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La mère d'un jeune Noir non armé tué par la police à New York: «On ne peut plus continuer à enterrer nos fils»

La mère d'un jeune Noir non armé tué par la police à New York: «On ne peut plus continuer à enterrer nos fils»
AFP

Avant les émeutes, lundi soir, lors d’un vaste rassemblement organisé sur Union Square à Manhattan dans l’attente du verdict dans l’affaire Michael Brown, cet adolescent tué par un policier à Ferguson, dans le Missouri, Constance Malcolm portait une pancarte montrant les visages de tous les Noirs abattus par la police new-yorkaise.

Eric Garner. Amadou Diallo. Sean Bell. Akai Gurley...

«Je peux la prendre en photo?», lui a demandé un manifestant. «Bien sûr», a répondu Constance. Une fois la photo prise, elle a montré l’un des visages. «Celui-là, c’est mon fils.»

«Je ne pouvais pas ne pas venir», a-t-elle expliqué au Huffington Post. Il y a un peu plus de deux ans et demi, les jurés d’un tribunal du Bronx ont condamné un policier, Richard Haste, qui avait mortellement blessé Ramarley Graham, le fils de Constance, alors que celui-ci n’était pas armé. Haste avait fait irruption chez eux en 2012 sans mandat de perquisition.

Cette condamnation a ensuite été annulée pour vice de procédure. Un deuxième jury a décidé de ne pas condamner le policier. Depuis, Constance explique qu’elle n’a eu de cesse de réclamer justice pour son fils, mort à dix-huit ans. Elle ne se fait pas d’illusions sur le verdict de Ferguson. «Ça n’aura probablement aucun sens», a-t-elle expliqué.

Un quart d’heure environ avant l’annonce du verdict, Constance Malcolm s’est mise au centre de la foule agitée, et elle a pris un porte-voix.

«Si c’était nous, on serait aussitôt condamnés, avant même d’arriver au commissariat. Quand un flic peut défoncer votre porte et vous assassiner, dans quel pays on vit? (...) Celui qui a tué mon fils a d’abord été condamné, mais maintenant j’en suis toujours au même point. On ne peut plus continuer à enterrer nos fils. En tant que mères, c’est insupportable. »

Quelques minutes plus tard, Mme Malcolm a ajouté: «Ce qu’ils ont vécu à Ferguson, on va leur montrer ici, à New York!»

Et puis les slogans ont fusé –«Pas de paix sans justice!»– tandis que plus de 1000 manifestants se dispersaient, renversant au passage une barrière de police.

Ils ont défilé sur la 5e avenue, et dépassé la 8e rue. Les habitants passaient la tête par la fenêtre de leurs immeubles en pierre de taille, et les serveurs des grands restaurants sortaient les regarder passer sur le trottoir.

Un important dispositif policier avait été mis en place. Quand on lui a demandé si la police autoriserait cette manifestation, un haut responsable a souri et s’est contenté de dire: «Tant qu’il n’y aura pas de débordements.»

Dans l’ensemble, il n’y en pas eu, excepté quelques échauffourées. Quand un motard de la police a poussé un manifestant qui refusait de reculer, plusieurs personnes se sont précipitées pour frapper le policier avec leur pancarte. Ses collègues les ont repoussés et la marche s’est poursuivie.

A la hauteur de la 6e avenue et de la 23e rue, on a entendu des «La vie d’un Noir ne vaut pas moins que celle d’un autre!» et des «Inculpation. Condamnation. S’il ne va pas en prison, c’est que le système n’est pas bon!»

Sur la 7e avenue, la circulation a été totalement interrompue tandis que les manifestants se faufilaient entre les voitures, les taxis et les bus. Quand un chauffeur de taxi a klaxonné en signe de soutien, la foule l’a acclamé.

«Tous avec nous pour Michael Brown! On est jeunes! C’est pas fini, on marchera toute la nuit!» Devant l’immeuble de la police fluviale et devant Madison Square Garden, des touristes interloqués prenaient des photos avec leurs mobiles.

Mme Malcolm était toujours dans le défilé. Le nouveau député à l’assemblée de l’Etat de New York, Charles Barron, était à ses côtés. Samedi, Barron était à la tête d’un cortège organisé à Brooklyn, où Akai Gurley, 28 ans – un autre Noir qui n’était pas armé – a été tué la semaine dernière dans une cité par un policier. «Il s’agit d’un crime», a déclaré le député. «Ce policier devrait être inculpé, jugé et, à mon avis, condamné et emprisonné pour avoir tué un innocent.»

Barron marchait en silence, la main posée sur l’épaule de Mme Malcolm. Celle-ci avait du mal à s’empêcher de sourire.

Ramarley Graham's mother wit Charles Barron

A photo posted by @letsgomathias on

«Nous sommes Noirs, et ils pensent que nos vies n’ont pas d’importance mais nous sommes en train de leur montrer qu’elles en ont», a-t-elle déclaré au Huffington Post en arrivant près des néons de Times Square. «Il y a beaucoup de jeunes Noirs ici ce soir, et c’est très important. Ca montre que nous avons aussi une voix. Nous sommes tristes de voir qu’il n’a pas été condamné mais nous avons montré que nous sommes nombreux, que rien ne peut nous diviser, et que nous ne baisserons jamais les bras.»

En février, cela fera trois ans que Ramarley Graham a été abattu. Des policiers l’avaient suivi parce qu’ils pensaient qu’il était armé. Après l’avoir laissé entrer chez lui, ils avaient mis près de cinq minutes à pénétrer par l’arrière du bâtiment – sans mandat de perquisition –, monter les escaliers et enfoncer la porte de son appartement.

Après être entré, M. Haste s’était précipité dans la salle de bains et avait tiré une balle dans la poitrine de Graham, devant la grand-mère et le petit frère (âgé de six ans) du jeune homme.

Les policiers n’avaient trouvé aucune arme sur Graham, ni dans l’appartement. Il n’en avait pas. Les autorités ont dit qu’il était en train de vider un sachet de marijuana dans les toilettes quelques instants avant sa mort.

Haste a été condamné en juin 2012, mais un juge a invalidé cette décision un an plus tard et l’affaire a été classée. Cependant, en septembre dernier, le procureur fédéral Preet Bharara a rencontré Mme Malcolm et le père de Ramarley, Frank Graham. Il leur a dit que le ministère de la Justice avait ordonné une nouvelle enquête afin de déterminer les circonstances de la mort de leur fils et d’engager des poursuites éventuelles contre M. Haste.

«Je n’attends que ça», a indiqué Mme Malcolm. «Si la famille de Michael Brown en fait de même, ils finiront peut-être par obtenir la condamnation du policier qui a tué leur fils.»

Quand on lui a demandé lundi soir ce qu’elle leur dirait si elle en avait l’occasion, Mme Malcolm a répondu: «Vous allez traverser des moments difficiles.»

Ce blog, publié à l’origine sur Le Huffington Post Etats-Unis, a été traduit de l’américain par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.

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