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Rendez-vous du cinéma québécois: les confidences de Marc Labrèche

Rendez-vous du cinéma québécois: les confidences de Marc Labrèche
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Le public était invité mardi à assister à une Leçon de cinéma de Marc Labrèche, au Bistro SAQ de la Cinémathèque québécoise, dans le cadre des Rendez-vous du cinéma québécois. Dans une discussion de 90 minutes, animée par Marie-Louise Arsenault, l’être le plus franc et le plus libre de notre colonie artistique a jasé de sa carrière, du regard qu’il jette sur son métier et des collègues qui l’ont marqué. Voici un condensé de ses propos. Les prochains à se prêter au jeu de la Leçon de cinéma seront Denis Côté (mercredi), Xavier Dolan (jeudi) et Jean-Marc Vallée (vendredi).

Ce que Marc Labrèche a dit sur…

Ses débuts comme acteur

Marc Labrèche a fait ses premiers pas en tant qu’acteur à l’âge de 9 ans, sur les planches du Théâtre du Rideau Vert, où était montée chaque année, à l’époque, la pièce L’Oiseau bleu, de Maeterlinck. Pour les besoins de l’histoire, il devait embrasser une petite fille, échanger un vrai baiser. «Quand j’ouvre le tiroir de mon inconscient, la langue y était, a blagué Labrèche. Le premier baiser que j’ai donné dans ma vie, 800 personnes m’ont applaudi!»

Plusieurs souvenirs d’enfance de Marc Labrèche sont liés au Théâtre du Rideau Vert puisque son père, le regretté Gaétan Labrèche, y jouait régulièrement. Le petit Marc de jadis attendait sagement dans les coulisses, se liait d’amitié avec les camarades comédiens de son papa, leur offrait des dessins. «J’étais amoureux de Geneviève Bujold!», s’est-il souvenu.

L’envie de pratiquer le métier

Comme bien des enfants de la balle, Marc Labrèche a d’abord eu le réflexe, à l’adolescence, de vouloir s’éloigner du métier que pratiquait son père, mais il a vite réalisé qu’il n’avait d’aptitudes dans aucun autre domaine que les arts. «J’avais l’impression de manquer totalement de personnalité et de n’avoir aucune ambition», a-t-il ricané. À l’université, il s’est inscrit en philosophie : «J’aurais voulu être journaliste ou avocat». Toutefois, puisqu’on ne renie pas sa nature, il a rempli ses premiers contrats au théâtre à l’âge de 18 ans et a fait partie des derniers télé-théâtres diffusés à Radio-Canada dans le cadre des Beaux Dimanches.

La comédie musicale Pied de poule

Marc Labrèche désigne la comédie musicale Pied de poule, de Marc Drouin, dont il tenait la vedette au début des années 1980 avec Normand Brathwaite, comme un «microphénomène». L’artiste a raconté que ses collègues et lui «chantaient, jouaient et se trémoussaient beaucoup» dans cette «bande dessinée» en musique, peuplée de plusieurs chorégraphies. La tournée de Pied de poule a duré deux ans, l’équipe a fait abondamment la fête pendant cette période mais, lorsqu’elle s’est terminée, des conflits ont éclaté et les liens se sont dissous. «Moi, je n’ai pas parlé à Normand Brathwaite pendant des années. On se voyait tellement qu’on a eu une écoeurantite», a avoué Labrèche à propos de son grand ami. Marc Labrèche a également fait rire la foule en relatant un souvenir de lui-même reprenant conscience sur le pont Jacques-Cartier à 4 h du matin, après une nuit endiablée. «C’est ça, pour moi, les années 1980!»

Le passage du théâtre à la télévision

C’est surtout lorsque ses enfants sont nés et qu’il lui a fallu gagner plus de sous que Marc Labrèche a délaissé un peu le théâtre pour faire de la télévision et développer ce formidable univers comique, aux limites des variétés, qui l’ont amené à personnifier tant la grenouille Yalande de Beau et chaud que Brett et Brad Montgomery du Cœur a ses raisons. Si, en premier lieu, il a eu l’impression de «vendre son âme», il s’est bien vite ravisé ; il a trouvé devant et derrière la caméra des amis, une nouvelle dimension à explorer, de nouvelles références à établir : «C’était le plaisir de la liberté comme je ne l’avais jamais éprouvé au théâtre».

Préfère-t-il la scène ou le petit écran? «J’ai l’impression que je suis un bicéphale. Je suis tellement fidèle partout, en amitié, en amour, que j’ai besoin d’être infidèle à moi-même en passant d’un monde à l’autre »

Son humour absurde

Le ton absurde et décalé de l’humour de Marc Labrèche lui est venu naturellement, sans qu’il n’ait à plancher beaucoup pour le faire éclore. «J’ai l’impression d’avoir hérité d’un paquet de références culturelles européennes et américaines», a glissé l’interprète. Son père vouait un culte à la cinématographie française, tandis que lui-même carburait aux produits américains et s’identifiait aux Robert De Niro et Al Pacino au sommet de leur gloire dans les années 1970. Ce qui l’a amené à «amalgamer un ensemble de références qui n’ont aucun sens», et qui l’a poussé à vouloir créer «un choc entre les mots qui n’ont aucun sens et les silences qui les précèdent ou les suivent.» Inspiré par Ionesco, Labrèche affirme qu’il n’existe pas plus grand plaisir que de «faire ce qui n’est pas permis de faire.» «C’est l’ultime poésie du langage inventé.» Il croit en outre que la grâce arrive avec la simplicité davantage qu’avec la torture mentale, et que «l’élégance de la comédie, c’est d’arriver à faire sourire et réfléchir en même temps.»

Ses rapports avec les réalisateurs

Marc Labrèche y est allé mardi d’un aveu surprenant : il a souvent eu du mal à s’entendre avec les réalisateurs et les metteurs en scène avec qui il a collaboré. «On est souvent mal dirigés, a-t-il lancé, sans évidemment donner de nom. Quand les sensibilités ne concordent pas, ça devient un travail d’équilibristes absurde. C’est un cauchemar. Tu t’en vas jouer, c’est supposé d’être l’affaire la plus exaltante, la plus jouissive au monde, et ce n’est pas le cas. C’est comme un deuil et, dans ce temps-là, tu sais que tu n’es pas bon.» Aurait-il envie de lui-même devenir réalisateur? L’idée ne semble pas figurer dans ses plans à court terme. «Ça prend une rigueur au cinéma dont j’aurais tout à apprendre. Mais je travaillerais avec plaisir à réaliser un projet que j’aurais écrit.»

Anne Dorval

De son âme sœur professionnelle, Anne Dorval, Marc Labrèche n’a que des éloges à formuler. «C’est une partenaire de jeu comme j’en ai rarement rencontrée, sinon jamais.» Il reconnaît sans ambages qu’entre eux, lorsqu’ils bossent ensemble, «il y a toujours une petite coche qui se pète aux 20 minutes», mais qu’ils s’apportent énormément mutuellement. «J’ai l’impression que je lui donne des plaisirs insoupçonnés», a-t-il badiné, pince-sans-rire. Plus sérieusement, il a poursuivi : «C’est une personne qui vieillit tellement bien, de façon tellement magnifique. Xavier Dolan la célèbre d’une manière qui lui donne des ailes, qui lui donne confiance. Xavier a trouvé exactement la musique d’Anne, pour lui permettre de s’envoler.»

Denys Arcand

Denys Arcand a confié à Marc Labrèche le rôle principal de son long-métrage L’Âge des ténèbres, sorti en 2007. Mais les deux hommes s’étaient rencontrés quelques années avant le tournage, alors que Marc Labrèche concevait un documentaire intitulé J’haïs le golf. Golfeur invétéré, l’été au Québec et l’hiver en Floride, Arcand avait répondu aux questions de Labrèche, et des affinités sont aussitôt nées. «Le golf, c’est une promesse d’éternité», a décrété pour taquiner celui qui enfilait l’habit gris dans L’Âge des ténèbres. À propos de Denys Arcand, l’humain comme le cinéaste, Marc Labrèche considère qu’il y a «une tendresse dans sa lucidité», qu’une vraie empathie se dégage de son cynisme. «C’est un vrai tendre, un amoureux hypersensible.» Pendant l’échange, Marc a aussi vanté le talent de Robert Lepage, avec qui il parcourt présentement la planète grâce à la tournée de Les aiguilles et l’opium.

Les films comiques

Lui qui fait rire tant de gens, Marc Labrèche a pourtant souvent du mal à apprécier les films drôles qui prennent l’affiche à la chaîne en salle. «J’ai un problème avec les comédies qu’on fait, a-t-il admis avec élan. Souvent, leur seul but est de vendre des entrées. Est-ce qu’on peut envisager la comédie comme autre chose qu’une recette à guichets, obligatoirement rassembleuse? Je ne veux pas juger, mais on pourrait proposer autre chose. Même moi, comme spectateur, j’aurais envie de voir autre chose…» L’appel est lancé!

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