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Une marée noire traverserait le lac Saint-Pierre en 8 heures, dit une nouvelle étude

Une marée noire pourrait traverser le lac Saint-Pierre en 8 heures, selon une étude

Il ne faudrait que quelques heures à une nappe de pétrole pour couvrir le lac Saint-Pierre d'un bout à l'autre, selon un rapport publié ce matin par Équiterre et le Conseil des Canadiens. Les deux organismes estiment que la perte de 10 % du chargement d'un pétrolier pourrait coûter plus de 2 milliards de dollars.

Un texte de Thomas Gerbet

Les environnementalistes dégainent coup sur coup leurs études pour s'opposer à l'utilisation du fleuve Saint-Laurent comme voie de circulation du pétrole des sables bitumineux. Dans leur rapport, Équiterre et le Conseil des Canadiens modélisent les coûts associés au nettoyage d'une hypothétique catastrophe dans le lac Saint-Pierre, une des zones à risques identifiées mercredi dans un autre rapport.

« Le lac Saint-Pierre est un trésor et une merveille dans la région. Un seul déversement de pétrole pourrait signifier la mort instantanée de toute forme de vie pour des générations à venir », s'inquiète Steven Guilbeault, directeur principal à Équiterre. L'étude est préfacée par le professeur à la retraite et spécialiste de l'écotoxicologie marine, Émilien Pelletier.

Le rapport prend comme exemple un déversement de 10 000 tonnes, ce qui équivaut à 10 % de la capacité des gros pétroliers qui ont accosté à Sorel-Tracy cet automne. C'est aussi la capacité maximale d'intervention dans un délai de 72 heures exigées par le gouvernement fédéral aux équipes d'intervention.

En tenant compte des conditions météorologiques habituelles du secteur, les auteurs de l'étude évaluent que la nappe de pétrole en aval du lac se déplacerait « à une vitesse de 4 km/h, couvrant ainsi la totalité de ce lac de 32 kilomètres en aussi peu que huit heures ». Le rapport affirme que la Société d'intervention maritime [SIMEC] n'a pas la capacité d'intervenir sur un gros déversement en moins de 12 heures.

Un rapport de TransCanada elle-même au sujet des « scénarios de déversements », publié par Le Devoir, analyse la trajectoire des hydrocarbures dans des eaux libres de glace. « Le pétrole [...] pourrait toucher de 60 à 90 km de rivage le long de la rive sud du fleuve Saint-Laurent, cinq jours après le déversement initial », peut-on lire dans le document daté du 30 juillet 2014.

En entrevue à Radio-Canada, un responsable de la SIMEC reconnaissait ne pas être en mesure de récupérer plus de 20 % des hydrocarbures déversés dans le fleuve.

Le lac Saint-Pierre, réserve mondiale de la biosphère de l'UNESCO

  • 103 îles (le plus important archipel du fleuve)
  • 20 % des marécages de tout le fleuve
  • 50 % des zones humides du fleuve
  • 27 espèces végétales rares
  • 79 espèces de poissons, dont deux en voie de disparition
  • 288 espèces d'oiseaux (plus grande zone de nidification en Amérique du Nord pour les hérons)

« Les efforts de nettoyage et de remédiation s'avèrent toujours très couteux et souvent peu efficaces. » — Émilien Pelletier, récent retraité de l'Institut des sciences de la mer de Rimouski, dans la préface du rapport

Estimation des coûts du nettoyage

Équiterre et le Conseil des Canadiens utilisent une modélisation créée par un chercheur américain pour estimer les coûts qu'engendrerait un déversement de 10 000 tonnes. Le Basic Oil Spill Cost Estimation Model [BOSCEM] est une évaluation basée sur des dizaines de milliers de déversements enregistrés en eau douce depuis une dizaine d'années, aux États-Unis.

Coût d'intervention + coût socioéconomique + coût environnemental = coût total

Pour l'exemple du lac Saint-Pierre, les auteurs évaluent que l'intervention représenterait 25 % de la facture, le coût socioéconomique 55 %, et le coût environnemental 20 %, pour un total de 2,14 milliards de dollars.

« La limite de responsabilité pour un déversement étant fixée à 1,4 milliard de dollars, ce sont les contribuables qui devraient assumer l'excédent », écrivent les auteurs du rapport.

Les dangers relativisés

« En 2013-2014, la Caisse a versé moins de 150 000 $ en indemnisations alors qu'elle a 400 millions de dollars en banque et qu'elle pourrait aller chercher jusqu'à 1,4 milliard de dollars », mentionnait la présidente de la Société de développement économique du Saint-Laurent, Nicole Trépanier, dans un récent échange de courriels.

Un rapport publié le 15 janvier 2015 par l'Institut Fraser indique que malgré la croissance du nombre de pétroliers au pays et dans le monde, les déversements de plus de 700 tonnes sont en baisse.

Transports Canada assure avoir rehaussé la sécurité

« La limite de responsabilité de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires a été retirée pour veiller à ce que les pollueurs assument 100 % des coûts du nettoyage », nous assurait récemment l'attachée de presse de la ministre Lisa Raitt, Jana Regimbal, dans un échange de courriels.

Tout en vantant les inspections de navire et la surveillance aérienne, Ottawa assure avoir maintenant une « planification d'intervention par secteur » pour prendre en compte « les risques à l'échelle locale et les fragilités écologiques ».

Suncor a cessé temporairement de charger des pétroliers à Sorel-Tracy en raison de la baisse des cours du pétrole. Quand le cours du pétrole remontra, éventuellement, la pétrolière reprendra ses chargements destinés à l'exportation, à raison de deux à trois pétroliers par mois. Par ailleurs, l'inversion du flux du pipeline d'Enbridge entraînera l'ajout d'environ 140 voyages entre Montréal et Québec chaque année.

Recommandations du rapport

Les auteurs de l'étude demandent aux autorités fédérales de réduire la taille des navires et le volume d'exportation, ainsi que d'améliorer les moyens d'intervention en cas d'urgence. Ils proposent de mettre à la disposition des intervenants des barrages flottants « en tout temps dans les zones à risque ».

« Nous devrions réduire la quantité de pétrole transportée sur le Saint-Laurent, pas l'augmenter. » — Mark Calzavara, du Conseil des Canadiens

Indice de sensibilité environnementale du Saint-Laurent selon une étude de Genivar produite pour Transports Canada en novembre 2013. Le rouge correspond à l'échelle Photo : Genivar

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