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Au cœur de l'affaire Bolduc: l'accès à un médecin de famille

Au cœur de l'affaire Bolduc
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Depuis que le ministre Yves Bolduc a obtenu une prime de 215 000 $ pour avoir pris 1500 patients dans sa pratique médicale privée lorsqu'il était député dans l'opposition, beaucoup de questions ont été soulevées sur la nature même de ces primes.

Un texte de Michel Rochon

Ces primes ont été négociées avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec pour tenter de résoudre un problème criant dans le réseau de la santé du Québec : l'accès à un médecin de famille.

« Il ne faut pas perdre de vue que le geste du Dr Bolduc s'inscrit dans une tentative louable de donner accès à tous les Québécois à un médecin de famille à long terme », soutient la professeure Mylaine Breton, spécialiste de cette question pour l'Université de Sherbrooke et pour le Centre de recherche de l'Hôpital Charles-Le Moyne.

Elle affirme que la stratégie, adoptée dans d'autres provinces, dont l'Ontario, est d'offrir une rémunération dite « mixte » : une prime initiale pour prendre en charge un patient qui est sur la liste officielle des patients sans médecins de famille, et une rémunération à l'acte pour chaque visite et geste médical.

Cette liste, c'est en fait le GACO : le guichet d'accès pour la clientèle sans médecin de famille, qui a démarré en 2009 et dont l'objectif est de créer des listes de patients selon le degré de soins requis.

Au début, on offrait une prime aux omnipraticiens intéressés à prendre un patient sur cette liste. Elle était initialement nulle pour les patients en santé, mais de 100 $ pour les patients dits vulnérables, c'est-à-dire qui avaient au moins une maladie diagnostiquée.

En novembre 2011, la prime a été majorée à 100 $ pour un patient en santé et à 200 $ pour les patients vulnérables, car le gouvernement voulait accélérer la prise en charge de ces patients dits « orphelins ».

Depuis le début du projet, plus de 400 000 Québécois sur la liste du GACO ont obtenu un médecin de famille. Un incitatif qui a donc eu un certain effet. Par contre, en date du 22 avril 2014, il restait encore 331 700 patients orphelins sur cette liste.

Mais, faut-il le préciser, ce programme n'est pas bien connu de la population en général et n'est donc pas représentatif de l'ensemble des patients sans médecins de famille. Car au moment de la création du GACO, 24 % de la population se disait sans médecin de famille.

Les effets « pervers » de ces primes

Selon le chercheur, entre novembre 2011 et juin 2013, les règles entourant ces primes ont permis à certains médecins de référencer un patient ou de choisir parmi les patients les plus simples à traiter.

Cette pratique d'autoréférencer un patient a été détectée par Québec, et a finalement été interdite sous le gouvernement péquiste. Il en va de même du nombre de patients admissibles par médecin, qui a été limité à 150, et la prime a été ramenée à 50 $.

Ce système de prime a également eu un effet sur le choix des patients. « Plusieurs patients jugés vulnérables, ou même très vulnérables comme ceux souffrant de cas lourds de santé mentale, n'ont pas bénéficié de ce système de prime. Ils demeurent aujourd'hui orphelins », souligne la chercheuse Mylaine Breton.

« C'est sans parler du problème de suivi, du manque d'imputabilité et surtout d'évaluation des effets », affirme Damien Contandriopoulos, qui croit que l'on ne devrait pas avoir besoin de donner des primes aux médecins pour les inciter à faire ce qu'ils sont déjà payés pour faire.

« Il existe maintenant tellement de primes et rémunérations diverses que les médecins ne s'y retrouvent plus eux-mêmes et ont de plus en plus recours à des firmes d'optimisation de la facturation ».

L'Association médicale du Québec a même démarré sa propre entreprise - Service aux médecins - qui offre des forfaits de gestion des factures et des primes.

En 2006, il y avait 11 omnipraticiens qui avaient obtenu une rémunération globale de plus de 500 000 $. En 2012, ils étaient 281. Reste à voir ce que le ministre de la Santé Gaétan Barrette fera pour s'assurer que ces primes soient plus efficaces et à l'épreuve des abus potentiels.

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