Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Torture à la CIA: les passages les plus terrifiants du rapport du Sénat américain

Torture à la CIA: les passages les plus terrifiants du rapport du Sénat américain
DR

Ce mardi, le Sénat américain a dévoilé la version abrégée de son rapport très attendu sur les pratiques de la CIA qui ont suivi les attentats du 11 septembre. Ce document, qui fait l'effet d'une bombe outre-Atlantique, révèle des détails effrayants sur les techniques de détention et d'interrogation de la Central Intelligence Agency, chargée de mener la "guerre contre le terrorisme".

Ce rapport aux détails explicites se révèle d'autant plus perturbant qu'il conclut que ces techniques de torture et de "d'interrogatoire renforcé" (un doux euphémisme pour désigner la torture psychologique) ont bien souvent échoué à produire des résultats significatifs.

Pour accéder à l'intégralité de ce résumé de 525 pages, vous pouvez vous rendre ici (en anglais). Vous y découvrirez des centaines de pages de documents déclassifiés. En attendant, vous trouverez ci-dessous une compilation des détails les plus choquants révélés par ce document.

Après approximativement trois semaines, la CIA a opté pour un traitement plus agressif "sans concertation nécessaire". Mahjid Khan a alors été soumis contre sa volonté à "une alimentation et une hydratation rectale" impliquant deux bouteilles de Ensure [boisson énergisante américaine, NDT]. Plus tard ce même jour, le "plateau repas" de Mahjid Khan, composé de houmous, de pâtes en sauce, de noix et de raisin, a été "réduit à l'état de purée" et introduit par voie rectale. D'autres sessions d'alimentation et d'hydratation rectales ont suivi..."

[Page 115]

Selon les archives de la CIA, les interrogateurs ont commencé à recourir aux techniques d'interrogation renforcée sur le site de détention COBALT "quelques minutes" après le début de l'interrogatoire de KSM. KSM a été soumis à des gifles au visage et à l'abdomen, à des sévices au visage, à des positions stressantes, à une privation de sommeil en position debout (avec les mains au niveau ou au dessus de la tête), à de la nudité et à des douches d'eau froide ("water dousing"). Le responsable des interrogatoires a également ordonné une réhydratation rectale sans besoin médical, un procédé que le responsable caractérisera par la suite comme une illustration du "contrôle total du prisonnier" par son interrogateur...

[Page 82]

Au moins cinq détenus de la CIA ont été soumis à une "rehydratation par voie rectale" ou à de l'alimentation rectale sans nécessité médicale attestée par écrit. La CIA a placé des détenus dans des "bains" d'eau glacée. La CIA a conduit plusieurs de ses détenus à croire qu'ils ne pourraient jamais quitter leur lieu de détention en vie, suggérant à un détenu qu'il ne quitterait ce lieu que dans une boîte en forme de cercueil. Un interrogateur a dit à un autre détenu qu'il ne serait jamas convoqué devant un tribunal parce que "nous ne pouvons pas révéler au monde entier ce que je t'ai fait". Des officiers de la CIA ont également menacé au moins trois détenus de faire du mal à leurs familles - y compris de menacer de faire du mal aux enfants de l'un des détenus, d'abuser sexuellement la mère d'un autre et la menace de "trancher la gorge de la mère" d'un autre prisonnier.

[Page 4 des découvertes]

Le XX novembre 2002, un prisonnier qui avait été enchaîné partiellement nu sur un sol de béton est mort d'hypothermie présumée dans le centre COBALT. A l'époque, aucune unité au Quartier Général de la CIA n'avait de responsabilité clairement établie concernant les opérations de détention et d'interrogation de l'Agence. Lors d'entretiens conduits en 2003, les hauts responsables de la CIA et leurs avocats reconnaissaient qu'ils n'avaient pas ou peu d'informations sur les opérations en cours à COBALT et certains pensaient que les techniques d'interrogation renforcée n'y étaient pas emplyées.

[Page 10 du résumé]

On apprit par la suite qu'au cours de ces interrogatoires, l'officier n°2 de la CIA, avec l'accord et la participation du chef de la base du site de détention BLUE, également entraîné et qualifié pour agir en qualité d'interrogateur, a eu recours à une série de techniques d'interrogations non-autorisées contre al-Nashiri. Par exemple, l'officier n°2 de la CIA a placé al-Nashiri dans une "position debout stressante", avec "ses mains fixés au-dessus de a tête" pendant approximativement deux jours et demi. Plus tard, pendant les debrefings d'al-Nashiri au cours desquels il avait les yeux bandés, l'officier n°2 de la CIA a placé un pistolet près de la tête d'al-Nashiri et mis en marche une perceuse sans fil près de son corps. Al-Nashiri n'a pas fourni d'informations supplémentaires sur des menaces pendant ou après ces interrogatoires.

[Page 69]

Au même moment où al-Hawsawi affirmait qu'il était soumis à des simulations de noyade ("waterboarding") en avril 2003, un linguiste de la CIA a affirmé que le détenu Abu Hazim avait également subi des douches d'eau froide (water dousing) dans des conditions se rapprochant de la noyade. XXX, un linguiste venant de XXX en XXX 2003, a déclaré que:

"Quand la douche d'eau froide a été utilisée sur Abu Hazim, un linge recouvrait le visage d'Abu Hazim, et l'officier n°1 de la CIA a fait couler de l'eau froide directement sur le visage d'Abu Hazim pour perturber sa respiration. Le linguiste a déclaré que, quand Abu Hazim est devenu bleu, l'assistant du médecin a retiré le linge pour qu'Abu Hazim puisse respirer."

[Page 107]

[...] Durant ces sessions de simulation de noyade ("waterboarding"), KSM a ingéré une quantité significative d'eau. Les archives de la CIA précisent que "l'abdomen de KSM était quelque peu distendu et qu'il regurgitait de l'eau lorsque l'on appuyait sur son abdomen". Les sucs gastriques de KSM étaient tellement dilués par l'eau que l'officier médical présent sur place n'était "pas inquiet que les remontées acides puissent endommager l'oesophage de KSM". L'officier était cependant préoccupé par le risque d'intoxication et de dilution des électrolytes [métaux présents dans le corps, NDT] et a suggéré que les interrogateurs utilisent de l'eau salée lors de futures simulations de noyade. [...] Durant la journée, KSM fut également soumis à une série de gifles et à du "walling" [torture consistant à pousser violemment un détenu contre un mur, NDT]

[Page 86]

Des officiers de la CIA au site de détention BLUE ont continué à recourir aux techniques d'interrogation renforcée contre ben al-Shibh pendant près de trois semaines supplémentaires après cet échange, dont des séances de privation de sommeil, de nudité, de manipulations de son régime, de prises au collet, de gifles à l'abdomen, de gifles au visage, et de "walling". Bin Al-Shibh n'a pas fourni d'information sur d'éventuelles "opérations aux Etats-Unis" ou concernant "d'attaques de grande ampleur visant les Etats-Unis".

[Page 79]

[...] Durant cette séance, KSM a été décrit comme "plus coopératif" et cette journée d'interrogatoire a été considérée comme "la meilleure session à ce jour". Pendant cette période, KSM a inventé des informations sur un individu qu'il a décrit comme le protecteur des enfants. Cette information a entraîné la capture et la détention de deux innocents.

[Page 83]

Du 2 août au 23 août 2002, la CIA a soumis Abu Zubaydah à ses techniques d'interrogation renforcée à un rythme approchant 24 heures par jour. Après qu'Abu Zubaydah a été placé en isolement total pendant 47 jours, la phase la plus agressive de l'interrogatoire a débuté aux alentours de 11h50 le 4 aôut 2002.

[Page 40]

La "phase agressive de l'interrogatoire" s'est poursuivie jusqu'au 23 août 2002. Sur cette période, Abu Zubaydah a passé un total de 266 heures (11 jours, 2 heures) dans une grande (de la taille d'un cercueil) boîte d'enfermement et 29 heures dans une petite boîte d'enfermement, d'une largeur de 50 centimètres, une profondeur de 80 centimètres et une hauteur de 80 centimètres.

[Page 42]

Parfois, des détenus de COBALT étaient trimballés nus ou restreints avec leurs mains au dessus de leurs têtes pendant une période étendue. D'autres fois, des détenus de COBALT ont été soumis à ce qui a été décrit comme "une descente à la dure" ("rough takedown"), pendant laquelle cinq officiers de la CIA criaient sur un détenu, le trainait hors de sa cellule, coupaient ses vêtements et l'attachaient avec de l'adhésif. Le détenu était alors encapuchonné et traîné le long d'un corridor pendant qu'il se faisait gifler et frapper.

[Page 4 du résumé]

Selon les archives de la CIA, Abu Ja'far al-Iraqi a été soumis à de la nudité, des manipulations de son régime, des gifles humiliantes, des gilfes à l'abdomen, des prises au collet, des prises au visage, du "walling", des positions stressantes, et des douches d'eau froide pendant 18 minutes. Il a été maintenu debout pendant 54 heures parmi les sévices de privation de sommeil et a ressenti ses jambes enfler nécessitant la prise d'anticoagulants et des bandes de contention. Il a été assis et sa privation de sommeil étendue à 78 heures. Une fois l'enflement résorbé, il lui a été administré davantage d'anticoagulants et il a replacé en position debout. La privation de sommeil a été étendue à 102 heures. Après quatre heures de sommeil, Abu Ja'far al-Iraqi a été soumis à 52 heures additionnelles de privation de sommeil, après quoi le quartier général de la CIA a informé ses interrogateurs que huit heures était la plage de repos minimale entre des sessions de privations de sommmeil excédant 48 heures...

[Page 149]

[...] Arsala Khan, qui a souffert de perturbantes hallucinations après 56 heures de privation de sommeil en position debout, après quoi la CIA a estimé qu'il "ne semblait pas être le sujet impliqué [...] dans des plans ou des activités visant les biens et le personnel des Etats-Unis"...

[Page 16]

Le plan d'interrogation de la CIA incluait "l'isolement dans l'obscurité totale; l'appauvrissement de la qualité de sa nourriture; le maintien dans une température inconfortable (froide); [jouer de la musique] 24 heures par jour; le maintenir restreint et encapuchonné". Egalement, al-Najjar a été décrit comme ayant été suspendu - ce qui implique qu'une ou deux de ses mains ont été menottées à une barre au-dessus de sa tête avec l'impossibilité de baisser les bras- pendant 22 heures chaque jour deux jours d'affilée, de manière à "casser" sa résistance. Il fut également noté que al-Najjar portait une couche et ne pouvait pas avoir accès aux toilettes.

[Page 53]

Parmi d'autres sévices, XXX s'est adonné à la "roulette russe" avec un détenu".

[Page 424]

Sur 119 détenus connus, au moins 26 l'ont été à tort et ne ne rentraient pas dans les critères de rétention spécifiés dans le Memorandum de notification (MON) de septembre 2001. Ceci incluait un homme "déficient intellectuellement" dont la détention par la CIA a été utilisée avec pour seul but d'obtenir des informations d'un membre de sa famille. [...] Des détenus sont souvent restés en détention pendant des mois après que la CIA a estimé qu'ils ne correspondaient pas aux standards de MON. Les archives de la CIA fournissent des informations insuffisantes pour justifier le maintien en détention de beaucoup d'autres détenus".

[Page 12 of summary]

[...] Ceci inclut Abu Hudhaifa, qui a été soumis à des bains d'eau glacée et à 66 heures de privation de sommeil avant d'être relâché parce que la CIA a découvert qu'il n'était pas la personne qu'elle pensait qu'il était.

[Page 42]

8 août 2002: "La première session du jour ... a eu un effet profond sur les membres de l'équipe présents... il semble que l'avis général soit que l'on n'aille pas plus loin... tout le monde à l'air fort pour le moment mais si ce groupe doit se poursuivre... nous ne pouvons garantir jusqu'à quand...

8 août 2002: "Plusieurs membres de l'équipe ont été profondément affligés... certains au point de tomber en larmes et de la nausée.

[Page 44]

Ce texte, signé Nick Wing, Ashley Alman, Mollie Reilly et Paige Lavender et publié à l’origine sur Le Huffington Post (Etats-Unis), a été traduit de l’anglais par Geoffroy Clavel

INOLTRE SU HUFFPOST

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.