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La Jordanie contre l'EI : « C'est notre guerre »

La Jordanie contre l'EI : « C'est notre guerre »
AMMAN, JORDAN- FEBRUARY 06: Thousands of Jordanians participate in a mass demonstration after Friday prayers near Al Hussein Mosque to express their solidarity with the pilot murdered by the Islamic State (IS) group earlier this week, on February 6, 2015 in Amman, Jordan. Muath al-Kasaesbeh was captured by the terror group after crashing his plane near Raqqa in northern Syria, during a mission against IS in December. (Photo by Jordan Pix/ Getty Images)
Jordan Pix via Getty Images
AMMAN, JORDAN- FEBRUARY 06: Thousands of Jordanians participate in a mass demonstration after Friday prayers near Al Hussein Mosque to express their solidarity with the pilot murdered by the Islamic State (IS) group earlier this week, on February 6, 2015 in Amman, Jordan. Muath al-Kasaesbeh was captured by the terror group after crashing his plane near Raqqa in northern Syria, during a mission against IS in December. (Photo by Jordan Pix/ Getty Images)

La Jordanie est unie dans l'horreur. La barbarie des châtiments imposés par le groupe armé État islamique (EI) n'est pas nouvelle : décapitations, crucifixions, amputations. Mais un nouveau pas a été franchi avec l'assassinat du pilote jordanien, diffusé cette semaine par le groupe djihadiste.

Un texte de Marie-Eve Bédard

Ils sont venus par milliers à la sortie de la grande prière du vendredi devant la mosquée Al-Husseini d'Amman. Plusieurs brandissaient drapeaux jordaniens et photos du lieutenant Moaz Al-Kassasbeh, le pilote assassiné par l'EI.

Rien n'avait préparé les Jordaniens, pas plus que le reste du monde d'ailleurs, aux images atroces, minutieusement mises en scène de leur pilote brûlé vif.

Mises en ligne par l'EI alors que le roi Abdallah se trouvait chez l'allié américain, elles ont secoué le royaume hachémite et rallié sa population à une guerre qui jusque là, passait comme celle des autres pour une partie importante de la population.

Parmi les milliers de manifestants ce vendredi, la reine Rania de Jordanie, un keffieh rouge et blanc drapé sur les épaules, portait elle aussi la photo du lieutenant Kassasbeh, devenu dans la mort le fils de tous les Jordaniens.

« C'est absolument la guerre de la Jordanie, c'est celle de tous le musulmans. Nous ne pouvons gagner cette guerre seule, mais c'est absolument notre guerre. »

— la reine Rania de Jordanie

Et cette guerre, la Jordanie n'a pas tardé à l'intensifier pour répondre à la soif de vengeance sanglante exprimée par son peuple. Dès vendredi, l'opération « martyr Moaz » a été lancée. Des douzaines d'avions de chasse de l'armée royale ont pilonné des positions de l'EI en Syrie, et pour la première fois en Irak selon certaines informations. À la télévision d'État, on pouvait voir des pilotes de chasse écrire des messages aux « ennemis de l'islam » sur les missiles et les bombes avant qu'il ne soient chargés.

Et pour le moment, la population en redemande. Sur le chemin du retour, les avions de chasse ont été applaudis par la foule quand ils ont survolé le village de Moaz Al-Kassasbeh. L'empressement des Jordaniens à se ranger derrière les propos guerriers du roi Abdallah a même donné lieu à la rumeur persistante - mais démentie officiellement - que le roi lui-même serait aux commandes d'un avion en mission.

Semer la terreur

La sauvagerie avec laquelle le groupe armé État islamique a choisi de « châtier » un musulman pratiquant pour avoir participé aux opérations militaires de la coalition cherchait à semer la terreur dans les pays arabes membres de cette coalition, à humilier la coalition.

C'est en partie chose faite, croit Hassan Hassan, un expert des groupes islamistes et co-auteur d'un ouvrage sur la montée de l'EI, État islamique : au sein de l'armée de la terreur. Mais c'est aussi une erreur tactique qui se retourne contre le groupe.

« Le monde musulman a l'habitude des images de décapitations et de crucifixion. Ce sont des méthodes pratiquées ailleurs comme en Arabie saoudite et, dans une certaine mesure, en Iran. Mais brûler des gens vifs, c'est trop. Ils ont poussé trop loin. »

— Hassan Hassan, expert des groupes islamistes

« Même leurs supporteurs ont exprimé leur dégoût. Mais ça démontre que pour l'EI, la dissuasion est plus importante que la sympathie. Ils envoient un message aux pays arabes de la coalition : la punition sera pire pour vous. »

Les dénonciations unanimes des dirigeants des pays arabes et d'une presse proche du pouvoir étaient prévisibles. Moins prévisible peut-être, et d'autant plus significative, la vague de condamnations d'autorités cléricales sunnites qui déferle. L'EI cherche systématiquement à justifier ses atrocités par des écrits religieux, aussi anciens ou obscurs soient-ils.

Mais cette fois, de l'Arabie saoudite, en passant par le Yémen et l'Égypte, les plus hautes instances religieuses sont catégoriques : rien ne peut justifier l'immolation. Le grand cheikh de l'université Al-Azhar au Caire, Ahmed Al-Tayeb, s'est dit dégoûté par le geste. Ses responsables a-t-il ajouté, devraient être « tués, crucifié ou leurs membres amputés ».

C'est cette loi du Talion que promet aujourd'hui d'appliquer la Jordanie. L'intensification des bombardements aériens n'est qu'un début, promettent les autorités. Dans le contexte actuel, il n'est peut-être pas impensable d'envisager une intervention terrestre.

Mais qu'en sera-t-il une fois les émotions vives dissipées? Des calculs plus rationnels et pragmatiques des capacités militaires, importantes sommes toutes, de la Jordanie entreront forcément en ligne de compte. La Jordanie, qui partage sa frontière avec la Syrie et l'Irak et qui n'est pas à l'abri des courants extrémistes, voudra aussi sans doute éviter d'inviter la violence sur son propre sol.

L'analyste Hassan Hassan croit que la Jordanie ne sera pas en mesure de maintenir un rôle d'avant-plan qui, pour le moment, est nécessaire.

« Nous voyons depuis quelques jours une Jordanie différente. Ils se montrent menaçants, montrent les crocs. L'ampleur de la campagne que mène la Jordanie maintenant reflète la rage que le pays ressent. Mais je ne crois pas qu'ils puissent soutenir ce rythme. »

— L'analyste Hassan Hassan

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