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Référendum en Écosse: à la rencontre des Écossais (Partie 2 - Un risque calculé)

Référendum en Écosse: à la rencontre des Écossais (Partie 2)
Jeffrey Déragon

Unie à l’Angleterre depuis plus de 300 ans, l’Écosse, berceau du whisky et des kilts en tartan, s’apprête à tenir un référendum sur son avenir constitutionnel le 18 septembre prochain. Défense, pensions, monnaie, ressources naturelles, tout a été débattu maintes fois depuis que le premier ministre indépendantiste Alex Salmond et son homologue anglais David Cameron ont lancé la campagne référendaire au mois d’octobre 2012.

Mais qu’en pensent les Écossais? Jeffrey Déragon s'est introduit dans le quotidien de cinq d’entre eux afin de mieux comprendre leurs aspirations, leurs craintes, mais surtout les conséquences qu’aura le référendum sur leur vie.

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«Les oiseaux sont vicieux par ici, frappe-les avec ça», me dit Charles en me tendant d’une main une perche qui lui sert de harpon de fortune. En cette fin de soirée au large de l’île Harris, les plaisanciers habitués aux forts vents qui frappent normalement l’île profitent d’une rare journée ensoleillée à bord de leurs bateaux. Les nombreux quais rattachés aux parcelles de terre qui défilent sous nos yeux témoignent d’un quotidien qui se vit pour plusieurs selon les humeurs de la mer. «La vie ici est maritime, tout le monde a une embarcation et beaucoup vivent des produits de la pêche.», lance Charles qui est lui-même un ancien pêcheur.

Notre zodiac file vers un rocher qui sert de lieu de reproduction aux goélands. Derrière, au fond d’un champ, un drapeau norvégien flotte au vent. «C’est ma maison là-bas», m’indique le marin en tirant de sa ligne à pêche une brochette de maquereaux qu’il s’empresse de dépecer en de minces filets. À bâbord, des traversiers transportent des camions remplis d’essence, de nourriture et de matériaux de construction qui serviront à approvisionner les commerces de Stornoway, la plus grande ville de l’île qui compte 8000 habitants.

«Il y a un risque qu’on soit plus pauvre au début, mais on aurait le contrôle de notre pays et avec le temps je suis convaincu qu’on finirait par devenir encore plus prospère.» - Charles

L’ancien plongeur qui gagnait sa vie à ramasser les pétoncles au fond de l’océan ne se fait pas de fausses idées lorsque vient le temps de se prononcer sur l’avenir d’une Écosse indépendante. «Il y a un risque qu’on soit plus pauvre au début, mais on aurait le contrôle de notre pays et avec le temps je suis convaincu qu’on finirait par devenir encore plus prospère, comme les pays scandinaves. Et puis, j’aime bien l’idée d’installer une frontière au sud. Ça nous permettrait de tirer des bénéfices des passages des Anglais sur nos terres», lance-t-il sur un ton moqueur avant d’avaler un filet de poisson cru.

Son modèle, c’est la Norvège, là où il a grandi avant de revenir à Stornoway pour y trouver du travail. «Je suis certain qu’on pourrait les imiter avec notre pétrole si l’on devenait indépendant et ils [les militants pour le “non”] le savent très bien. Ce n’est pas pour rien qu’ils essaient de nous faire peur en disant que l’utilisation du pétrole sera chose du passé dans les prochaines décennies. La vérité est que le monde n’est pas près de s’en départir.»

Pour lui, l’indépendance est avant tout une question économique. «L’Écosse a une économie basée sur des ressources premières (laine, poisson, pétrole) tandis que l’Angleterre en a une de services. La question est donc de savoir si nous voulons être propriétaires à 100 % de nos ressources ou l’être seulement à 10 %. Quant à moi, l’idée d’être un sur dix ne m’intéresse pas du tout.»

Il ne doute pas non plus de voir une Écosse indépendante adhérer à l’Union européenne au terme d’un processus d’adhésion rapide. «C’est un argument de Westminster qui ne tient pas la route. Ce serait insensé de la part de la communauté européenne de nous garder à l’écart quand nous possédons des ressources dont ils ont besoin, surtout quand il accepte dans la communauté des pays pauvres qui n’ont même pas un accès maritime.»

Dans son entourage, on ne parle pas beaucoup du référendum, une situation que regrette l’ancien pêcheur. «Je n’ai pas ce genre de discussions avec mes enfants et je trouve cela dommage, car je crois que la population n’est pas assez informée sur les enjeux qui sont liés à ce référendum.»

En entrant à la marina de Stornoway, on remarque tout de suite l’enthousiasme que génère le projet d’indépendance au sein de la population de l’île. De grandes pancartes en forme de «Yes» ont été érigées un peu partout dans les rues et plusieurs ont apposé un autocollant du «oui» à la fenêtre de leur chambre ou sur leurs voitures. Dans cette ville où les citoyens ont plus en commun avec les peuples scandinaves qu’avec les Anglais, Londres fait figure de capitale lointaine et étrangère à leur réalité.

Un passage en Écosse

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