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Commission Charbonneau: Tony Accurso affirme avoir donné 250 000 $ pour Jacques Duchesneau

Tony Accurso affirme avoir donné 250 000 $ pour Jacques Duchesneau
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MONTRÉAL - L'entrepreneur Antonio Accurso affirme avoir donné 250 000 $ pour Jacques Duchesneau, l'ancienne vedette de la Coalition avenir Québec, qui a dirigé l'Unité anticollusion, parce qu'il était endetté après sa campagne électorale au municipal.

M. Duchesneau avait fait campagne contre Pierre Bourque à la mairie de Montréal en 1998.

Selon la version que l'entrepreneur en construction a racontée à la Commission Charbonneau, vendredi, il a été approché par un dénommé Richard qui était dans l'entourage de M. Duchesneau. Il lui aurait fait rencontrer M. Duchesneau, endetté après sa défaite électorale.

M. Duchesneau lui aurait souligné que même sa maison était hypothéquée tant il était en difficulté financière après sa campagne électorale.

«C'est monsieur Duchesneau qui m'a demandé. Il dit 'écoute, si tu m'aides, moi je vais me replacer les pieds quelque part et je vais m'en souvenir, je vais te retourner l'ascenseur, je vais m'en souvenir'», a rapporté M. Accurso.

M. Accurso affirme avoir ensuite remis un chèque de 250 000 $ pour M. Duchesneau, mais libellé au nom de la compagnie du Richard en question. Il ne se souvient plus du nom de famille ni du nom de la compagnie, mais il assure que ses dires peuvent être prouvés en retraçant l'hypothèque de la maison de M. Duchesneau.

Plus tard, la commission lui a suggéré le nom de Richard Le Lay, qui était codirecteur de la campagne de financement de M. Duchesneau, et M. Accurso a jugé que cela était possible. «Ça me dit quelque chose.»

Encore amer, il a déploré que M. Duchesneau lui ait plutôt «retourné l'ascenseur vers le bas», en le salissant lorsqu'il a témoigné devant la Commission Charbonneau.

«Quand je l'ai vu assis sur cette chaise et qu'il vous a dit clairement qu'il y avait trois ministres qui avaient séjourné sur mon bateau. Je regardais ça à la télé et la télé a failli sauter. Je n'étais vraiment pas content, parce que c'est des menteries pur et net», s'est exclamé M. Accurso.

La juge France Charbonneau lui a demandé s'il ne cherchait pas à se venger de M. Duchesneau en tenant de tels propos, mais il a assuré qu'il ne mentait pas. «C'est vrai. Je ne mentirais pas», a-t-il martelé.

En entrevue sur les ondes radio du 98,5 FM, M. Duchesneau a pour sa part nié catégoriquement avoir reçu un don de 250 000 $ de la part de M. Accurso. Il s'est dit «en furie» et a soutenu que les allégations de M. Accurso étaient complètement fausses.

Au resto avec Charest

La commission a aussi appris que M. Accurso avait partagé un repas avec l'ancien premier ministre Jean Charest, mais comme il ne se rappelle plus de l'année, il est impossible de savoir quelle fonction le chef libéral occupait à l'époque.

M. Accurso affirme qu'il avait alors été contacté par Marc Bibeau, de l'entreprise Shokbéton, collecteur de fonds pour le Parti libéral, qui partageait le repas avec Jean Charest et l'a invité à se joindre à eux.

Étonnamment, M. Accurso soutient que M. Charest voulait lui parler de la FTQ _ ses amitiés avec des dirigeants de la FTQ étaient connues, selon lui, même à l'époque _ et voulait savoir quel genre de personnage au juste était Henri Massé. M. Massé a été président de la plus grande centrale syndicale de 1998 à 2007.

M. Accurso a également confirmé le rôle actif de Marc Bibeau dans le financement du PLQ auprès des entreprises.

C'est même Marc Bibeau lui-même qui l'a sollicité, en lui attribuant un montant de dons à verser. M. Accurso a ainsi résumé le propos de M. Bibeau à son endroit: «J'aimerais ça que tu me trouves 25 000 $, 30 000 $».

«Il m'a appelé personnellement. J'ai été le rencontrer à son bureau et il m'a demandé ces sommes-là année après année. Durant la conversation, il a dit: 'écoute, on aimerait ça que tu contribues tant'. Et puis nous autres, on faisait des chèques de 3000 $» (la contribution maximale par électeur, à l'époque, en vertu de la loi).

C'est son vice-président aux finances, Charles Caruana, qui «collectait les montants» en allant voir le nombre requis d'employés pour atteindre le montant demandé par M. Bibeau. Puis les employés étaient remboursés _ ce qui contrevient à la loi.

M. Accurso a expliqué que les chèques provenant de ses employés étaient regroupés dans une enveloppe, qui était remise au bureau de M. Bibeau par un de ses messagers. Et l'enveloppe portait le sceau de son entreprise.

Crainte des représailles

Par ailleurs, M. Accurso a soutenu que même lui _ qui était le plus gros entrepreneur en construction du Québec, à une certaine époque _ donnait de l'argent aux partis politiques par crainte des conséquences pour ses affaires s'il ne contribuait pas.

«J'ai peur des représailles qu'un politicien peut me faire si je ne contribue pas», a-t-il dit.

Invité à préciser, il a affirmé qu'«ils peuvent facilement prendre un dossier et le 'staller', reporter ça» de plusieurs mois, à l'hiver par exemple, alors que les coûts ne seront plus les mêmes pour l'entrepreneur. «Et ils te demanderont de garantir ton prix» d'origine, prévu pour des travaux l'été.

Quand la procureure chef Sonia Lebel lui a demandé s'il lui était arrivé d'avoir été placé sur «une black list», sa réponse est venue rapidement: «ils ne pouvaient pas; on a toujours contribué».

Interrogé par le commissaire Renaud Lachance, il a répondu que oui, selon lui, un dirigeant politique a le pouvoir de «barrer» une entreprise s'il le veut.

Les tableaux déposés devant la commission laissent voir que l'ensemble des employés des entreprises liées à M. Accurso et les membres de leurs familles ont versé 556 000 $ au Parti libéral du Québec de 1998 à 2011, 154 000 $ au Parti québécois et près de 38 000 $ à l'Action démocratique du Québec.

De même, en plus d'avoir «prêté» son restaurant de Laval au Parti libéral en 2001 pour un cocktail de financement _ la photo diffusée la veille de M. Accurso étreignant Jean Charest _, il a fait de même pour l'ADQ.

Et c'est lui qui a fourni la nourriture et l'alcool. Il «ne croit pas» avoir facturé le parti politique pour ce faire. «Ça a été notre contribution», a-t-il ajouté.

À la fin de la journée, lorsque la question des personnes qu'il invitait sur son bateau a été soulevée pour une énième fois par Me Lebel, M. Accurso a répété qu'il s'agissait d'amis et que son bateau était comme son chalet, où il inviterait des amis.

«Comment ça se fait que d'autres hommes d'affaires ont le droit d'avoir des amis, moi je n'ai pas le droit d'avoir des amis et je n'ai pas le droit de les inviter chez nous?» s'est-il exclamé, en disant qu'il en avait par-dessus la tête (et en faisant un geste avec la main). «Y a-t-il quelqu'un, un jour, qui va me ficher la paix et me traiter comme un être humain. C'est 'rough'. C'est une période rough», a-t-il lancé.

Il a exhibé une photographie de lui-même, en compagnie de l'ancien premier ministre libéral Robert Bourassa, cette fois, et de Louis Laberge, qui fut président de la FTQ pendant des années, et qu'il qualifie de «père». Louis Laberge lui a présenté plusieurs représentants syndicaux, a-t-il raconté, et ceux-ci sont devenus des amis.

Le PQ nie

Par ailleurs, l'avocate du Parti québécois, Me Estelle Tremblay, est intervenue à la commission pour affirmer que la commande politique du bureau de Pauline Marois pour mettre de côté l'entreprise d'Antonio Accurso chez Hydro-Québec n'a jamais été faite.

Jeudi, l'entrepreneur avait raconté qu'en septembre 2012, son entreprise avait reçu une lettre d'Hydro-Québec le privant de la possibilité de soumissionner, même pour un contrat ou un sous-contrat. Sans explication, selon lui.

Il avait ajouté qu'il avait plus tard su, de la part de proches du Parti québécois, que la commande à Hydro-Québec avait été faite par le bureau de Pauline Marois, qui venait d'être élue première ministre.

Me Tremblay a pris l'initiative de se lever, vendredi matin, pour nier le tout, affirmant qu'après vérification, l'événement relaté par M. Accurso «ne s'est pas produit».

La juge France Charbonneau lui a fait remarquer qu'elle n'avait pas le droit de plaider elle-même et qu'elle aurait le loisir de contre-interroger le témoin éventuellement.

Hydro-Québec a pour sa part diffusé un bref communiqué, vendredi après-midi, dans lequel la société d'État affirme que «la planification et l'octroi des contrats par l'entreprise se font sans interventions externes, politiques ou autres».

Le témoignage de M. Accurso se poursuivra lundi pour une cinquième journée.

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