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« Le cortège des épileptiques » de Matthieu Carlier: la contemplation de la dérive des hommes (ENTREVUE)

« Le cortège des épileptiques » de Matthieu Carlier (ENTREVUE)
Courtoisie

Apôtre autoproclamé de Jack Kerouac, Matthieu Carlier a passé quatre ans à bourlinguer à travers le monde, avant de terminer et de publier son premier roman, Le cortège des épileptiques, des éditions Daphnis et Chloé. Une histoire d’errance où l’on suit Victor et Girodet, un jeune homme et son mentor qui fuient la ville après un cataclysme, dans l’espoir de rejoindre un lac, une prostituée et une source de repos.

Après des études en lettres modernes, Carlier a voyagé à travers l’Europe, les États-Unis et l’Amérique centrale. Tout au long de sa traversée, et durant les trois années suivantes, alors qu’il étudiait en journalisme et qu’il faisait ses premiers pas au Parisien, au Huffington Post France et au Huffington Post Québec, le journaliste de 28 ans portait son projet de roman.

«J’ai débuté l’écriture en 2007, alors que beaucoup de choses changeaient dans ma vie. Je venais de me séparer de ma copine, je vivais un mal-être général à Paris et je ne me sentais pas à ma place. J’étais en pleine phase transitoire, avec l’envie d’aller vers quelque chose de meilleur. Le roman a été une catharsis pour moi. Quand je voyageais, mon carnet m’accompagnait en permanence. J’avais besoin de transformer une réalité qui ne me semblait pas assez excitante ou colorée.»

Ses personnages, Victor et Girodet, se dévoilent une pensée à la fois, dans leurs souvenirs et leurs convictions, en se laissant errer dans la forêt, un peu à la manière du roman Sur la route. «Kerouac, c’est ma bible. Au début, j’essayais de le copier, de faire des phrases courtes comme les siennes et de créer un style largement basé sur la rythmique. Mais mon histoire perdait de son âme en voulant trop copier son style de l’anglais au français.»

Les amateurs de théâtre y verront un lien de parenté avec En attendant Godot, la pièce de Samuel Becket où deux hommes se captivent pour le temps qui passe, sans qu’une pluie de péripéties ne viennent ponctuer le récit.

«J’ai voulu donner une empreinte contemplative au roman et émettre davantage des idées que de mettre en place des actions. J’avais envie de porter le regard des lecteurs vers la réflexion. Le texte est surtout basé sur l’observation et l’assimilation des événements que sur le cours des événements lui-même.»

À travers les pages de ce conte post-apocalyptique au rythme lent, l’auteur évoque – de loin – une ville qui fut mise à feu et à sang, où les décibels étaient devenus intolérables, où la petite vérole avait ressurgi et où les rêves d’avenir n’étaient plus d’actualité.

Se disant d’un naturel pessimiste, Carlier y présente une humanité qui a couru à sa perte. « Déjà aujourd’hui, on est dans une phase où les jeunes n’ont plus l’énergie pour combattre. Comme s’ils étaient des surhommes avec les capacités d’aller très loin, mais sans les moyens, l’énergie ou l’envie. Avec le temps, cet état crée un sentiment d’impuissance et l’impression qu’on n’a plus rien à apporter à la société. Dans ce contexte, en dernier recours, on pense à soi, on devient absolument nihiliste et cynique.»

Bribe par bribe, il dévoile la nature du cataclysme. Des « événements » durant lesquels certains citoyens se sont investis, alors que d’autres regardaient sans bouger. Un récit où les jeunes générations n’avaient plus d’intérêt pour des valeurs comme la démocratie. À l’image de ce qu’a observé Matthieu Carlier en France.

«Les principaux syndicats sont en chute libre et l’écrasante majorité des jeunes travailleurs ne voient pas pourquoi ils se syndiqueraient. La France est un pays de révolutions, de révoltes et de mouvements sociaux, mais en très peu de temps, j’ai vu mon pays évoluer dans l’autre sens.»

«Le cynisme est tellement présent qu’on ne voit plus de jeunes leaders prêts à donner de leur énergie et de leur temps pour faire changer la société. La jeunesse des partis conservateurs de droite s’exprime, mais on ne voit plus autant de jeunes de gauche révolutionnaires. Peut-être parce que ce n’est plus à la mode ou qu’on n’y croit plus…»

Le cortège des épileptiques est présentement disponible au Québec et en Europe. Matthieu Carlier offrira une séance de dédicaces le jeudi 22 janvier à la librairie de Verdun.

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