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«La politique n'est pas un jeu d'enfants»: victimes collatérales du pouvoir (PHOTOS)

«La politique n'est pas un jeu d'enfants»: victimes collatérales du pouvoir (PHOTOS)
Courtoisie Télé-Québec

Les enfants de politiciens doivent-ils subir les conséquences des choix de carrière de leurs parents? Deviennent-ils malgré eux des personnalités publiques, susceptibles d’être constamment sous la loupe des journalistes et du public, ou de faire les frais des décisions controversées de leurs parents?

Il existe probablement autant de réponses possibles à ces questions qu’il existe, justement, d’enfants de politiciens, chacun devant composer avec sa propre réalité. La réalisatrice Karina Marceau en a interrogé quelques-uns pour les besoins de son documentaire La politique n’est pas un jeu d’enfants, que Télé-Québec diffuse ce soir, à 21h. Un portrait pas rose du tout des aléas d’un métier d’emblée très difficile, qui rejaillissent inévitablement sur l’entourage de ceux qui le pratiquent.

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Amélie et Alexis Duceppe

«La politique n'est pas un jeu d'enfants»

Violence et insultes

La politique n’est pas un jeu d’enfants nous plonge dans diverses réalités. Martine Forand, conjointe de Bernard Drainville épluche les journaux le matin afin de pouvoir enlever les pages où il est question de son mari, les articles aux titres ravageurs et les caricatures blessantes, pour éviter que ses enfants ne les voient et commencent leur journée du mauvais pied. Sa fille Rosalie a vécu des moments difficiles en classe lorsqu’un professeur a effectué une véhémente sortie contre la charte des valeurs québécoises, instiguée par Drainville. Ce dernier avoue d’ailleurs à la caméra qu’il avait sous-estimé l’impact que pourraient avoir ses choix professionnels et ses décisions gouvernementales sur sa progéniture.

Catherine Clark, fille de Joe Clark, a déjà été retirée de l’école parce qu’elle s’y faisait trop intimider mais, en revanche, se liait d’amitié avec ses gardes du corps. Pendant la guerre du Golfe, ses camarades accusaient son père d’être un tueur. Félix, le fils de Roméo Saganash, député d’Abitibi et porte-parole adjoint en matière d’affaires intergouvernementales autochtones, s’est fait battre sans ménagement lorsqu’il était petit et a reçu quantité de quolibets racistes, à l’instar de ses deux sœurs. Alexis Duceppe, lui, a énormément souffert de voir son père, Gilles Duceppe, être ridiculisé suite à la publication des photos de sa visite d’une fromagerie, avec son bonnet blanc sur la tête, pendant la campagne électorale fédérale de 1997. Il entendait parler partout de «l’incident», se faisait sans cesse taquiner et, encore aujourd’hui, ce souvenir demeure très marquant pour lui.

En 1991, Caroline Mulroney, fille de Brian Mulroney, avait été l’objet d’un concours dans le magazine satirique Frank, qui invitait les lecteurs à la «dépuceler», ce qui avait mis le premier ministre d’alors dans tous ses états. Mulroney avait d’ailleurs avoué, à cette époque, qu’il aurait voulu s’en prendre physiquement aux plaisantins qui avaient ainsi attaqué sa fille.

Sylvie Payette se faisait interdire l’entrée chez certains de ses amis lorsque la crise des «Yvette», que sa mère, Lise Payette, a dû gérer, a éclaté. L’auteure de Chambres en ville évoque d’ailleurs la solitude avec laquelle doivent composer les enfants des hommes et des femmes de pouvoir.

«Le politicien est entouré d’un cabinet où il y a un attaché de presse, un responsable des communications, un chef de cabinet. Le jeune, lui, est tout seul, s’en va à l’école, alors qu’une bombe est sortie le matin dans le journal. Lui, il affronte la rue, et le ministre est en voiture, il a son chauffeur…», plaide-t-elle, en insistant sur le fait qu’une formation devrait être offerte aux proches des représentants de l’Assemblée nationale, pour les aider à vivre avec cette pression.

Il est aussi évidemment question de Lysanne Messier-Bellemarre, fille de Marc Bellemare, dont l’occupation de danseuse dans des cabarets de Québec avait placé son paternel, alors ministre de la Justice, dans l’embarras. On traite également des démêlés du député libéral Robert Dutil avec la presse, mais surtout avec les partis politiques adverses, qui ont découlé du déménagement des siens à la Cité écologique de Ham-Nord. Karen Veilleux-Dutil, sa fille, avoue sans détour qu’elle n’a pas vu son père depuis 2008, ce dernier ayant coupé les ponts afin de ne pas nuire à ses activités publiques.

Point de vue d’Infoman

Les exemples du genre abondent tout au long de La politique n’est pas un jeu d’enfants. Le document occulte en grande partie les avantages dont peuvent bénéficier les marmailles de politiciens pour se concentrer sur leurs misères.

Par contre, il offre aussi le point de vue de ceux qui croient que cette réalité est hélas incontournable pour les élus, de la bouche, notamment, de l’analyste politique Daniel Lessard et de Jean-René Dufort. L’Infoman n’y va d’ailleurs pas de main morte à ce sujet. Jamais il ne se repentira d’avoir brandi en ondes un texte publié sur Facebook par Catherine Marois-Blanchet, fille de Pauline Marois, bourré de jurons et de fautes d’orthographe, dans lequel la jeune femme clamait en avoir assez qu’on compare son domicile familial au château de Moulinsart, dans Tintin.

«Catherine est la fille de Pauline, souligne Jean-René. Ce n’est pas n’importe qui. Quand tu es estampé personnage public, que tu sois élu ou pas, que tu le veuilles ou non, ta famille va aussi devenir publique. Parce que tu deviens un centre d’intérêts, un panier à potins…»

L’animateur raconte aussi recevoir régulièrement des appels et des courriels de différents partis, fébriles de dénoncer les frasques et «mauvais coups» des enfants des formations concurrentes.

«Il n’y a pas plus cruel pour l’enfant d’un politicien que le politicien adverse», croit-il.

En rencontre de presse, la semaine dernière, Karina Marceau s’est défendue de vouloir faire porter le blâme de ces situations malheureuses uniquement aux médias ou à la société, parlant plutôt d’un «éventail complet» de coupables et de responsables, incluant les parents. Sa recherchiste, Sophie Bélanger, et elle ont contacté plusieurs familles de politiciens pour leur demander de témoigner dans La politique n’est pas un jeu d’enfants, mais ont essuyé de multiples refus, la plupart des gens ayant grandi dans cet univers ne désirant pas s’ouvrir à ce propos ou souhaitant simplement s’éloigner le plus possible de cette sphère exigeante. Semble-t-il que de nombreux clans se sont brisés après le passage d’un des parents en politique, et que plusieurs enfants ne sont plus en contact avec leurs géniteurs.

«Ça nous faisait réaliser qu’on mettait le doigt sur une corde sensible», a décrété Sophie Bélanger. Par exemple, Justin Trudeau a refusé de prendre part à La politique n’est pas un jeu d’enfants pour mieux pouvoir se distancier de l’image, encore très forte dans la mémoire collective, de son père, Pierre Elliott Trudeau.

La politique n’est pas un jeu d’enfants, ce lundi, 8 décembre, à 21h, à Télé-Québec. En rediffusion le mardi 9 décembre à 13h30 et le mercredi 10 décembre à minuit.

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