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César 2015: le duel des «Saint Laurent» de Jalil Lespert et Bertrand Bonello

César 2015: le duel des «Saint Laurent» de Jalil Lespert et Bertrand Bonello
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Saint Laurent de Bertrand Bonello et Yves Saint Laurent de Jalil Lespert, les deux films sur le couturier français qui s'affronteront vendredi 20 février aux César, avec dix nominations pour le premier et sept pour l'autre, traitent le même sujet, mais sous une lumière bien différente.

Le duel avait déjà eu lieu en amont. Une concurrence presque déloyale puisque Pierre Bergé, richissime compagnon du couturier, s'était immiscé dans le destin des deux films, donnant son accord à celui de Jalil Lespert et usant de toute son influence pour bloquer celui de Bertrand Bonello comme le rappelle Didier Péron dans Libération.

Bande-annonce du Saint Laurent de Bertrand Bonello:

Bande-annonce du Yves Saint Laurent de Jalil Lespert:

Des périodes distinctes

Bertrand Bonello se penche sur une courte époque, entre 1967 et 1976, décennie la plus riche de la vie du couturier, se terminant avec la célèbre collection des Ballets russes.

Jalil Lespert s'intéresse à une période plus longue, de 1957 à 1976, étudiant l'éclosion de son talent depuis sa jeunesse. Bertrand Bonello choisit par ailleurs de montrer Saint Laurent vieillissant, interprété par Helmut Berger (acteur fétiche et amant de Luchino Visconti).

Un film autorisé, l'autre pas

Le film de Jalil Lespert, adoubé par l'homme d'affaires Pierre Bergé qui fut le compagnon de Saint Laurent, est nettement plus sage que celui de Bertrand Bonello. Il accorde aussi une place plus importante au mentor Bergé, joué par Guillaume Gallienne, et à l'histoire d'amour Bergé-Saint Laurent.

"Le film de Lespert, supporté par Pierre Bergé, s'octroie les attributs de marque les plus saillants. Sur l'affiche le sigle emblématique, YSL, barre le corps de Pierre Niney (ou le troue, on ne sait pas bien), et le titre du film, Yves Saint Laurent, emploie la typographie originale de Cassandre, avec les majuscules inclinées et liées entre elles. Le film a été partiellement tourné dans les locaux de la fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent, et a pu utiliser des pièces d'archives (croquis et robes)" notait également Benjamin Simmenauer.

Dans la version de Bertrand Bonello, Pierre Bergé (Jérémie Rénier) est moins présent, et l'idylle destructrice de Saint Laurent avec le dandy Jacques de Bascher (Louis Garrel) est davantage abordée. Le film de Bertrand Bonello, plus sulfureux et crépusculaire, va plus loin dans l'évocation des ravages de la drogue et de l'alcool et des jeux sexuels extrêmes du styliste. D'une soirée sado-masochiste chez Jacques de Bascher aux virées dans des lieux de drague, Bonello aborde la sexualité d'Yves Saint Laurent de manière plus crue.

"Saint Laurent est moins fidèle à la lettre, mais colle bien à l'esprit. L'Yves de Bonello, plus échevelé que celui de Lespert, revisite le mythe proustien de l'esthète subjugué par la canaille et ravagé par la pulsion de mort", rappelle Simmenauer.

Des moyens différents

S'ils sont nommés tous deux dans les catégories meilleurs costumes et meilleurs décors, les films n'ont pas eu le même budget -12 millions d'euros pour Lespert et 8 millions pour Bonello-, et ont surtout eu un accès inégal aux sources. Jalil Lespert a pu avoir des croquis et de vraies robes, prêtés par la Fondation Bergé-Saint Laurent, là où Bertrand Bonello a été empêché de consulter les archives et a dû recréer ou louer les costumes.

"Le budget initial de 12 millions d’euros a fondu, et Bertrand Bonello se retrouve dans la situation du cinéaste à qui l’on demande s’il peut quand même assumer le biopic avec beaucoup moins de moyens et un risque de procès à la clé", raconte Didier Péron à propos de Saint Laurent.

Mais une fois le film terminé, le biopic de Bertrand Bonello a bénéficié d'une promotion importante sur Canal+ puisque la chaîne cryptée a participé à la production du film et a été partenaire de sa sortie en salle.

Duel d'interprètes

Le principal duel aux César aura lieu entre Pierre Niney et Gaspard Ulliel pour le titre de meilleur acteur. Pierre Niney, 25 ans, est plus lisse en Saint Laurent naïf, incapable de gérer le quotidien et sous la coupe de Pierre Bergé.

Gaspard Ulliel, 30 ans, est davantage dans l'ambiguïté, creusant le versant sombre et décadent de Saint Laurent. Le film de Bertrand Bonello se concentre sur le rapport entre créativité et dépression, s'écartant de la narration linéaire pour réinventer le personnage.

Les deux interprètes de Pierre Bergé s'affronteront eux pour le César du meilleur second rôle masculin.

Des choix de mise en scène

Là où le film de Jalil Lespert -qui a fait 1,6 million d'entrées- est plutôt chronologique et d'une facture classique, celui de Bertrand Bonello (près de 400.000 entrée) veut davantage faire ressentir de manière impressionniste les tourments du créateur. Il joue sur un montage inventif et sur des palettes de couleurs pour montrer la montée en puissance parallèle de ses tourments personnels et de ses succès professionnels. Seul le film de Bertrand Bonello concourt dans les catégories meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur montage.

Enfin, c'est le Saint Laurent de Bonello qui a eu un rayonnement international plus fort après avoir été choisi pour représenter la France aux Oscars ainsi qu'en compétition officielle à Cannes.

Ces différences entre les deux biopics ont été mises face à face dans une infographie par l'équipe éditoriale de Stylight. Une façon d'avoir toutes les clés en main pour choisir votre camp.

Les images d'YSL de Jalil Lespert:

Yves Saint Laurent, le film

Les images de Saint Laurent de Bertrand Bonello:

Saint Laurent de Bertrand Bonello

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