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Prix Goncourt 2014 : pourquoi David Foenkinos n'est pas apprécié par une partie de la critique?

Prix Goncourt 2014 : pourquoi David Foenkinos n'est pas apprécié par une partie de la critique?
AFP

"L'Amélie Poulain de Gallimard" et sa littérature "Caprice des Dieux" récompensées par le plus grand prix littéraire français? David Foenkinos était, avec son dernier roman Charlotte, un des grands favoris du Goncourt 2014 dont le verdict surprise a été rendu ce mercredi 5 novembre. Finalement, il devra se contenter du Renaudot. Il faut dire que l'auteur a rarement fait l'unanimité au sein de la critique littéraire.

Cette année, David Foenkinos rend hommage en vers libres à la jeune artiste Charlotte Salomon assassinée à Auschwitz en 1943. Cet effort a été accueilli par les observateurs avec plus de ferveur que certains de ses livres précédents.

Vingt critiques littéraires interrogés par Livres Hebdo, avaient donné l'auteur de La Délicatesse, énorme best-seller qu'il a lui même porté à l'écran, gagnant du Goncourt. Un plébiscite qui a réveillé quelques plumes acerbes. "Le Goncourt pour Foenkinos sonnerait un peu comme le Nobel d’économie attribué à Bernard Madoff", signait Elisabeth Philippe, journaliste aux Inrockuptibles.

Une diatribe qui fait écho aux reproches essuyés par Foenkinos lors de la sortie des Souvenirs (2011) ou de Je vais mieux (2013) et qui pose les questions suivantes. Pourquoi David Foenkinos a-t-il été la tête de turc d'une partie de la critique et pourquoi l'est-il encore?

Parce que c'est une question de contenu

"Drôle", "jubilatoire": les premiers mots qui caractérisent l'œuvre de David Foenkinos sont d'abord positifs. Le triptyque Inversion de l'idiotie: de l'influence de deux Polonais, Le Potentiel érotique de ma femme et Qui se souvient de David Foenkinos?, le situe même dans la prometteuse catégorie des écrivains au style "loufoque" et "tendre" qui ne vendent pas des milliers de livres mais laissent une bonne impression à leurs lecteurs.

Décrit comme un observateur méticuleux des comportements humains et notamment amoureux, Foenkinos connaît en 2009 un succès retentissant avec La Délicatesse, blockbuster qui propulse son auteur dans le sérail des stars littéraires locales au même rang qu'Amélie Nothomb ou Grégoire Delacourt. Problème, c'est après cette consécration que le vent de la critique commence à tourner.

Parangon des remarques assassines, Éric Chevillard, journaliste au Monde des Livres compare en 2011 Les Souvenirs à de la "littérature pavillonnaire". Dans ce roman "inutile", "le lecteur vient vérifier que tout est conforme, que le réel est vrai (...)".

Même son de cloche du côté de Télérama où Nathalie Crom parle d'une "aimable superficialité" que l'auteur nourrit en refusant de "s'enfoncer dans les abîmes de la fragile condition humaine". Depuis La Délicatesse, Foenkinos jouerait un peu trop la sécurité au point de livrer des "banalités" sur des sujets "inutiles".

Parce que c'est une question de style

Autre reproche souvent formulé, le style de l'auteur. Là aussi, les adjectifs ont changé depuis 2011 et il est volontiers décrit comme "plat" et "indigent". Sous le feu des projecteurs, les aphorismes dont David Foenkinos est friand, au point de risquer la noyade dans ce procédé qualifié de "lourdaud".

Parmi les ratages stylistiques énoncés lors de la sortie de Je vais mieux, cette phrase, "L'écart d'âge est la seule distance impossible à modifier entre deux personnes", arrache quelques rires moqueurs sur le plateau de Laurent Ruquier:

L'ancien étudiant en lettres à la Sorbonne n'a pas le profil de l'écrivain flamboyant et irrévérencieux. Il admire l'œuvre d'Albert Cohen, auteur de Belle du Seigneur , John Lennon ou même Woody Allen dont on peut retrouver certains traits quand il se met en scène de manière ironique en écrivain raté cherchant une idée pour écrire un nouveau roman.

Des goûts consensuels qui lui ont valu parfois quelques piques. Celle de Yann Moix qui l'accuse de "faire carrière dans les lettres comme on fait carrière dans l’administration" est l'une des plus virulentes. "Foenkinos pense bien mais il pense ce que tout le monde pense, tout ce que tout le monde a pensé avant lui, tout ce que tout le monde pensera après. (...) C’est-à-dire que la guerre, c’est moins bien que la paix, que la pluie c’est beaucoup moins sympa que le beau temps, et qu’il vaut mieux être en bonne santé qu’avoir un cancer généralisé."

Parce qu'il vend beaucoup de livres

Depuis son ascension au box-office, David Foenkinos se heurte aussi à l'adage qui voudrait que les écrivains les plus vendus sont (souvent) les plus mauvais. En 2011, c'était la "littérature Bisounours" que dénonçait Nelly Kaprièlian, toujours dans les Inrockuptibles: "Foenkinos, c’est le gentil qui a vendu plus de 300.000 exemplaires de son précédent livre. Comprendre: dorénavant, il aura forcément raison."

La Délicatesse et ses 800.000 exemplaires écoulés ont fait naviguer l'écrivain en tête des ventes en poche aux côtés de Guillaume Musso et Marc Lévy, lui dont les sept précédents livres n'avaient connu que des tirages plutôt modestes. En 2011, Le Figaro le classait déjà parmi les cinq plus gros vendeurs de romans. C'est même lui qui adapte au cinéma son propre best-seller, accompagné de son frère Stéphane, directeur de casting et auteur pour Canal+.

Bande-annonce de La Délicatesse avec Audrey Tautou et François Damiens:

Peut-on cependant reprocher à David Foenkinos d'écrire des "page turner", cette expression anglo-saxonne qui qualifie les romans se dévorant d'une traite sans laisser de souvenirs littéraires impérissables. Plus accessibles, ces livres ont en tout cas permis à leur auteur de multiplier les succès en librairie. Succès qui devrait se prolonger avec Charlotte.

Tiré à 160.000 exemplaires, élu Livre préféré des libraires en septembre, Charlotte "est mon plus gros succès en grand format", se réjouissait David Foenkinos dans des propos rapportés par l'AFP. Le roman se retrouvait même au sommet du palmarès des libraires Livres Hebdo/I+C au côté de l'Américain James Salter, avec Et rien d'autre, respectivement pour les romans français et étrangers.

Enjeu

Plébiscité pour ses romans populaires, David Foenkinos ne semble pas avoir souffert du manque de reconnaissance de la presse spécialisée. Il se défendait dans un entretien à l'AFP d'avoir totalement changé de registre avec Charlotte. "Peut-être ai-je attendu d'avoir un certain écho pour publier ce livre. Et d'avoir les armes littéraires pour m'attaquer à un tel sujet."

L'accueil enthousiaste de ce long poème plutôt épargné par la critique, même si quelques détracteurs se sont manifestés, est peut être un signe qu'avec Charlotte, David Foenkinos pourrait bien changer d'image.

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