Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Charlie Hebdo: ces médias qui refusent toujours de publier les caricatures

Charlie Hebdo: ces médias qui refusent toujours de publier les caricatures
NY Daily News

De nombreux médias anglo-saxons ont volontairement masqué les caricatures de Mohamet lors du traitement de l'attentat de Charlie Hebdo. Mercredi, la rédaction du journal satirique a été prise pour cible par deux terroristes se revendiquant d'Al Qaida. Douze personnes, dont sept journalistes, ont perdu la vie dans l'attaque.

Ce dilemme de publier (ou non) les caricatures rappelle la controverse de 2005-2006, lorsque les dessins du journal danois Jyllands-Posten avaient défrayé la chronique. Charlie Hebdo avait fait partie des premiers à les relayer, en rajoutant ses propres productions. Devant l'ampleur du drame de mercredi, certains médias se retrouvent ainsi face à un choix: éditorial d'abord, mais aussi de sécurité. Parmi eux, la chaîne d'information en continu CNN a délibérément choisi de pixéliser les caricatures du prophète dans ses sujets.

"Comme cette histoire dramatique ne cesse d'évoluer, nous discutons constamment de la meilleure manière d'aborder les questions clés et les images sur l'ensemble de nos plateformes", s'est justifié un porte-parole de la chaîne auprès de BuzzFeed. "Ces conversations se poursuivront toute la journée et tant que l'histoire continue", laissant penser que rien n'est figé.

Néanmoins, le site Politicoa mis la main sur un mémo diffusé en interne. On peut y lire que "jusqu'à présent nous ne montrons par les caricatures de Charlie Hebdo considérées comme offensantes par de nombreux Musulmans, les différentes éditions sont encouragées à les décrire en détails". Dans le cas où on pourrait les voir dans les mains de personnes défilant dans les rues, CNN fait une dernière recommandation: "D'accord si c'est en plan large".

Les réseaux câblés NBC, MSNBC, CNBC, ABC News et CBS News ont adopté des politiques similaires. Sur la chaîne conservatrice Fox News, une caricature a été montrée une fois à l'image, relate le Washington Post. Mais il ne serait pas question de rééditer l'opération.

Les astuces utilisées par la presse écrite

En Grande-Bretagne, le Daily Telegraph a aussi "flouté" une des caricatures apparaissant sur la couverture d'un hors-série de Charlie Hebdo. Un internaute évoque sur Twitter la "victoire" des terroristes en réaction à ce traitement.

Le quotidien britannique a utilisé une autre astuce pour illustrer le sujet sans forcément passer par une modification graphique. Ici, le Telegraph a redimensionné une photo de Stéphane Charbonnier (dit "Charb"), le directeur de la publication de Charlie Hebdo, pour relater son meurtre.

Pour le New York Daily News, le choix s'est également porté sur une pixélisation des photos. Sur ce cliché de novembre 2011, Charb devant ses locaux détruits et montrant la "une" à l'origine de l'attaque au cocktail molotov.

Plus étonnant encore, une photo a été altérée alors qu'elle ne contenait aucune référence au prophète Mohamet (dont l'islam interdit sa représentation). Sur la "une" tenue par Charb, on voit une caricature d'un imam en chaise roulante poussé par un rabbin. L'iman seul a été pixélisé par le Daily News, laissant penser que la rédaction n'a voulu prendre aucun risque.

La réponse argumentée du New York Times

Ces cas ne sont pas isolés dans la presse anglo-saxonne. Même le prestigieux New York Times a décidé de faire l'impasse sur la publication des caricatures, mais le procédé est plus élégant. Seules des "unes" dégagées de toute référence religieuse ont servi d'illustrations.

Voici ce qu'a expliqué un porte-parole du quotidien: "Selon les standards du Times, nous ne publions pas d'images ou d'autres matériaux offensant délibérément les sensibilités religieuses. Après concertation, les journalistes du Times ont décidé que décrire les caricatures en question donnerait suffisamment d'informations pour comprendre l'histoire."

Outre-atlantique, on considère qu'il faut jouer l'apaisement. Le cas d'Associated Press est d'ailleurs démonstratif: alors que l'agence de presse propose des photos comprenant des caricatures et d'autres non, les clients d'AP ont intentionnellement porté leur choix sur les clichés "light".

Dans ce mouvement qui peut être perçu aussi bien comme de l'autocensure ou du respect, quelques médias décident de tout montrer. C'est le cas de l'Américain BuzzFeed et de nos confrères du Huffington Post US. Mais peu de journaux papier ont fait ce choix: le vénérable Times de Londres en fait partie tout comme le San Francisco Chronicle. Mais les exemples ne sont pas légion.

"Quel droit ai-je de mettre en danger les vies de mon équipe?"

Stephen Pollard, journaliste au Jewish Chronicle de Londres, a expliqué sur Twitter pourquoi il ne voulait pas prendre le risque de les publier.

"Soyez réalistes, les gars. Un journal juif comme le mien qui publierait les caricatures se retrouverait en tête des priorités de meurtre par les islamistes".

"C'est facile d'attaquer les journaux qui ne montreraient pas les caricatures. Mais voici mon dilemme de journaliste. Tous les principes auxquels je tiens me poussent à les imprimer. Mais quel droit ai-je de mettre en danger les vies de mon équipe pour faire un coup ?"

Quand le FT traite Charlie "d'irresponsables"

Preuve que l'attentat de Charlie Hebdo n'en finit plus de déchaîner les passions, voilà qu'un journaliste du Financial Times a essuyé de violentes critiques après une tribune d'opinion. Le rédacteur en chef Europe du quotidien, Tony Barber, a écrit: "La France est le pays de Voltaire mais trop souvent l'irresponsabilité éditoriale a prévalu chez Charlie Hebdo". Des propos particulièrement violents, seulement quelques heures après la mort des journalistes.

Devant les réactions des internautes, la phrase polémique a été supprimée dans journée. "L'article a été actualisé, cela fait partie du processus éditorial", a justifié Darcy Keller, une représentante du journal. Mais si le texte est resté en ligne dans une version remaniée, l'originale continue de circuler sur les réseaux sociaux.

Néanmoins, la version en ligne comprend toujours une critique de Charlie Hebdo. On peut y lire: "Il ne s'agit pas pour le moins du monde d'excuser les meurtriers, qui doivent être capturés et punis, ou de suggérer que la liberté d'expression ne devrait pas s'appliquer à la représentation satirique de la religion. Mais seulement de dire que le bon sens serait utile dans des publications telles que Charlie Hebdo, ou le journal danois Jyllands-Posten (ndlr: qui a également publié les caricatures de Mahomet), qui prétendent remporter une victoire pour la liberté en provoquant des musulmans".

Initialement, ce paragraphe s'achevait par, "alors qu'en réalité ils sont seulement stupides."

INOLTRE SU HUFFPOST

L'Echo

Les Unes en hommage à Charlie Hebdo

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.