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Procès Magnotta: le père de l'accusé raconte l'enfance difficile de son fils

Procès Magnotta: le père de l'accusé raconte l'enfance difficile de son fils
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Le père de Luka Rocco Magnotta a commencé à témoigner vendredi au procès de son fils, accusé du meurtre au premier degré de Lin Jun. Il s'agit du premier témoin appelé à la barre par la défense, qui entend démontrer que son l'accusé souffre de schizophrénie paranoïde, que cette maladie est directement liée aux gestes qu'il a commis et qu'il ne peut donc être tenu criminellement responsable d'avoir tué et démembré Lin Jun, le 25 mai 2012.

Un texte de François Messier

Le père de l'accusé, qui ne peut être identifié en raison d'une ordonnance de non-publication, souffre lui-même de schizophrénie, une condition qu'il a découverte au milieu des années 90, après avoir eu des problèmes d'alcool pendant de nombreuses années. Il a expliqué au jury qu'il entendait des voix, qu'il souffrait de dépression et avait même des pensées suicidaires. Encore aujourd'hui, il prend des antidépresseurs et des antipsychotiques.

L'homme qui a aujourd'hui 50 ans a raconté l'enfance difficile de son fils en Ontario. Il a expliqué que sa mère, Anna, n'avait que 16 ans lorsqu'elle est devenue enceinte de lui. Lui-même n'avait que 17 ans. L'affaire n'a jamais plu à la famille de sa mère, furieuse dès le départ de la situation. Le couple finira néanmoins par s'installer dans le sous-sol des parents du père au départ.

Les années suivantes seront marquées par une série de déménagements sur le territoire ontarien. Luka Rocco Magnotta, son frère Conrad et sa soeur Melissa ont longtemps été éduqués à la maison, par leur mère, qui « n'a pas fait un très bon travail », a dit le témoin. L'accusé n'a pas fréquenté l'école avant la sixième ou la septième année, de sorte qu'il était un enfant isolé, n'ayant aucun ami. Il a d'ailleurs été maltraité par des camarades de classe à l'époque.

Pendant une période de son adolescence, le jeune Magnotta vivait uniquement avec sa mère et sa grand-mère maternelle qui, dit-il, le maltraitaient. Sa mère avait également un problème d'alcool important. Plus tard, elle vivra d'ailleurs avec un autre homme, qui maltraitera aussi son fils, en le traitant de « tapette », a ajouté le père de l'accusé.

Le témoin a aussi révélé que Magnotta avait notamment reçu le prénom de Kirk à sa naissance, en l'honneur de l'acteur Kirk Douglas.

L'objectif de la défense

S'adressant au jury à l'ouverture du procès, Me Leclair avait déclaré que l'Ontarien de 32 ans a un long passé psychiatrique, que cela fait d'ailleurs partie de son bagage génétique, puisque son père en souffre aussi, mais que cette maladie a été mal diagnostiquée. Son client, a-t-il aussi dit, entendait parfois la voix d'un dénommé « Manny ». Il doit maintenant convaincre le jury de ses arguments.

Au Canada, seuls 1 % des procès pour meurtre et 3 % des procès pour tentative de meurtre se soldent par un verdict de non-responsabilité criminelle. Les accusés qui sont concernés souffrent d'une psychose et présentent une série de symptômes qui y sont associés : idées délirantes, hallucinations, pensées désorganisées, rappelait cette semaine la psychiatre France Proulx, de l'Institut psychiatrique Philippe-Pinel.

Une personne qui souffre d'une psychose n'est cependant pas automatiquement dédouanée de ses gestes, soulignait Mme Proulx dans le cadre de l'émission Le 15-18. « Il faut faire la démonstration que les symptômes de psychose ont un lien avec les gestes qu'on reproche à l'accusé, que les symptômes étaient suffisamment sévères pour faire en sorte que son jugement était altéré,et que la personne était incapable de faire la différence entre ce qui était bien et ce qui était mal, entre ce qui est légal et non légal ».

La schizophrénie paranoïde, en bref

C'est la plus fréquente des formes de la schizophrénie. Il se caractérise par une méfiance envahissante et des convictions délirantes d'être la cible de persécutions, souvent bizarres (par exemple, être contrôlé à distance par des ondes électromagnétiques), de même que par des hallucinations auditives (entendre des voix) qui donnent des ordres à l'individu ou commentent sans répit ses actions. La perception d'être persécuté et la méfiance que cela engendre entraîne souvent de l'anxiété, de l'irritabilité ou, plus rarement, de la violence dans le but de se défendre ou de se défaire de son ou de ses persécuteurs.

Source : ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec

Depuis le début du procès, le 29 septembre, la Couronne a appelé à la barre 48 témoins afin de prouver que Luke Rocco Magnotta a planifié et prémédité le meurtre de Lin Ju, six mois à l'avance. Elle a notamment démontré qu'un somnifère avait été mis dans une bouteille de vin qui se trouvait chez lui le soir du meurtre, et qu'un homme qui n'a jamais été identifié s'est retrouvé dans la même position que Lin Jun une semaine avant le meurtre. Magnotta s'était approché de lui avec une scie, en filmant la scène.

La Couronne a également présenté un courriel qui a été envoyé au tabloïd Sun de Londres en décembre 2011, deux jours après qu'un de ses journalistes eut confronté Magnotta à des allégations selon lesquelles il aurait filmé des meurtres d'animaux avant de les mettre en ligne. Le journaliste en question, Alex West, a dit être convaincu que l'auteur de ce courriel était Luka Rocco Magnotta, bien que cela n'est pas prouvé.

« Je dois vous dire au revoir pour maintenant, mais ne vous inquiétez pas, dans un avenir proche, vous entendrez encore parler de moi », pouvait-on y lire. « Cette fois, cependant, les victimes ne seront pas de petits animaux. Je vais cependant vous envoyer une copie de la nouvelle vidéo que je vais faire. Vous voyez, tuer est différent de fumer... Vous pouvez arrêter de fumer. Une fois que vous avez tué, et goûté au sang, c'est impossible d'arrêter. L'envie de continuer est trop forte pour arrêter. »

Luka Rocco Magnotta est accusé du meurtre au premier degré de Lin Jun, d'outrage à son cadavre, de production de matériel obscène, d'utilisation de la poste pour le diffuser et de harcèlement envers le premier ministre Stephen Harper et d'autres membres du Parlement. Il a reconnu les faits de la cause dès le début du procès, mais a plaidé non coupable, étant donné la défense que va présenter son avocat.

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