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Christine and the Queens, au nom de la liberté

Christine and the Queens, au nom de la liberté
Album

Ce 19 février, le rendez-vous est pris au Metropolis dans le cadre de Montréal en lumière entre la sensation Christine and The Queens et le public canadien. Excitée à l’idée de défendre son album Chaleur humaine hors des frontières, elle avoue qu’elle ne pensait pas remplir une salle ici.

Une chanteuse née par nécessité

Qui es-tu, Christine and The Queens ? En civil, Héloïse Letisser présente un projet musical, un nom de groupe sans être un groupe, mené par un personnage créé qui incarne toutes les libertés dont elle veut se parer : «la meilleure façon que j’ai trouvé pour exister sur scène, un peu comme un rouge à lèvres».

Mais avant la musique, il y avait la littérature, ardemment étudiée pendant ses études, puis est venu le théâtre. La jeune Française se jette passionnément dans la mise en scène en tripant sur la composition musicale : «J’étais presque plus obsédée par la bande-son, c’était un prétexte pour me mettre à la musique, j’aurais dû me méfier», sourit-elle.

Le deuxième prétexte est plutôt un déclic, il remonte à 2010 : Christine part à Londres prendre l’air après un chagrin d’amour. Son attrait pour l’univers transformiste et son guide touristique lui indiquent un club queer où elle fera une rencontre déterminante avec des fées marraines, ses Queens. Elle discute, parle d’elle, et c’est l’étincelle : «Elles m’ont dit que je devais chanter, sans ce dialogue je n’aurais pas pu essayer. Paradoxalement, à partir du moment où elles m’ont permis de faire ça, ça a été viscéral, j’ai écrit un nombre de chansons impressionnant et je me suis rendu compte que je ne m’étais pas autorisé ça avant.»

Les dés sont lancés. «La musique est arrivée très fort et d’un coup, maintenant je n’arrive plus à m’en défaire». La suite s’écrit rapidement, elle bâtit son personnage empreint d’androgynie et sort «Miséricorde», son 1er EP, puis «Mac Abbey» et «Nuit 17 à 52». Christine and The Queens enchaîne les premières parties –dont Stromae- en France et sort son premier album «Chaleur humaine» le 2 juin 2014. Vendredi dernier, elle a été sacrée Artiste féminine aux Victoires de la musique. La jeune femme avoue qu’elle ne s’attendait pas à un tel engouement et un public aussi large «que ça parle à plein de gens c’est le bonus et c’est émouvant. Ça veut aussi dire que la culture musicale française s’ouvre à plein de choses».

La belle hybride

Chaleur humaine est une succession de surprises, un album intelligent, éclairant, à la spontanéité percutante. Christine and the Queens se voue à de nombreux saints. Il y a là-dedans du Drake, du Kendrick Lamar, The Knife, Christophe, Gainsbourg, un Michael Jackson qu’elle a laissé entrer dans ses chorégraphies et son personnage, de la culture queer… «Ca ne s’entend pas forcément, mais ces références sont là et m’ont guidées (…) je fais de la chanson française hybride, il n’y a pas de genre défini».

Christine and The Queens, c’est aussi cette démarche identitaire empruntée à David Bowie, la création d’un personnage qui en réunit d’autres : «Le personnage de Christine n’a pas de genre non plus. Je rêve d’être à peu près tout : un homme, une femme, une chaussure, une fleur… le maître mot de ce projet c’est la liberté». La dualité et la transformation sont l’essence même du projet artistique. L’artiste poursuit : «Christine existe parce beaucoup de choses m’agaçaient. À l’époque je disais que c’était le nom de ma colère, j’avais envie d’envoyer balader tout ce que je ne pouvais pas être. Je voulais arrêter d’être une jeune fille, ça me paraissait insurmontable avec toutes les contradictions qu’il y a à être une femme. Ces impératifs de perfection, cette sexualisation… je trouvais ça moins fatigant d’être un homme. Avec Christine, je n’ai pas de message précis, mais je propose une façon de réfléchir à son corps et une façon de secouer tout ça.»

Alors elle enfile les vêtements de son personnage, exprime et explore ces sujets d’identités tout au long de Chaleur humaine et en teinte son expression artistique, alternant entre l’anglais et le français pour chanter des textes poétiques et surprenants : «je ne suis pas bilingue alors mon écriture est un peu plus naïve et directe en anglais tandis que le français est plus transversal. Il y a une forme de schizophrénie que j’aime bien».

Quelle place prend un tel personnage dans la vie de tous les jours ? La chanteuse s’en accommode : «très franchement, moins je peux être Héloïse, plus ça m’arrange (…) j’ai tendance à être déprimante là-dessus, je préfère fantasmer ma vie, écrire des chansons que de la vivre.»

Christine and The Queens ne cesse de faire le pont entre les genres et les normes, casse les codes, déchire les étiquettes et réussit à s’assumer, se faire plaisir en chantant ses angoisses et s’exprimer avec son talent. Spontanée, elle ne cherche pas le conflit ni la provocation et remet la musique là où on doit la trouver, dans la sincérité.

Propos recueillis par Morgane de Capèle et Thomas Riegel

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