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«L'amour au temps de la guerre civile»: entretien avec le réalisateur Rodrigue Jean (ENTREVUE/ VIDÉO/ PHOTOS)

«L'amour au temps de la guerre civile» selon Rodrigue Jean

Le nouveau film de Rodrigue Jean représente le dernier chapitre d’un cycle entamé en 2009 avec le documentaire Homme à louer. À l’occasion de la sortie en salle de L’amour au temps de la guerre civile qui dresse un portrait sans concession sur une jeunesse en proie à la dépendance aux drogues et à la prostitution, le réalisateur de Yellowknife a bien voulu répondre à nos questions en démontant aux passage quelques aprioris.

«L’amour au temps de la guerre civile» de Rodrigue Jean

L’amour au temps de la guerre civile est le titre de votre nouveau film. Pourtant si l'on y regarde de près, il n’est jamais question d’amour, ni d’une guerre civile.

Tout dépend ce que vous entendez par amour et guerre civile. L'amour peut prendre toutes sortes de formes, dont la vôtre qui n’est évidemment pas celle des personnages du film. Cependant, je peux vous assurer que ces mêmes personnages s'aiment à leur manière. Si on entend la guerre civile comme une lutte entre des formes-de-vies, votre incompréhension en est la démonstration.

Vous abordez le thème de la prostitution masculine, déjà traité dans votre documentaire Hommes à louer. Que peut-on dire de plus avec la fiction?

Hommes à louer donnait la parole à des jeunes toxicomanes et travailleurs du sexe du centre-ville de Montréal hors de leur milieu de vie. L'intention était de laisser ces jeunes personnes parler pour elles-mêmes, sans le dispositif normatif du documentaire social qui voudrait que tous cherchent à s'en sortir par une injonction à la valorisation de soi. L'Amour au temps de la guerre civile est une œuvre de fiction présentant un contexte où la vie est intensifiée à son maximum: le travail du sexe et la toxicomanie, mais le propos s'appuie sur un élan vital irrépressible.

Le personnage principal est interprété par le jeune Alexandre Landry, l’acteur révélé dans Gabrielle. Qu’elles sont les raisons qui vous ont poussé à le choisir?

Le rôle d'Alex demandait un véritable athlète pour le cœur et le corps – Alexandre Landry possède ces qualités.

Les drogues, la prostitution et la pauvreté habitent votre long métrage sans possibilité d’espoir. Il n’existe donc aucune lumière au bout du tunnel?

Il me semble que les drogues sous leurs multiples formes, la prostitution qui viserait à vendre sa force de travail au plus offrant, et la pauvreté, sont le fait, sinon de la majorité, du moins d'un grand nombre d'entre nous.

Et pourquoi vos jeunes ne s’en sortent-ils pas?

Cette injonction à s'en sortir est une prescription morale qui ne m'intéresse pas beaucoup. Personne ne souhaite la souffrance des autres, mais à mon avis, imposer un récit rédempteur à ceux et celles qui n'ont aucun choix, tient du mensonge et de la cruauté.

Vous ne passez pas par quatre chemins pour décrire le quotidien d’une jeunesse perdue. À ce titre, les scènes de sexe sont particulièrement crues. Était-ce important pour vous d’atteindre une certaine vérité dans le traitement?

Pour moi, le cru (et la cruauté) se trouve plutôt dans le fil continu de la nouvelle où le massacre des personnes racialisées à l'autre bout du monde est exposé sous tous les angles. Si on montrait ces images pour qu'il y ait une prise de conscience, on imagine que la boucherie s'arrêterait, mais non, ça empire. On peut donc en déduire que ces images sont montrées pour d'autres raisons. À vous de décider lesquelles.

Sans musique ni fioritures, vous atteignez une certaine poésie, aussi dure soit-elle. Comment y êtes-vous parvenu?

Erreur pour la musique, il y a la magnifique bande sonore de Steve Bates qui traverse le film. La poésie dont vous parlez (je vous en remercie) vient peut-être de l'indétermination d'existences laissées (enfin) à elles-mêmes.

Que voudriez-vous qu’on retienne de votre film s’il ne fallait retenir qu’une chose?

Si les spectateurs pouvaient voir la possibilité de l'intensification de leurs propres vies, ce serait pas mal.

De quoi êtes-vous le plus fier?

D'avoir eu le privilège d'être entré en contact avec la vitalité de la forme-de-vie toxicomanes-travailleurs-du-sexe.

L’amour au temps de la guerre civile – Les Films du 3 mars – Drame de mœurs – 120 minutes – Avec Alexandre Landry, Jean-Simon Leduc, Simon Lefebvre, Catherine-Audrey Lachapelle et Ana Christina Alva – Sortie en salles le 6 février 2015 – Canada, Québec.

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