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Comment le running a remplacé le bon vieux jogging

Comment le running a remplacé le bon vieux jogging
joSon via Getty Images

Il y a de fortes chances que vous en croisiez tous les jours, surtout en ville. Sur le bitume comme dans les parcs, des premières lueurs de l'aube à la tombée de la nuit, seuls ou en groupe, les joggeurs sont légion. Enfin, les "runners" sont légion devrait-on plutôt dire pour coller à l'époque.

Car aujourd'hui, le très à la mode "running" est en train de mettre notre bon vieux "jogging" au placard. Il suffit de comparer la fréquence des recherches dans le moteur de Google pour s'en rendre compte. Si les deux mots suivent environ les mêmes progressions depuis le début des années 2000, le mot "running" prend son envol depuis bientôt deux ans et progresse nettement en 2014. Exit le mot "jogging" donc qui est même en train de se faire rattraper par l'expression "course à pied".

L'omniprésence du mot "running" se vérifie aussi quand on veut s'essayer à la course. Du choix de la chaussure aux applications spécialisées, sans parler des événements dédiés de plus en plus nombreux, impossible d'y échapper. Le HuffPost a essayé de comprendre comment le phénomène s'est installé.

Un esprit sain dans un corps sain

Qu'on l'appelle jogging ou running, une chose est sûre, la course à pied à le vent en poupe comme l'a relevé une étude de la Fédération française d'athlétisme parue en avril 2014. L'enquête, réalisée pour comprendre comment les Français pratiquent la course à pied, estime aujourd'hui leur nombre à 8,5 millions (soit 19% de la population) alors qu'ils n'étaient "que" 6 millions en 2000.

Toutefois, il est à noter que seul 11% des Français courent au moins une fois par semaine. Les raisons qui poussent ces Français à lacer leur baskets et à courir sont liées au bien-être, une "valeur" très dans l'air du temps depuis plusieurs années. On court ainsi pour améliorer sa condition physique, être en bonne santé et perdre du poids. "A tous les niveaux on sent que la pratique devient plus régulière. L'authenticité et la simplicité de la discipline séduit énormément", souligne Xavier Rivoire, directeur de la communication externe de Décathlon, qui propose une marque spécialement dédiée au running, Kalenji.

Quand Le HuffPost a demandé à ceux qui courent quelle différence ils font entre le running et le jogging, la réponse est unanime. Dans leur esprit, le jogging est une pratique "du dimanche", occasionnelle, que l'on fait de temps en temps pour éliminer les excès ou prendre l'air. A l'inverse, le running est perçu comme une vraie discipline que l'on pratique régulièrement en se fixant des objectifs: courir plus longtemps ou courir plus vite par exemple. Jean-Pierre Monciaux, ancien athlète de haut niveau et entraîneur en running, confirme la distinction: "Les joggeurs n'ont pas d'objectifs de compétition contrairement aux runners qui aiment se fixer des objectifs et relever des défis".

Or, à l'ère du toujours mieux, pas étonnant que le running prenne le pas sur le jogging. "Le culte de la performance est un modèle qui rejaillit sur tous les comportements, professionnels comme personnels", commente Jean-Claude Boulay, sémiologue des marques. "Le running s'inscrit dans ce culte de la performance où il n'est plus question de se détendre. C'est presque une injonction hygiéniste, intériorisée et consentie, avec pour maître mot le 'mental'. On est dans le dépassement de soi permanent", ajoute-t-il rappelant que cette idée transparaît souvent dans le slogan des marques à l'instar du "Just do it" chez Nike, "Impossible is nothing" d'Adidas ou le "Deviens ce que tu es" de Lacoste.

Du joggeur esseulé à la communauté des runners

Qu'il soit joggeur ou runner, le coureur est en tout cas plutôt solitaire à en croire l'étude de la Fédération. En effet, ils sont 77% à pratiquer en solo. Pourtant, il apparaît qu'une nouvelle distinction s'opère dans l'esprit des coureurs entre le jogging et le running. La deuxième catégorie semble liée à l'idée de communauté.

Le runner aimerait donc courir seul tout en étant en contact avec d'autres pratiquants. Un paradoxe rendu possible notamment grâce aux réseaux sociaux et aux blogs. Le blog "Anne&Dubndidu" et ses déclinaisons sur Facebook ou Instagram font par exemple partie de ces plates-formes ultra-suivies qui parlent aussi bien de l'équipement que des astuces d'entraînement.

Et c'est sans parler des applications. Que ce soit sur l'Apple Store ou sur Google Play, la requête "running" renvoie vers de nombreuses appli dédiées. Calories brûlées, distance parcourue, rythme au kilomètre, le runner a non seulement la possibilité de quantifier précisément sa performance mais aussi de la partager avec ses amis via les réseaux sociaux. Nombreuses sont les marques de sport qui, s'adaptant à la tendance, proposent ainsi leur propre site ou application. Et en profitent pour garder ces clients potentiels dans leur giron en proposant (surtout aux Parisiens) des événements réguliers. Adidas a par exemple créé les "Boost Battle Run", des entraînements par équipe sur neuf mois qui se terminent pas une grande course. De son côté Nike propose deux rendez-vous gratuits par semaine via son "Nike Running Club".

Des dispositifs qui montrent que les gens ont besoin de conseils et d'accompagnement selon Xavier Rivoire de Décathlon. Un besoin que confirme l'entraîneur Jean-Pierre Monciaux: "Les coureurs viennent nous voir parce qu'ils recherchent un entraînement structuré et adapté à leurs objectifs. Ils cherchent les bons conseils".

Autre élément qui participe à la création d'un sentiment d'appartenance à une communauté, les courses. Partout en France, les runners peuvent relever des défis en s'inscrivant à ces événements qui ont commencé à se multiplier dès la fin des années 90 selon Jean-Pierre Monciaux. De plus en plus fréquentes, ces courses sont aussi parfois de plus en plus excentriques: on peut courir dans la boue à la Mud Day, se faire asperger de couleurs pendant la Color Run ou runner de nuit pendant la toute nouvelle Noctambule.

Le running adoubé par la mode

Pour qu'une pratique ou un produit devienne tendance, l'adoubement par le monde de la mode est un sacré coup de pouce. Or c'est justement ce qu'il s'est passé avec le running. Il n'y a qu'à voir le nombre de personnes, hommes comme femmes, qui arborent fièrement des chaussures de courses orange, jaune ou rose fluo associées avec une tenue plus classique.

La "running shoes" comme on l'appelle, a d'abord fait ses premiers pas sur les podiums des défilés avant de se retrouver dans les magazines féminins et sur les blogs spécialisés puis dans la rue. "Décathlon ne se positionne pas sur le streetwear mais on se rend compte que nos produits sont parfois utilisés en dehors de l'usage d'origine", explique Xavier Rivoire.

Si le running s'est introduit dans la mode, l'inverse est aussi vrai. Alors que le jogging évoque le survêtement du dimanche un peu difforme, le running est lui souvent synonyme de style. Coupes près du corps, couleurs attirantes, motifs modernes, le coureur peut de plus en plus s'équiper sans ressembler à un sac. Et le tout sans forcément se ruiner. Si les prix peuvent parfois grimper assez haut pour un simple short (c'est le cas par exemple pour la collection Gyakusou de Nike conçu avec le styliste japonais Jun Takahashi), il est aussi possible de s'habiller running à moindres frais notamment grâce à certaines marques de prêt-à-porter comme H&M ou Oysho qui commencent à investir le secteur du sport.

Une baisse des coûts qui ne sacrifie pas forcément la qualité. En tout cas, c'est le pari que fait Décathlon. "Souvent le public lie la qualité et la technicité au prix. Mais grâce à la recherche, les prix sont en baisse et on arrive à séduire du monde", souligne Xavier Rivoire qui prend pour exemple une chaussure conçue avec le champion Stéphane Diagana et proposée à moins de 100 euros.

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