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Le discours d'Obama sur les droits civiques à Selma salué comme le plus marquant de son mandat

Selma: Obama salué pour avoir prononcé l'un de ses plus grands discours

Un discours qui devrait rester dans les mémoires. Un demi-siècle après la répression brutale d'une marche pour les droits civiques entrée dans l'histoire, Barack Obama a appelé samedi 7 mars à Selma, face à des milliers de personnes, à poursuivre la lutte contre la discrimination raciale aux Etats-Unis.

Dans un discours prononcé sous un soleil éclatant devant le pont Edmund Pettus sur lequel, il y a cinquante ans, quelque centaines de manifestants pacifiques furent violemment pris d'assaut par la police, le premier président noir de l'histoire des Etats-Unis a appelé à la lucidité et la vigilance (voir son discours - en anglais - dans la vidéo en haut de cet article).

"L'ombre de l'histoire raciale plane toujours sur nous"

S'il a souligné les progrès accomplis - "Si vous pensez que rien n'a changé, demandez à quelqu'un qui a vécu à Selma, Chicago ou Los Angeles dans les années 50 !" - Barack Obama a aussi appelé à refuser le raisonnement consistant à suggérer que le racisme a disparu.

"Nous n'avons pas besoin du rapport de Ferguson pour savoir que cela n'est pas vrai", a-t-il lancé, en allusion au document accablant publié cette semaine par le ministère de la Justice qui pointe les comportements discriminatoires de la police dans cette petite ville du Missouri (centre), théâtre de violentes émeutes après la mort d'un jeune Noir abattu par un policier blanc.

"Il nous suffit d'ouvrir nos yeux, nos oreilles et nos coeurs pour savoir que l'ombre de l'histoire raciale de ce pays plane toujours sur nous", a poursuivi Barack Obama dans cette petite ville de l'Alabama où s'étaient rassemblées plus de 40 000 personnes, 50 ans après un "Bloody Sunday" qui traumatisa l'Amérique.

Barack Obama, qui était accompagné de sa femme Michelle et ses deux filles Malia et Sasha, a ensuite traversé à pied, avec un groupe d'une cinquantaine de personnes, le pont Edmund Pettus, au-dessus du fleuve Alabama. Son prédécesseur, le républicain George W. Bush, faisait partie du cortège.

Deux semaines après la marche du 7 mars 1965, plusieurs milliers de personnes emmenées par le pasteur Martin Luther King quittaient de nouveau Selma pour rejoindre la capitale de l'Alabama, Montgomery, à près de 90 km de là, où elles arrivèrent en un large cortège après plusieurs journées d'une marche entrée dans l'histoire.

Le 6 août 1965, le président démocrate Lyndon Johnson signait le Voting Rights Act, garantissant à tous le droit de vote en supprimant un nombre incalculable d'obstacles qui se dressaient sur la route des Afro-américains désireux de s'inscrire sur les listes électorales.

"Vous pouviez aller demander votre inscription mais il fallait passer un test sur la Constitution de l'Alabama !", a raconté à l'AFP Louretta Wimberly, qui participa activement à l'organisation de ces marches.

"Comment cela est-il possible ?"

Si la loi de 1965 a changé la donne, le débat n'est cependant pas clos. Les démocrates accusent régulièrement les républicains de brandir la menace de la fraude électorale pour introduire dans certains Etats des contraintes supplémentaires sur l'identification des électeurs dans le but de dissuader les minorités de se rendre aux urnes.

"Aujourd'hui, en 2015, 50 ans après Selma, il y a des lois à travers ce pays conçues pour rendre le vote plus difficile !", a lancé Barack Obama. "Au moment où nous parlons, d'autres lois de ce type sont proposées", a-t-il ajouté. "Comment cela est-il possible ?", s'est-il interrogé avec véhémence.

Quelques minutes plus tôt, le pasteur Al Sharpton, militant des droits civiques, avait lancé une mise en garde similaire: "Ne pas protéger avec force ce qui a été acquis (sur le droit de vote), c'est manquer de respect envers ceux qui ont fait ces sacrifices".

"Nous avons beaucoup progressé (...) mais l'heure est plutôt à la protestation qu'à la seule célébration", a de son côté souligné le pasteur Jesse Jackson, appelant aussi à s'attaquer "à la question de la pauvreté, qui est une arme de destruction massive".

Source d'inspiration à travers le monde

Selma, ville de 20 000 habitants (dont 80% de Noirs), connaît un taux de chômage supérieur à 10%, soit le double de la moyenne nationale. Près de 40% des foyers y vivent en-dessous du seuil de pauvreté.

Pour Letasha Irby, 36 ans, qui travaille dans une usine de pièces détachées pour l'automobile, "il y a d'autres combats à mener aujourd'hui" en Alabama. "S'ils se sont unis et ont fait front ensemble (il y a 50 ans), cela peut être fait aujourd'hui", ajoute la jeune femme, qui gagne 12 dollars de l'heure et cite, comme priorité, la lutte pour des "salaires décents".

Soulignant l'impact décisif de la marche non-violente de Selma sur le "destin" des Etats-Unis, Barack Obama a aussi jugé qu'elle restait une source d'inspiration pour des "millions de personnes" à travers le monde. "Des rues de Tunis à la place Maïdan en Ukraine, une génération de jeunes gens peuvent tirer leur force de ce lieu".

Les observateurs quasi unanimes

Un discours poignant qui a rapidement été salué comme l'un des plus importants, voire tout simplement le plus marquant, depuis l'élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis en 2008. CNN cite ainsi plusieurs historiens unanimes pour reconnaître la portée "historique" de ce discours, un terme que l'on retrouve dans de nombreux médias américains.

"Je pense que c'est le 'I have a dream' du président Obama pour le 21 siècle", affirme ainsi l'historien Douglas Brinkley, qui qualifie le discours de "brillamment écrit" et lui trouve même une certaine poésie, le comparant notamment à Walt Whitman. Comme le note CNN, certains opposants à Obama ont eux-même reconnu l'importance de son discours, tout en le critiquant pour affirmer que le président était surtout bon pour prononcer des discours.

D'après nos confrères du HuffPost américain, les internautes étaient aussi majoritairement conquis par le message de Barack Obama, le qualifiant de "grand", "puissant", "poignant", "inspirant" ou encore "historique", même si certains estiment là encore que les mots ne suffisent pas et qu'il faut encore agir contre le racisme, notamment à la lumière du drame de Ferguson.

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