le râle bestial, l’énergie brute, il incarne avec une justesse foudroyante cet être vil, capable de tuer ses frères, de marier celle qu’il a rendue veuve, de trahir ses amis, de faire la guerre aux clans supposément alliés et de se mettre à dos un royaume entier, dans le but de s’emparer de la couronne.

«Richard III» au TNM (12 mars 2015)

À l’exception d’une diction souvent défaillante et d’un français normatif parfois arrosé d’influences marseillaises (!), l’acteur et chanteur offre une performance mémorable. Habitué d’interagir avec le public qui assiste aux spectacles de son groupe Loco Locass, il semblait parfaitement à l’aise lorsque son personnage s’adressait à la foule pour révéler ses sombres desseins.

Une farce?

Le problème fondamental de Richard III, tant dans la traduction et l’adaptation de Jean-Marc Dalpé que dans la mise en scène de Brigitte Haentjens, réside dans la rupture de ton, qui passe maladroitement du drame à la comédie.

L’idée de faire parler les gardes peu éduqués en québécois châtier crée un décalage plus imposant que nécessaire avec le français normatif des autres personnages. Leur attitude physique et leur timing au style burlesque n’améliorent en rien la situation.

Le cri de stupeur de Sylvie Drapeau (Reine Elizabeth), en apprenant que le roi Édouard IV est mort, enlève toute crédibilité à la scène pourtant tragique. Certaines réactions faciales d’Olivier Morin rappellent ses imitations dans de nombreuses pièces satiriques. Les déplacements imposés à Larissa Corriveau, en tant que fille de Clarence, ont l’effet d’une caricature d’enfant hyperactif. Et la gestuelle, si chère aux yeux d’Haentjens, donne parfois l’impression que les comédiens sont rigides et téléguidés.

Alors que certains justifient la part de comédie dans la production en prétextant que le public a ri de bon cœur et qu’il est tout à fait pertinent d’alléger une histoire aussi lourde de morts, de deuils et de drames, on peut facilement rétorquer que tout est question de dosage. Le personnage de Richard III offre un équilibre parfait de perfidie et d’ironie, alors que son entourage sombre trop souvent dans la bouffonnerie, qui rappelle à l’occasion les pitreries du Cœur a ses raisons.

Partition physique

Alors que la scène inclinée permet d’exprimer à merveille les joutes de pouvoir, de souligner la chute d’Élizabeth (Sylvie Drapeau patauge dans sa robe en essayant de se relever) et d’évoquer les tourments du monarque, qui est rattrapé par le fantôme de ses victimes, on regrette tout de même la présence d’objets ou de décors rappelant la réalité. Comme si le ton inconstant et l’absence d’éléments du réel nous éloignaient encore plus du destin des personnages, qui vont et viennent, manigancent et meurent, prient et pleurent, sans que cela nous importe.

Heureusement pour les spectateurs, qui plongent pendant trois heures dans cette histoire shakespearienne, la deuxième partie est franchement plus solide que la première. Portée par une véritable cohérence dramatique, elle signe l’arrivée de Richmond, interprété par un Francis Ducharme combattant, déterminé et vorace, qui prend part à l’ultime combat. Une scène puissante qui fait écho au grand talent de mise en scène d’Haentjens.

On pourrait parler de la projection étonnamment déficiente de Marc Béland, du français normatif parfois chancelant de Sophie Desmarais ou de la présence peu pertinente de la Reine Marguerite (Monique Miller) pour faire avancer l’intrigue, mais la production était déjà plombée par un décalage entre la forme et le fond trop énorme pour être ignoré.

« Richard III » sera présenté au TNM du 10 mars au 4 avril 2015. Cliquez ici pour plus de détails.

Richard III au TNM : le tapis rouge

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