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Uber: oubliez les taxis ou les municipalités, son véritable ennemi est à l'intérieur

Semaine catastrophe pour Uber: et si l'ennemi venait de l'intérieur?
The Uber smartphone app, used to book taxis using its service, is pictured over a parking lot as auto-rickshaws (background) ply a road in the Indian capital New Delhi on December 7, 2014. An Uber taxi driver allegedly raped a 25-year-old passenger in the Indian capital before threatening to kill her, police said December 7, in a blow to the company's safety-conscious image. AFP PHOTO/TENGKU BAHAR (Photo credit should read TENGKU BAHAR/AFP/Getty Images)
TENGKU BAHAR via Getty Images
The Uber smartphone app, used to book taxis using its service, is pictured over a parking lot as auto-rickshaws (background) ply a road in the Indian capital New Delhi on December 7, 2014. An Uber taxi driver allegedly raped a 25-year-old passenger in the Indian capital before threatening to kill her, police said December 7, in a blow to the company's safety-conscious image. AFP PHOTO/TENGKU BAHAR (Photo credit should read TENGKU BAHAR/AFP/Getty Images)

Étrange séquence que celle traversée par le leader mondial des véhicules avec chauffeurs (VTC). Valorisée 40 milliards de dollars après sa récente levée de fonds (deux fois de plus qu'il y a 6 mois !), Uber fait face à des dizaines d'affaires qui mettent à mal sa réputation à travers le monde. Vendredi, son service de covoiturage UberPOP pourrait être interdit par le tribunal de commerce de Paris. Lundi, la startup s'est vue interdire d'exercer à New Delhi. Une cliente aurait été violée par un chauffeur de la firme. Un comble, alors que la direction met justement l'accent sur la sécurité de son système.

Depuis, la compagnie essuie des critiques quant à sa négligence dans le recrutement de l'agresseur présumé. Ce dernier avait déjà été accusé dans un histoire similaire en 2012, avant d'être acquitté. "Nous travaillons avec des chauffeurs-partenaires agréés pour fournir un service de transport sûr, avec des garanties telles que des informations sur le chauffeur et le véhicule", s’est défendue l'entreprise américaine. Problème: les premiers éléments de l'enquête montrent qu'aucun GPS n'avait été installé dans la voiture. Une condition pourtant sine qua non au recrutement des chauffeurs...

Et comme cette semaine ne pouvait pas mieux se finir, un juge madrilène a prononcé l’interdiction du service en Espagne. La veille, le service de covoiturage a été banni des Pays-Bas. Et ça ne devrait pas s'arrêter là: à Portland, une plainte a été déposée à l’encontre d’Uber... Vous l'aurez compris, les services juridiques de la firme vont bientôt être plus nombreux que les chauffeurs. Et ce ne sont pas les dirigeants de l'entreprise qui vont faire mentir ces affirmations.

Traquer la vie privée des journalistes

Fin novembre, BuzzFeed a dévoilé des propos polémiques prêtés à l'un de ses vice-présidents. Emil Michael aurait suggéré l'embauche de personnes "chargées de chercher des casseroles" dans la vie privée des journalistes trop curieux. Le budget "d'un million de dollars" aurait même été évoqué, visant notamment la reporter Sarah Lacy, en poste au PandoDaily.

Cette dernière semble avoir passablement énervé l'état-major de l'entreprise. Elle a notamment accusé la compagnie de "sexisme et de misogynie", après avoir appris qu'Uber voulait proposer à ses clients français d'être conduits par des mannequins. Le HuffPost avait dévoilé cette opération marketing, finalement annulée devant la polémique. "Je ne sais pas combien d’autres signaux il faudra pour comprendre que cette compagnie ne nous respecte pas et ne fait pas de notre sécurité une priorité", a écrit Sarah Lacy.

Lors d'un dîner, Emil Michael aurait exprimé son indignation face à cet article. Il aurait expliqué que les femmes sont davantage susceptibles de se faire agresser par un chauffeur de taxi que par un conducteur Uber (c'était avant le fait-divers en Inde). Loin de s'arrêter là, il aurait insinué que Sarah Lacy devrait être tenue "personnellement responsable" pour toute femme qui "supprimerait l'application Uber et se ferait ensuite agresser sexuellement". Des propos charmants, obligeant l'intéressé à s'excuser personnellement sur Twitter.

Le commentaire a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. Plusieurs clients ont supprimé leurs comptes. Sur Twitter, le hashtag #DeleteUber s’est multiplié.

La bataille de "quel moyen transport sera le plus sûr" est un enjeu de taille. Uber subit le feu nourri de la presse après quelques faits divers retentissants. Au mois de septembre dernier, un chauffeur de San Francisco a frappé avec un marteau la tête d'un client. Comme quoi le système de notation des conducteurs n'est pas si infaillible pour leur sélection.

Accumuler les données personnelles

Quelques jours après, le site BuzzFeed, une nouvelle fois, a publié des informations sur un dispositif secret chargé de "traquer" les clients. La journaliste accuse Uber d'avoir suivi ses déplacements au moyen d'un service baptisé "God View" (vue Dieu), accessible à plusieurs employés de l’entreprise. L'anecdote est savoureuse: en arrivant au lieu du rendez-vous qu'elle avait sollicité auprès du directeur d'Uber New York, ce dernier se tenait pile devant sa porte et lui lança "Je t'ai traquée".

Cette polémique a poussé la compagnie à dévoiler sa politique de confidentialité. Jamais communiquée jusqu'à présent, elle assure que les employés n'ont pas le droit de consulter ces informations sauf "à des fins commerciales légitimes". Malgré les critiques, Uber a assuré que cette politique avait toujours été en place. Attention néanmoins à ne pas crier au loup: il est logique que l'entreprise dispose d'un outil pour suivre ses légions de chauffeurs. Mais en jouant avec les journalistes, Uber crée un problème de confiance.

Et ce n'est pas tout. L'entreprise a été épinglée par une enquête de CNN révélant qu'elle encourageait ses employés à réserver puis annuler des courses de son concurrent Lyft, ainsi qu'à débaucher leurs chauffeurs. "Tant qu'Uber s'en prenait aux régulateurs et à ses adversaires, c'était acceptable dans l'opinion. Mais l'entreprise semble avoir franchi le Rubicon en s'attaquant à la presse", souligne auprès de 20 Minutes Gérard Braud, expert en communication.

Les chauffeurs et clients s'y mettent aussi

Mais il n'y a pas que les médias qui ont la dent dure. Même les chauffeurs tiennent à se faire entendre. Ils sont nombreux depuis quelques semaines à critiquer la nouvelle politique tarifaire de l'entreprise. Pour étouffer la concurrence, Uber a récemment baissé le tarif de ses courses sans diminuer ses commissions (environ 20%). Du coup, ce sont des centaines de conducteurs qui ont manifesté à travers les Etats-Unis.

Les cas sont légions: pour la soirée d'Halloween dernier, une cliente américaine a payé la somme de 539 dollars pour une course de 29 km.

Uber estime que le client n'est jamais "contraint" d'accepter ces tarifs. Il est toujours prévenu de la majoration et doit accepter cette dernière avant de valider la commande. Dans le cas de la cliente ci-dessus, elle explique que c'était la première fois qu'elle utilisait le service. Et probablement la dernière d'ailleurs...

Un patron trop "gênant" ?

C'est un euphémisme de dire que Travis Kalanick n'aide pas l'image de son bébé. Le fondateur n'a requis aucune sanction disciplinaire après le scandale de son vice-président Emil Michael. Sur l'affaire des mannequins conductrices à Uber Lyon, le patron n'a pas non plus bougé le petit doigt. Volontiers grivois, on lui prête la paternité du surnom de "Boober" ("nichons") pour son entreprise, car elle lui procurerait un certain succès auprès des femmes.

À 38 ans, le trublion effectue régulièrement des sorties offensives et remarquées. Uber a d'ailleurs embauché cet automne l'ancien directeur de campagne de Barack Obama, David Plouffe, pour faire tampon avec le volcanique Kalanick. Il faut dire qu'Uber s'apprête à aborder un créneau stratégique. Avec une introduction en Bourse qui se rapproche à grands pas, soigner son image publique s'avère indispensable afin de ne pas détourner les investisseurs.

Le profil de Travis Kalanick n'est pas sans rappeler une autre star de la Silicon Valley, Sean Rad, récemment débarqué de sa propre société, l'appli de drague Tinder. Mêlé à une affaire de harcèlement sexuel (dont il n'était pas le protagoniste), le fondateur de l'application de rencontres la plus populaire n'a pas survécu à l'image déplorable qu'il renvoyait.

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