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France: 30 ans après Brook, le Japonais Miyagi enchante Avignon avec le Mahabharata

France: 30 ans après Brook, le Japonais Miyagi enchante Avignon avec le Mahabharata

Le Japonais Satoshi Miyagi a donné cette semaine à Avignon (France) un "Mahahbharata" enchanteur, puisé aux sources du théâtre traditionnel japonais et présenté à l'endroit où l'avait créé Peter Brook il y a 30 ans.

Dans la carrière de Boulbon, le spectateur est cerné de hautes falaises en pleine nature. Le public est entouré d'un anneau surélevé sur lequel évoluent les acteurs-conteurs vêtus de blanc, tantôt figés en tableaux vivants d'une grande beauté, tantôt courant avec une agilité stupéfiante. Neuf percussionnistes interviennent parfois dans la narration.

Satoshi Miyagi, 55 ans, a entièrement remonté sa pièce, créée en 2003 à Tokyo, déjà plusieurs fois montrée en Europe et présentée mardi à Avignon (sud). Dans ce lieu magique, Peter Brook avait créé en 1985 un marathon de 11 heures qui a marqué l'histoire du festival d'Avignon.

De la saga indienne - dix-huit livres, plus de 200.000 vers datant de 2.200 ans avant Jésus Christ - Satoshi Miyagi a retenu un épisode de deux heures, qui "concentre comme une maquette toute l'histoire du Mahabharata, le Nalacharitam".

Le roi Nala, possédé par le démon Kali, joue aux dés toutes ses possessions, y compris son royaume. Dépouillé de ses biens, il abandonne son épouse bien aimée en pleine forêt, et erre désespéré. Il finira par la retrouver au terme de péripéties dont Satoshi Miyagi fait son miel, empruntant tour à tour au kabuki, à l'art des marionnettes du bunraku, et à mille inventions de son cru.

Malicieux, le metteur en scène introduit aussi de piquantes allusions modernes, comme cette publicité pour vanter les mérites de la princesse Damayanti comme s'il s'agissait d'une marque de thé.

Le "Nalacharitam" est pour Satoshi Miyagi une miniature de l'épopée indienne, et surtout, un des rares épisodes sans guerre. "Dans les épopées les plus populaires, on retrouve toujours la guerre, comme si c'était là qu'on trouvait le mieux le noyau de l'être humain", observe-t-il. "Pour moi, il s'agit d'une pensée très masculine, j'essaie de montrer que l'essence de l'être humain peut se trouver ailleurs que dans la guerre". De fait, le féminin est exalté dans sa pièce.

Le mouvement et la parole sont le plus souvent dissociés: d'un côté le comédien, de l'autre le conteur, qui lui prête sa voix. Une pratique qui emprunte aux codes du théâtre traditionnel japonais, du nô, du kabuki et du bunraku mais qu'on retrouve aussi dans le kutiyattam indien et le théâtre de papier japonais (kami-shibaï).

"J'ai puisé dans cette tradition, mais mon but était de remonter bien avant, de retrouver le respect des gens de l'antiquité pour la nature", explique-t-il.

Satoshi Miyagi, reconnu comme l'un des grands novateurs du théâtre japonais, dirige le Shizuoka Performing Arts Center, une plateforme de création ouverte aux metteurs en scène étrangers.

Selon lui, le Mahabharata "nous invite à reconnaître qu'il y a des choses qu'on ne peut expliquer", que l'homme ne contrôle pas tout, de la nature et de la terre. "Si bien qu'on ne peut traiter cette histoire sans avoir une telle modestie".

mpf/prh/abk

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