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The walking Dead, American Horror Story: comment l'horreur retrouve ses lettres de noblesse grâce aux séries télé

Série, fais-moi peur
Volanthevist via Getty Images

Mercredi 8 octobre, record d'audience pour le premier épisode de Freak Show, la nouvelle saison d'"American Horror Story". Plus de 6 millions de téléspectateurs s'étaient réunis pour assister à l'ouverture du cirque monstrueux de Ryan Murphy sur la chaîne américaine FX. On en attend au moins autant dimanche devant le premier épisode de la saison 5 de "The Walking Dead".

"À la télé, l'horreur est redevenue tendance" affirme Pierre Langlais, spécialiste des séries et journaliste pour Télérama, interrogé par Le HuffPost. "Les gens commencent à s'habituer à voir de l'horreur à la télé, et ils en redemandent" confirme au HuffPostJack Parker, journaliste web spécialiste de l'horreur.

Et il ne s'agit pas seulement d'un succès d'audience. Les critiques aussi saluent ces séries télé qui, l'air de rien, sont en train de redonner ses lettres de noblesse à un genre qu'on avait peut-être un peu trop vite cantonné aux séries B ou au cinéma du samedi soir. "Aux États-Unis, les séries d'horreur passent souvent sur des chaînes câblées, ce qui en fait des œuvres exigeantes et explique sans doute en partie le succès critique" souligne Pierre Langlais.

Quel changement! En filigrane, l'horreur a certes toujours été plus ou moins présente à la télévision. Il y a eu la classe flegmatique d'Alfred Hitchcock et de ses costumes sur mesure dans "Alfred Hitchcok présente", les touches d'horreur fantastique de la "Quatrième dimension", et bien sûr la cultissime série des années 80 "Les contes de la crypte" et ses effets spéciaux douteux.

On n'hésite plus à mettre les mains dans le sang

Mais les jeux de massacre sur petit écran? Voilà bien longtemps qu'ils n'avaient pas eu les faveurs du public et des critiques. À tel point que les chaînes de télévision ne pariaient plus vraiment sur ces poulains-là. "Après le 11 septembre, l'horreur n'est plus fictive, du coup, quand le téléspectateur allume sa télé, il n'a pas envie de baigner dans le sang" avance Jack Parker. Et de poursuivre "les gens demandaient des sitcoms, de la comédie, il y avait à la fois un besoin de réconfort et de sécurité". "C'est pour ça qu'on a été envahi par les super-héros" enrage-t-elle.

Pierre Langlais est plus prudent : "C'est la télé qui a recrée cette tendance, plutôt qu'une tendance qui déborde sur la télé". Barbara Villez, américaine, est professeur à Paris 8, et spécialiste des séries anglo-saxonnes. "Les chaînes de télévision américaines sont beaucoup plus audacieuses que ce que l'on peut imaginer. Ce qu'ils recherchent c'est une bonne idée, après si c'est de l'horreur, pourquoi pas?", précise-t-elle au HuffPost.

Et des bonnes idées, le genre en fourmille. Des trouvailles visuelles ou narratives de Hannibal et Bates Motel, au gore baroque de American Horror Story, les créateurs de contenus horrifiques sont particulièrement prolifiques et inventifs ces derniers temps. À tel point que les stars du grand écran sont désormais prêtes à mettre les mains dans le sang. Il n'y a qu'à voir Penny Dreadful et son casting cinq étoiles, Eva Green et Josh Hartnett en tête.

Les tauliers du cinéma d'horreur eux-même marquent le pas. L'adaptation de Scream en série par Wes Craven est en préparation, et Eli Roth le réalisateur du film Hostel joue désormais avec les codes du genre dans la série Hemlock Grove. Pour Jack Parker, il s'agit là d'un exercice particulièrement intéressant :

"les réalisateurs jouent avec les codes, on leur demande de faire de l'horreur en respectant les règles de la télé. Pour les téléspectateurs qui ne sont pas des fans absolus du genre ça représente une forme de défi. Ils peuvent se dire 'ça y est j'ai regardé de l'horreur ' en sachant que ça n'ira pas non plus trop loin et qu'ils ne seront pas traumatisés [à l'inverse de certains réalisateurs du grand écran, ndlr]. Et puis c'est quand même plus confortable d'avoir peur chez soi".

L'horreur joue avec les codes

D'autant que le glissement a été progressif. "Ce serait naïf de dire qu'il y a eu une série qui est arrivée et qui a dynamité le paysage télévisuel. L'horreur est arrivée à dose homéopathique sur nos écrans" précise Barbara Villez. Elle explique: "Même si c'était de la science fiction, avec" X-files" déjà on commence à voir le monstre. On a clairement pris un tournant avec la mode des vampires. "True Blood" a été important pour montrer du sang à la télé. Et puis les séries policières et leur lot de médecins légistes montrent parfois des choses très violentes".

Les limites de ce que l'on pouvait montrer à la télévision en prime time ont donc évolué petit à petit. Claire Pomares est spécialiste des séries télé chez les Inrocks. Elle constate: "De manière générale, la télévision se fait plus audacieuse. Et de la même manière que l'on peut parler de sexe, de mafia, et développer des séries autour d'antihéros (de Tony Soprano à Walter White), on peut aussi développer des séries vraiment effrayantes et avec un genre très marqué". Pierre Langlais confirme: "avec le succès des séries, il y a une grande attente. La télé, qui compte de plus de chaine, cherche à se diversifier et elle n'hésite plus à piocher dans les séries de genre". Dont l'horreur donc.

Dès lors, le genre doit s'adapter.

"Dans une série, il faut tenir une intrigue pendant bien plus qu'une heure et demie. On ne peut plus se permettre d'avoir des adolescents sans cerveau et sans personnalité qui se font massacrer un par un" s'amuse Jack Parker. "Pour connaître le mot de la fin on est obligé de les suivre pendant douze épisodes ou plus, alors il faut qu'ils aient quelque chose à dire. Pareil pour les méchants, c'est fini le temps où ils n'avaient que quatre apparitions avec un masque, pour finir par avoir leur grand final en forme de bain de sang. Là il faut qu'ils arrivent à rester captivants sur la durée".

"La série d'horreur dit plus de choses sur la société que le film d'horreur" affirme ainsi la chercheuse Barbara Villez. "Le genre horrifique se prend de plus en plus au sérieux" renchérit Pierre Langlais. Quitte à renier ses origines iconoclastes? "Il y a un parti pris à prendre" tranche Jack Parker, "est-ce qu'on se concentre sur l'humain, ou est-ce qu'on se concentre sur l'horreur? Je pense qu'ils ont pris le parti de ne pas se concentrer uniquement sur l'horreur pour justifier leur présence à la télé". Au risque peut-être de décevoir les fans de la première heure. "Hannibal, on se dit 'super, un tueur cannibale à la télé', et en fait on se rend vite compte que dans la série il passe son temps à cuisiner et à parler" s'amuse notre fan d'horreur.

Mais si, justement, la force de ces nouvelles séries c'était de ne pas choisir, et d'arriver à mêler intrigue autour des personnages et scènes d'effroi? "Le talent de ces gens-là c'est d'arriver à créer des personnages forts, auxquels on s'attache puis de les faire crever de manière atroce, non pas au bout d'une heure, mais après cinq saisons", souligne Pierre Langlais. L'horreur est là, finalement.

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