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Mesures d'austérité: quand les régions se sentent larguées par Québec

Quand les régions se sentent larguées par Québec
Radio-Canada

Les temps sont durs pour les régions, qui se disent particulièrement touchées par les mesures d'austérité du gouvernement Couillard.

Un texte de Martine Biron

Les régions estiment qu'elles font les frais des compressions annoncées par le gouvernement libéral : abolition des conférences régionales des élus (CRE), diminution des budgets des centres locaux de développement (CLD), restructuration des centres de santé, fusions des commissions scolaires ou ponction fiscale dans les transferts aux municipalités.

Le maire de Rimouski, Éric Forest, estime qu'à nouveau, Québec impose sa façon de faire.

« C'est clair que si un jour on arrivait un peu comme l'enfant qui se détache du nid familial à vivre de nos propres ailes, ça serait l'idéal. »

— Éric Forest, maire de Rimouski

Cela dit, souligne le maire Forest, « la pertinence des CRE, dans mon esprit à moi, est indiscutable ».

Les exemples de succès des conférences régionales des élus sont nombreux.

À Saint-Épiphane, près de Rivière-du-Loup, un petit parc éolien a vu le jour grâce à un partenariat entre la municipalité régionale de comté et l'entreprise privée. Cette année, les 13 municipalités de la MRC se partageront des redevances de près d'un million et demi de dollars.

Les CRE du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie ont aussi signé le même type d'entente pour deux parcs éoliens, qui seront en activité en 2017. Les retombées pour la région seront importantes pour toutes les municipalités participantes.

Créées et abolies par les libéraux

Ce sont les libéraux de Jean Charest qui ont mis en place les CRE. Et 10 ans plus tard, ce sont les libéraux de Philippe Couillard qui les abolissent.

Le préfet de la MRC de Rivière-du-Loup, Michel Lagacé, pense que le gouvernement a agi de façon cavalière.

« Le fait qu'il ait dit : "on va chercher 50 % du Fonds de développement régional", pis en plus, on abolit les CRE, pis on vous dit vous avez un an pour fermer les livres! [...] C'est bêtement méchant et absolument pas raisonné. »

— Michel Lagacé, préfet de la MRC de Rivière-du-Loup

Les élus acceptent de contribuer au retour à l'équilibre budgétaire, mais ce qui les offusque, c'est le « paternalisme » du gouvernement et de son ministre des Affaires municipales Pierre Moreau.

« Si M. Moreau s'était donné la peine d'établir un dialogue, il serait arrivé aux mêmes objectifs financiers; les 20 millions qu'il veut aller chercher, il serait arrivé à la même chose, mais on aurait été capables de continuer à construire sur ce qu'on a », explique M. Lagacé.

Les élus de la région ont aussi agi sur d'autres fronts. Pas évident quand on habite Saint-Paul-de-la-Croix d'avoir accès à Internet. La Conférence régionale des élus a branché tous les petits villages de la région du Bas-Saint-Laurent.

Grâce au programme d'aide aux jeunes de la CRE, chaque MRC peut compter depuis six ans sur deux travailleurs de rue. Le programme survivra-t-il? se demande le coordonnateur du projet, Roch Rousseau.

« On ne sait pas ce qui va se passer. Ça nous inquiète drôlement, parce qu'il ne faudrait pas que ce service-là tombe, ne serait-ce qu'une année. On arrête ce service un an; ça va être difficile à redémarrer après. »

— Roch Rousseau, coordonnateur du projet de travailleurs de rue

Mauvaise répartition des richesses?

À Témiscouata-sur-le-Lac, Vincent Gosselin et sa conjointe, Catherine Caron, ont décidé de vivre en région. Ils sont jeunes. Il est comptable, et elle, médecin.

« C'est sûr que c'est important d'avoir un budget équilibré, mais des fois, de mon côté, j'ai l'impression que la répartition de la richesse, où l'État va chercher son argent, ce n'est pas bien fait », constate Vincent Gosselin.

En fait, on reproche beaucoup au gouvernement d'avoir agi sans consulter les régions, d'avoir appliqué une politique « mur à mur ».

Comme partout au Québec, la direction du centre régional de santé et de services sociaux sera démantelée et transférée probablement à Rimouski, à une bonne heure de demie de route.

La présidente du CRSSS de Témiscouata-sur-le-Lac, Nathalie Dubé, est inquiète. « Les services vont-ils diminuer? Vont-ils être fusionnés avec d'autres localités? Les gens auront à parcourir plus de kilomètres pour nous; c'est inquiétant », explique-t-elle. La Dre Catherine Caron est du même avis.

« Je pense que ça touche plus les régions que les villes, parce que les pertes d'emploi, ça paraît plus ici. Et en plus, ici, si des médecins sont obligés de partir, ça fait de gros trous dans les services. »

— La Dre Catherine Caron

Le même raisonnement s'applique à la Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs. Elle est performante, elle a des surplus budgétaires et les frais administratifs ne représentent que 3 % de son budget.

Pourtant, Québec veut la fusionner avec Rivière-du-Loup, où les décisions seraient prises pour l'ensemble de la région.

« Ça veut dire que des gens qui demeurent à Dégelis feraient 90-95 km aller et retour, donc presque 200 km par jour. Est-ce qu'ils vont voyager comme ça longtemps? Je ne pense pas; ils vont déménager. Donc, on va perdre des citoyens, des enfants, on va perdre de bons salaires. C'est ça notre peur », s'inquiète le président de la commission scolaire, Guilmont Pelletier.

Qui fournira les grandes villes?

L'impression générale, dit le préfet de la MRC de Rimouski-Neigette, c'est que le gouvernement Couillard abandonne les régions au profit de Québec et Montréal.

« Si les gens des grandes villes veulent manger, elles veulent du bois, des meubles... On ne peut pas cultiver ça sur Le Plateau-Mont-Royal; Ça se fait en région. Ça prend des gens qui habitent là. »

— Francis St-Pierre, préfet de la MRC de Rimouski-Neigette

Les décisions semblent sans appel. Il y a quelques jours, le représentant du ministère des Affaires municipales du Bas-Saint-Laurent a rencontré les maires de la CRE pour leur expliquer le processus de fermeture de l'organisation.

« Que Québec nous reconnaisse comme un gouvernement de proximité, qu'il nous reconnaisse comme instance. Qu'on arrête d'être infantilisés par des normes. Actuellement, on répond presque plus à des technocrates qu'à nos populations. »

— Éric Forest, maire de Rimouski

Les négociations pour un nouveau pacte fiscal Québec-municipalités doivent commencer dans les prochaines semaines.

Les régions ne veulent plus être à la merci du gouvernement. Elles rêvent de liberté, et elles commencent à parler de souveraineté municipale.

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