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Au Pakistan, une "troisième voie" politique proche de l'armée

Au Pakistan, une "troisième voie" politique proche de l'armée

L'ex-président Pervez Musharraf, observateur attentif de la crise politique pakistanaise, a franchi un pas cette semaine en apparaissant à l'écran pour demander la démission du Premier ministre Sharif, braquant les projecteurs sur la proximité entre manifestants antigouvernementaux et l'armée.

Car l'industriel Nawaz Sharif et le militaire Pervez Musharraf sont de réels ennemis politiques.

En 1999, Musharraf avait renversé Sharif lors d'un coup d'Etat sans effusion de sang. De retour au pouvoir à l'issue d'élections nationales l'an dernier, Sharif a mis sur pied un tribunal d'exception afin de juger Musharraf pour "haute trahison", une première pour un ancien chef de l'armée.

Confortablement assis dans son salon à Karachi (sud), le général à la retraite suit de près l'évolution de la crise politique à Islamabad où les partisans des opposants Imran Khan, ex-gloire du cricket reconverti en politicien nationaliste, et le chef religieux Tahir ul-Qadri, exigent la démission de Nawaz Sharif.

Là, son compte Twitter fait l'éloge de la contestation, notamment de Tahir ul-Qadri, qui avait été député sous son gouvernement militaire, là, ses partisans distribuent de la nourriture aux manifestants.

Mais cette semaine, l'ancien allié de l'Occident, au pouvoir de 1999 à 2008, est apparu sur la chaîne ARY, promanifestants, appelant à la démission du gouvernement, la mise en place d'une administration intérimaire et la tenue de nouvelles élections.

"Ces gens dans la rue sont prêts à mourir, il sont déterminés et motivés", a déclaré M. Musharraf. "Dans l'intérêt de la nation... il devrait y avoir un changement de gouvernement", a-t-il ajouté, appelant ses amis de l'armée à "tirer des conclusions allant dans l'intérêt de la nation".

Mais qu'ont en commun Musharraf, Khan et Qadri? Des liens historiques avec l'armée, mais aussi une volonté de porter au pouvoir une "troisième voie" au Pakistan.

Depuis son indépendance en 1947, le "pays des purs" a connu une alternance entre des gouvernements militaires et civils. Dans cette société empreinte de féodalisme, les gouvernements civils sont menés par la Ligue musulmane (PML-N) du clan Sharif ou le Parti du peuple pakistanais (PPP) de la famille Bhutto.

"Avant, il n'y avait que deux partis, la PML-N et le PPP, aujourd'hui vous avez de nombreux partis qui prétendent au pouvoir, la scène politique a changé pour le mieux", note Mushahid Hussain, sénateur sous la bannière du PML-Q, formation née en 2002 sous l'ère Musharraf.

Au centre de cette "troisième voie", trône le Parti de la justice (PTI) d'Imran Khan, autour duquel gravitent de petites formations comme le PAT de Tahir ul-Qadri, l'APML de Musharraf et la PML-Q.

"Chacune de ces forces (politiques) a ses liens avec l'armée. L'armée qui déstabilise le système, voilà la troisième force" pour le moment, note l'analyste militaire Ayesha Siddiqa.

L'analyste Najam Sethi évoquait récemment un "interventionnisme agressif mais indirect dans la politique" du "miltablishment" - establishment sécuritaire datant des années Musharraf - pour faire pression sur le pouvoir civil.

Si les partis de la "troisième voie" s'attaquent au gouvernement dans le but de provoquer sa chute, sinon des élections de mi-mandat, certains d'entre eux flirtent aussi avec l'idée de former une coalition lors du prochain scrutin.

Une coalition des forces tierces? "Il est encore trop tôt pour s'y engager, mais en terme de direction pour l'avenir, il y a une forte probabilité que cela arrive", explique à l'AFP Raza Bokhari, porte-parole officiel de Pervez Musharraf.

"Mais la seule force significative (de ce groupe) c'est le PTI. Imran Khan ne bénéficierait pas d'une telle alliance", estime Mme Siddiqa, suggérant que l'ex-gloire du cricket allait peut-être "utiliser" à son avantage ces partis sans "leur donner leur part".

Vendredi, une médiation a commencé entre le gouvernement et les opposants sous l'égide de l'armée, qui revient ainsi à l'avant-scène de la politique.

Et dans ces négociations, Nawaz Sharif risque d'avoir à redonner des pouvoirs aux militaires sur les questions sécuritaires et de politique étrangère, voire à retirer le nom de son rival Pervez Musharraf de la liste des personnalités interdites de séjour à l'étranger, notent des commentateurs.

gl/abk

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