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Une autre espèce en péril menacée par le développement d'un port sur le Saint-Laurent (VIDÉO)

Une espèce en péril menacée par le développement du port de Montréal (VIDÉO)

Exclusif - Le Port de Montréal prévoit commencer d'ici trois ans la construction d'un nouveau grand terminal pour navires marchands à Contrecoeur, en Montérégie. À terme, le site d'accueil des conteneurs dépassera même la taille de celui de Montréal. Mais la présence d'un poisson unique au monde, en voie de disparition, pourrait compliquer les choses.

Un texte de Thomas Gerbet

« Les navires vont arriver les uns après les autres au cours d'une même semaine », lance Daniel Dagenais, le vice-président aux opérations du Port de Montréal, en balayant avec son doigt les centaines d'hectares de terres agricoles qu'il souhaite développer entre les rives du fleuve et l'Autoroute 30. Jusqu'à 150, voire même 200 porte-conteneurs s'ajouteraient chaque année dans la voie maritime.

Selon ses prévisions, le site accueillera dès 2021 deux nouveaux quais de 350 mètres chacun, ainsi qu'une aire d'entreposage, des bureaux, une voie ferroviaire de triage et quatre grues pour décharger les navires. Une deuxième phase d'expansion est prévue par la suite avec encore d'autres quais pour accueillir encore plus de navires porte-conteneurs.

« À Montréal, on arrive à un point de saturation », explique Daniel Dagenais. Dans quelques années, l'espace disponible pour accueillir les cargos ne sera plus suffisant pour soutenir l'augmentation des échanges commerciaux [surtout avec l'accord de libre-échange Canada-Union européenne]. D'où la volonté d'utiliser les quatre kilomètres de rives que l'administration portuaire possède à Contrecoeur [voir carte intéractive].

Une espèce en voie de disparition

Pour construire les nouveaux quais, il va falloir draguer et remblayer de l'espace sur le fleuve. Des rives naturelles et des herbiers vont disparaître. « Il va y avoir destruction de l'habitat du poisson », reconnaît Daniel Dagenais.

Le poisson dont il parle, c'est le chevalier cuivré, le seul vertébré 100 % québécois. Il n'existe nulle part ailleurs dans le monde. Comme le béluga depuis peu, il est classé espèce « en voie de disparition » par le gouvernement fédéral. Il ne resterait que quelques centaines d'individus entre Valleyfield et Sorel, 2 000 tout au plus.

« C'est son secteur d'alimentation », explique la biologiste Sophie Lemire, directrice du comité ZIP des Seigneuries. « Il se nourrit de mollusques dans les herbiers, surtout dans le corridor fluvial ». Elle mentionne par ailleurs les risques liés à l'augmentation de l'achalandage des navires : « ça va entraîner plus d'érosion, plus de matières en suspension. [...] Le poisson a besoin d'eaux plus calmes pour se nourrir ».

« Il y a déjà beaucoup d'herbiers qui ont disparu. S'il y a d'autres herbiers qui sont détruits, ça peut affecter le chevalier cuivré. Comme il est déjà menacé, ce serait important que dans son aire, il ait de quoi s'alimenter. [...] Il ne faudrait pas se retrouver ensuite avec une espèce disparue »

— Sophie Lemire, biologiste

Le port de Montréal affirme qu'aucun chevalier cuivré n'est présent dans le secteur du développement portuaire. « Il n'y a en a pas à Contrecoeur », écrit la porte-parole du Port de Montréal, Sophie Roux, dans un courriel, en se référant aux études préliminaires menées par le Port. Cependant, plusieurs experts du chevalier cuivré que nous avons consulté remettent en doute cette affirmation.

Des cartes produites par la province placent l'habitat d'alimentation du chevalier cuivré à l'endroit même où seront construits les quais et des poissons ont été localisés à la hauteur de la ville, quelques kilomètres en aval. Avant d'aller de l'avant avec le début de la construction des installations portuaires en 2018, le Port de Montréal devra obtenir une série d'autorisations environnementales des deux paliers de gouvernements.

La tâche ne sera pas facile. La loi fédérale sur les espèces en péril interdit, notamment, de « nuire » au poisson. Par ailleurs, le Comité sur la situation des espèces en péril du Canada considère comme « causes réelles de menace » contre le chevalier cuivré le « trafic commercial maritime accru » et « le développement des infrastructures du port dans le Saint-Laurent ».

Un programme gouvernemental de rétablissement du chevalier cuivré vise l'ajout de 4 000 poissons adultes, élevé en laboratoire, d'ici 20 ans. Cependant, pour qu'ils puissent s'alimenter correctement, il leur faudrait 260 kilomètres carrés d'herbiers. Il n'y en a actuellement qu'entre 25 et 30 kilomètres carrés.

1 000 emplois à long terme

Le Port de Montréal a tenu une rencontre publique il y a quelques jours à Contrecoeur. Il a promis 460 emplois par années durant la phase de construction et 1 000 emplois à long terme, lors de l'exploitation.

« Les citoyens s'attendant à ce développement depuis des années, et là : ça s'en vient, ça s'en vient à grands pas », se réjouit la mairesse de Contrecoeur, Suzanne Dansereau. « Le port qui va fonctionner ici 12 mois par année, je pense qu'il va attirer d'autres industries qui vont créer beaucoup de richesse pour Contrecoeur. »

La mairesse pense qu'à terme, sa population pourrait passer de 7 000 à 10 000 résidents. Elle anticipe aussi de bonnes nouvelles pour les habitants de Montréal : « ça va enlever de la congestion sur Notre-Dame ».

Le port en chiffres

Le terminal de Montréal reçoit et achemine déjà 1,3 million de conteneurs sur une capacité maximale de 1,7. « On pourrait étirer jusqu'à deux millions, mais pas plus » explique le vice-président. À Contrecoeur, la capacité sera de 1,15 million de conteneurs dès la première phase et jusqu'à 3,5 au final. À lui tout seul, le site de Contrecoeur serait alors le deuxième port à conteneurs du Canada après Vancouver. Avec Montréal, les deux sites portuaires seraient aussi importants que New York.

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