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Un an après la tragédie de L'Isle Verte, les changements se font attendre

Peu de changements, un an après la tragédie de L'Isle Verte
PC

Le grand froid qui a récemment frappé le Québec a causé un malaise chez Yves Desjardins, qui a immédiatement eu une pensée pour l'incendie tragique qui a causé la mort de 32 personnes dans une résidence pour personnes âgées de L'Isle-Verte, il y a un an.

Les vents et le froid rappelaient les conditions qui ont contribué à l'embrasement, en janvier 2014, et ont rappelé au directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés qu'il fallait en faire davantage.

"Nous devons agir, nous ne pouvons plus attendre", estime M. Desjardins.

"Il a fait extrêmement froid un matin, et je ressens de la peur ces jours-là, quand des incendies importants éclatent souvent. Ça me rappelle des souvenirs effrayants."

L'incendie a éclaté peu après minuit, le 23 janvier dernier, engouffrant la résidence de trois étages, construite en 1997 et qui ne possédait pas de gicleurs. Le brasier a été nourri par de forts vents dans une nuit extrêmement froide.

Plusieurs occupants de la partie de la résidence ayant été détruite avaient besoin de fauteuils roulants ou de marchettes pour se déplacer et étaient sous l'effet des médicaments qu'ils prenaient avant de dormir.

Une nouvelle aile, construite en 2002, avait des murs pare-feu et des gicleurs et avait été épargnée.

Dans la foulée de la tragédie, la vice-présidente du groupe de défense des droits des aînés CARP, Susan Eng, avait manifesté son espoir que la tragédie puisse pousser les autorités à agir en imposant des règles plus sévères et en obligeant l'installation de gicleurs dans tous les édifices.

"On aurait pu croire que ça aurait été suffisant pour provoquer une action politique et faire bouger les gestionnaires de maisons de retraite à travers le pays", déplore Mme Eng.

"Il est vrai qu'aujourd'hui encore, dans chaque province, il y a des résidences plus vieilles qui n'ont pas été mises à niveau et elles devraient l'être."

Les règles à ce sujet variant d'une province à l'autre, le groupe de Mme Eng s'est lancé dans une campagne afin de demander aux ministres responsables de la sécurité des résidences pour personnes âgées _ au fédéral, dans les provinces et dans les territoires _ de rendre obligatoire l'installation de gicleurs dans ces édifices.

"C'est faisable, mais ça coûte de l'argent, et quelqu'un doit fournir cet argent", admet Mme Eng.

"Quand des gens laissent leurs proches dans une maison pour personnes âgées, ils doivent au moins pouvoir s'attendre à ce qu'ils soient protégés de tels désastres évitables."

Les intervenants espèrent également que le coroner Cyrille Delage, qui a enquêté sur la tragédie, recommandera en priorité la mise à niveau des résidences plus anciennes afin que des gicleurs y soient installés.

Une porte-parole du bureau de M. Delage a indiqué que son rapport serait rendu public plus tard cette année.

M. Delage, qui a également présidé une enquête sur un incendie criminel qui avait causé la mort de 35 personnes dans une résidence pour personnes âgés de Notre-Dame-du-Lac, en 1969, a déjà indiqué que l'installation de gicleurs ne serait pas suffisante.

Les témoignages entendus au cours de l'enquête ont révélé plusieurs lacunes allant de la formation inadéquate des pompiers au contournement des règles de construction en passant par le manque de préparation des employés pour une évacuation en pleine nuit.

Au Québec, les gicleurs ne sont obligatoires que dans les résidences pour aînés où les résidents ne sont pas mobiles. Depuis la tragédie, quelques gestes ont par ailleurs été posés par la province.

M. Desjardins souligne qu'un comité dirigé par la Régie du bâtiment avait été formé afin d'examiner comment modifier les codes du bâtiment de la province. Il a recommandé l'installation de gicleurs dans toute nouvelle résidence, une proposition actuellement

à l'étude par le gouvernement.

Un tel changement refléterait des provisions du Code national du bâtiment du Canada, un modèle dont s'inspirent les provinces. Il a été modifié en 2010 afin de refléter la nécessité de modifier les règles sur les gicleurs pour les résidences pour personnes âgées neuves ou rénovées.

Dans la foulée de la tragédie de L'Isle-Verte, Québec a annoncé qu'elle pourrait rendre obligatoire l'installation de gicleurs dans toutes les résidences privées, peu importe qui les occupe.

M. Desjardins croit que des changements seront apportés. Son organisation attend depuis longtemps que toutes les chambres de résidences pour personnes âgées du Québec soient équipées de gicleurs.

"Il y aurait peut-être quand même eu des morts (à l'Isle-Verte), mais il n'y en aurait jamais eu 32 parce que (les gicleurs) auraient retardé la propagation de l'incendie", croit-il.

Le principal problème est le coût. La mise à niveau peut coûter de 4 à 8 $ par pied carré. M. Desjardins estime que sur 78 000 chambres au Québec, environ la moitié aurait besoin d'être mise à niveau.

"Le gouvernement comprend que certaines résidences devraient fermer sans aide financière (pour la mise à niveau)", explique M. Desjardins.

"Et c'est là que ça se complique, parce que ces personnes âgées iront où? C'est bien d'avoir des exigences, mais si personne ne peut les rencontrer ou que les résidences ferment, nous ne sommes pas plus avancés."

Mme Eng admet que la mise à niveau est une proposition coûteuse, mais elle la juge nécessaire, entre autres mesures.

"Ce n'est pas utile de n'installer que des gicleurs. Il faut également des murs pare-feu, des matériaux ignifuges dans les murs, des portes à fermeture automatique, de la formation pour le personnel et un plan d'évacuation", avance-t-elle.

"Il faudra éventuellement en arriver à donner à la vie de ces gens la même valeur que nous donnons à la nôtre."

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