La vague de censure entourant le film hollywoodien The Interview ne freine pas les ambitions des artisans québécois du North Korea Project, documentaire dont la sortie est prévue à l’automne 2015.
« Le risque pour nous est minimal, honnêtement, croit le journaliste indépendant Étienne Ravary, à l’origine du projet. On a des objectifs très modestes, je pense que la réceptivité du projet est à très petite échelle, l’industrie n’est pas impliquée, on n’a pas de grosse boîte derrière nous. Que veux-tu qu’ils fassent? »
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Étienne Ravary a voyagé dans le pays de Kim Jong-un au printemps 2014, dans le cadre de sa maîtrise, d’où sa facilité à obtenir un visa. Incognito parmi les touristes et les « agents touristiques » chargés de les surveiller, il a tout de même pu capter quelques images du pays entre deux destinations.
Aucune entrevue formelle n’a été menée en Corée du Nord pour des raisons évidentes. Il ne voulait pas éveiller les soupçons ni mettre des citoyens en danger.
« Ils [les autorités] ne savaient pas que j’étais journaliste pigiste et que j’avais l’objectif de faire un documentaire. J’ai pris des photos de choses que je n’aurais pas dû, j’ai filmé des choses que je n’aurais pas dû, mais il n’y a rien d’exceptionnel là-dedans », soutient-il.
Le North Korea Project, en collaboration avec Ricochet, explorera la stabilité du régime dans le pays le plus fermé de la planète afin de présenter « une image actuelle de la Corée du Nord », explique Étienne Ravary.
« La "lunette" qu’on a est très vieille – elle date des années 90. Le pays a évolué, mais la vision qu’on a n’a pas évolué. Le but du documentaire, c’est de donner un compte-rendu juste de la situation actuelle. Ce qu’on veut, c’est de donner une image de la Corée du Nord qui sera un peu plus objective, qui ne sera pas sensationnaliste. »
Il se défend toutefois de « redorer » l’image du pays, dont la gravité des violations en matière de droits humains « sont sans égal dans le monde contemporain » selon un rapport des Nations unies. « On veut montrer des aspects que les gens ignorent », ajoute le journaliste qui s’intéresse, entre autres, aux fossés économiques et langagiers entre les deux Corées.
« On ne veut pas donner une vision positive du pays, on est neutres. On veut juste comprendre ce qui se passe, et pour comprendre ce qui se passe, il faut passer par le régime. »
Mais l’essentiel du travail se fera à l’extérieur des frontières du régime. Un voyage en Corée du Sud est prévu en janvier 2015, où Étienne Ravary et son collègue Laurent Dansereau rencontreront des professeurs, des journalistes, des politiciens, mais aussi des dissidents nord-coréens.
Hollywood recule
Le dessinateur Guy Delisle a publié un billet de blogue vendredi matin dans lequel il se désole de l’annulation de l’adaptation cinématographique de son livre Pyongyang.
« On aurait pu imaginer qu’une grosse multinationale résisterait devant les menaces d’une bande de hackers nord-coréens. Apparemment, ils ont su toucher là où ça fait mal », écrit-il à propos des récents événements.
On apprend aussi qu’en 2001, le studio de dessin animé qui l’avait envoyé en Corée du Nord a tenté de lui mettre des bâtons dans les roues, invoquant une « clause de confidentialité » qui n’existait pas pour l’empêcher de publier son livre.
Le North Korea Project ne subira pas les mêmes pressions que Guy Delisle, pense Étienne Ravary, puisqu’il est presque entièrement autofinancé.
Et, contrairement à The Interview, son film ne se penchera pas sur l’assassinat du dictateur nord-coréen. Il peut donc dormir tranquille.
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