Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le suicide assisté ressurgit en Cour suprême

La Cour suprême se penche sur le suicide assisté
Getty Images

Vingt et un ans après avoir entendu et rejeté la cause de la Britano-Colombienne Sue Rodriguez, la Cour suprême du Canada se penche de nouveau sur le cas du suicide assisté. Un dossier qui continue de diviser les Canadiens d'un océan à l'autre.

Le dossier ressurgit devant la Cour suprême au nom de deux autres femmes de la Colombie-Britannique, dont l'une, Gloria Taylor, est morte il y a deux ans des suites de la SLA, mieux connue sous le nom de maladie de Lou Gehrig. Les deux femmes demandaient le droit d'être assistées par un médecin pour mettre fin à leurs jours alors que le Code criminel prévoit de lourdes peines de prison pour un tel geste.

La Cour doit répondre aux deux questions suivantes :

  • La législation fédérale qui criminalise l'aide médicale à mourir doit-elle être annulée?
  • Les provinces peuvent-elles promulguer des lois autorisant l'aide médicale à mourir?

La Cour suprême du Canada entend aujourd'hui les deux parties et rendra sa décision dans un an.

« Si la Cour suprême a décidé de réentendre la cause, c'est sans doute qu'elle estime qu'il y a une évolution nouvelle qui fait en sorte qu'elle peut se pencher à nouveau sur ce sujet », explique l'ancienne ministre déléguée du Parti québécois Véronique Hivon en entrevue à RDI. « Parce que, effectivement, les faits sont très similaires », poursuit-elle.

Mme Hivon souligne également que la décision rendue en 1993 avait été partagée - 5 juges contre 4 - et que la juge Beverley McLachlin, qui avait rédigé la dissidence des quatre juges minoritaires à l'époque, est maintenant juge en chef de la Cour suprême. Cette situation couplée à l'appui d'une majorité de Canadiens au suicide assisté pourrait ainsi peser dans la balance du côté des défenseurs de la liberté individuelle des Canadiens à se donner la mort.

Le suicide assisté, 20 ans plus tard

Le 30 septembre 1993, les neuf juges de la Cour suprême du Canada décidaient (5 voix contre 4) de maintenir le statu quo face au suicide assisté. C'était toute une défaite pour Sue Rodriguez, cette femme de la Colombie-Britannique atteinte de la SLA. Quelques mois plus tard, elle décidait malgré tout de s'enlever la vie avec l'aide d'un médecin anonyme.

Aujourd'hui, c'est l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique qui mène la bataille devant la Cour suprême. Pour les défenseurs de la cause, la Charte canadienne des droits et libertés prime le Code criminel, qui punit toute assistance au suicide d'une peine pouvant atteindre 14 ans de prison.

Josh Paterson, directeur général de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, estime qu'il est anticonstitutionnel de laisser ces gens souffrir de la sorte à la fin de leur vie. La Constitution, dit-il, garantit à tout le monde la sécurité de la personne. Il s'agit du même argument que celui qui avait été utilisé en 1993 lorsque le cas de Sue Rodriguez avait été porté devant la Cour suprême du Canada.

Vingt ans plus tard, ceux qui militent en faveur du suicide assisté parient sur le fait que la société a changé. D'ailleurs, plusieurs juridictions à travers le monde ont depuis longtemps autorisé le suicide assisté ou l'euthanasie.

L'aide médicale à mourir et la compétence provinciale en santé

Aux côtés de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, qui veut démontrer que la Charte a préséance sur le Code criminel, le Québec, lui, va tenter de démontrer lors de cette audience devant la Cour suprême du Canada que la problématique est plutôt centrée autour de la compétence sur le sujet.

Véronique Hivon, porte-parole de l'opposition officielle en matière de soins de fin de vie, a porté la cause du suicide assisté sous la forme du dossier « Mourir dans la dignité ». Elle estime que toute l'approche québécoise est basée sur la compétence provinciale en matière de santé.

« Contrairement au suicide assisté, dans tous les cas, la personne doit être malade, en fin de vie, et doit être accompagnée dans un contexte médical avec une équipe, explique-t-elle. C'est une approche qui est très différente, avec le suicide assisté comme recours exceptionnel. »

Mais les médecins, eux, refusent majoritairement l'aide médicale à mourir. Marc Beauchamp, chirurgien orthopédiste et président de Vivre dans la dignité, rappelle que seulement un médecin sur quatre serait prêt à participer d'une façon ou d'une autre à l'aide médicale à mourir.

« La grande majorité des médecins ne voudraient pas être impliqués personnellement dans l'administration, dans l'infliction de la mort de leurs patients. » — Marc Beauchamp, président de Vivre dans la dignité

Elaine Shapray, qui vit depuis 40 ans avec la sclérose en plaques, une maladie dégénérative qui l'a terriblement diminuée ces dernières années, espère que la seule journée de mercredi permettra de démontrer que le suicide assisté est devenu une option nécessaire dans la société de 2014. Elle déplore que la société d'aujourd'hui traite mieux ses animaux domestiques que les êtres humains.

« Si vous aviez un chien malade, vous lui feriez une faveur en ne le laissant pas souffrir », soutient-elle.

La réponse des neuf juges de la Cour suprême sera dévoilée l'année prochaine.

Avec la collaboration de Frédéric Arnould

Belgique : le droit à la "demande d'euthanasie"

Fin de vie: ce qu'autorisent les pays européens

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.